La fiscalité des terrains à bâtir

Même s'il n'existe pas de définition unique des terrains à bâtir, ces derniers sont générateurs de diverses recettes fiscales et de prélèvements sociaux, à savoir notamment la TVA due, le cas échéant, par l'acquéreur du terrain à bâtir, l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux grevant la plus-value éventuellement réalisée par le cédant du terrain à bâtir, la taxe foncière à laquelle est assujetti le propriétaire d'un terrain à bâtir. Il convient donc d'envisager successivement le régime de chacune de ces impositions.

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L'imposition de l'acquéreur à la TVA

Sont assujetties à la TVA les livraisons de terrain à bâtir opérées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Terrain à bâtir

Aux termes de l'article 257-I-2-1° du Code général des impôts, sont des terrains à bâtir au regard de la TVA « les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-3 du Code de l'urbanisme ». Cette définition, objective, ne dépend ni de l'intention de l'acquéreur du terrain de construire ou non sur ledit terrain, ni des éléments de nature à faire obstacle à un certain type de construction.

Suivant cette logique, la Cour administrative d'appel de Paris a considéré dans une décision du 24 janvier 2024 (n° 22PA02495) que le régime de TVA sur la marge était inapplicable aux cessions de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère de terrain bâti. Il s'agissait en l'espèce d'une parcelle de terrain sur laquelle existait une construction que l'acquéreur avait acquis avec l'intention de la démolir et souhaitait, dès lors, bénéficier du régime d'imposition de la TVA sur la marge applicable aux terrains à bâtir. La Cour a rappelé que l'intention de l'acquéreur était sans effet et que seule comptait la nature du bien acquis, qui était en l'espèce un terrain comportant une construction, et non un terrain à bâtir.

Cette position avait déjà été énoncée, antérieurement, dans une réponse ministérielle n° 30676 du 23 juin 2020. Le terrain à bâtir est en réalité défini selon deux critères : - un critère juridico-administratif tenant à la possibilité d'obtenir une autorisation d'édifier une construction sur le terrain ; - un critère objectif tenant à l'absence de construction édifiée sur ce terrain (sans quoi ce dernier devrait être qualifié d'immeuble bâti).

La notion de construction occupe ainsi une place centrale dans la définition de terrain à bâtir. L'administration fiscale la définit par référence à celle de « bâtiment » au sens du 2 de l'article 12 de la , comme toute « construction incorporée au sol » (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20).

Elle ajoute que pour caractériser une construction au sens de l', la « construction incorporée au sol » doit en outre pouvoir « être utilisée en tant que tel pour un usage quelconque ». Par conséquent, un terrain situé en zone constructible, sur lequel est établi un bâtiment en ruine, impropre à l'usage ou rendu inutilisable pour quelconque raison, devra être assimilé à un terrain à bâtir (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20).

Par ailleurs, un terrain constructible supportant des panneaux publicitaires ancrés au sol ne peut être qualifié de terrain bâti eu égard au caractère démontable de ces panneaux1.

Constitue en outre un terrain à bâtir un ensemble de parcelles sur lesquelles a été autorisée l'édification de maisonnettes préfabriquées qui, bien que démontables ou transportables, sont fixées au sol par des fondations et n'ont pas vocation, dans une utilisation normale et courante, à être déplacées2.

Assujetti agissant en tant que tel

L'imposition à la TVA concerne les livraisons de terrain à bâtir réalisées par un « assujetti agissant en tant que tel »3, c'est-à-dire par une personne réalisant l'opération pour les besoins d'une activité économique exercée à titre indépendant4 . Des précisions ont été apportées à ce sujet par le Conseil d'État dans un arrêt du 21 décembre 2022, n° 459476.

En l'espèce, une SCI, dont l'objet est l'acquisition, la gestion ou l'administration de biens immobiliers en vue notamment de leur mise en location, cède cinq des sept terrains à bâtir qu'elle avait acquis, en raison de l'impossibilité de réaliser sur ces terrains la construction de logements d'habitation aux fins de mise en location.

Bien que la cession de terrains ne relève pas de l'objet social de la SCI, le Conseil d'État considère l'assujettissement à la TVA justifié dans la mesure où la cession de terrains à bâtir s'inscrit dans le cadre de son activité économique, laquelle « comporte nécessairement le risque que certains d'entre eux se révèlent impropres à l'usage qu'elle entendait en faire et soient cédés afin d'assurer la pérennité de l'activité. » En somme, l'acquéreur d'un terrain à bâtir devra s'acquitter de la TVA sur la marge lorsque le cédant réalise l'opération dans le cadre de son activité économique et qu'il ne s'agit pas d'une simple opération de gestion d'un patrimoine privé qui aurait été exonérée du paiement de la TVA.

Régime d'imposition

Si les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir sont exonérées de TVA5 , les livraisons de terrains à bâtir sont, elles, imposées6 . L'assiette est alors en principe le prix d'acquisition du terrain à bâtir7 .

La taxation à la TVA s'opère toutefois « sur la marge » lorsque l'acquisition du terrain à bâtir par le cédant ne lui a pas ouvert droit à déduction de la TVA acquittée. Dans cette hypothèse et aux termes de l', la base d'imposition est en effet constituée « par la différence entre : 1° d'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; 2° d'autre part, selon le cas : a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. (...) » Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 30 septembre 2021 dans l'affaire C-299/20) qu'en principe le régime de taxation sur la marge ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sauf dans deux exceptions rappelées par la Cour administrative de Bordeaux, dans son arrêt du 6 décembre 2023 (n° 21BX04277).

En effet, les livraisons de terrains à bâtir sont taxées selon le régime de la TVA sur la marge : - lorsque leur acquisition a été soumise à TVA, même si l'assujetti revendeur n'a pas eu le droit de déduire cette TVA ; - mais également lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à TVA, alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Quant au taux de TVA frappant la livraison de terrains à bâtir, ce dernier s'élève en général à 20 %. Le taux réduit de 5,5 % est toutefois applicable dans les hypothèses prévues à l'. Tel est le cas notamment lorsque la cession du terrain à bâtir est réalisée au profit d'un organisme d'habitation à loyer modéré (HLM) visé à l'.

L'imposition du cédant sur la plus-value de cession

Concernant la plus-value de cession, la définition des terrains à bâtir correspond à celle retenue en matière de TVA sur la marge. Il convient d'envisager l'imposition de principe et les abattements exceptionnels.

Imposition de principe

La plus-value réalisée à l'occasion d'une cession de terrain à bâtir ou de droits relatifs à ce terrain (tels que l'usufruit ou la nue-propriété par exemple) est soumise à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 %, et aux prélèvements sociaux pour un taux de 17,2 %. Le cédant doit donc en principe s'acquitter auprès du Trésor public d'une somme égale à 36,2 % de la plus-value réalisée. À compter de la sixième année de détention du terrain, le propriétaire-cédant bénéficiera toutefois d'abattements fiscaux pour durée de détention.

L'impôt sur le revenu frappe le montant de la plus-value diminuée d'un abattement de : - 6 % par an à compter de la 6e année de détention et jusqu'à la 21e ; - 4 % pour la 22e année révolue de détention.

Ainsi, au bout de la 15e année de détention, l'abattement fiscal atteint 60 % de la plus-value de cession et à partir de la 22e année, l'abattement concerne 100 % de la plus-value et aboutit à une exonération. Quant aux prélèvements sociaux, ils frappent la plus-value de cession diminuée d'un abattement de : - 1,65 % pour chaque année de détention de la 6e

à la 21e année ; - 1,60 % pour la 22e année de détention ; - 9 % pour chaque année de détention de la 23e à la 30e .

À compter de la trentième année, la plus-value de cession est donc exonérée de prélèvements sociaux (car 0 % x 5 années + 1,65 % x 16 années + 1,6 % x 1 année + 9 % x 8 années = 100 % d'abattement fiscal au bout de 30 ans).

Abattements exceptionnels

L'article 9 de loi de finances pour 2024 n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 a reconduit l'abattement exceptionnel temporaire institué par la loi de finances rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017 n° 2017-1775 à l'.

Cette disposition institue notamment pour la cession de terrains à bâtir, au sens de l', un abattement de 60 % pour la détermination de la plus-value nette imposable à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux à condition que la cession : - porte sur un terrain à bâtir situé dans une zone géographique se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logement ; - soit précédée d'une promesse unilatérale de vente ou d'une promesse synallagmatique de vente, signée et ayant acquis date certaine à compter du 1er janvier 2024 et au plus tard le 31 décembre 2025 ; - ait été réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse unilatérale de vente ou la promesse synallagmatique de vente a acquis date certaine.

L'abattement exceptionnel est porté à 85 % lorsqu'en outre, l'acquéreur du terrain s'engage personnellement, par une mention portée à l'acte d'acquisition : - à l'édification d'immeubles neufs au sens du 2° du 2 de l' ; - à l'achèvement dans un délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition, d'un ou plusieurs bâtiments d'habitation collectifs au gabarit au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé en application des règles du plan local d'urbanisme ; - à affecter 50 % de la surface totale de ces constructions à du logement social, à du logement faisant l'objet d'un bail réel solidaire, ou encore à du logement intermédiaire tel que défini à l'.

Sont toutefois écartées du champ de l'abattement exceptionnel les cessions réalisées : - entre le cédant et son conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire ; - entre le cédant et son ascendant ou descendant ou celui d'une des personnes précitées ; - au profit d'une personne morale dont une des personnes précitées est un associé ou le devient à l'occasion de la cession8 .

L'imposition du propriétaire à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Le propriétaire d'un terrain à bâtir au 1er janvier de l'année d'imposition est imposable à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, s'il ne se trouve pas dans un cas d'exonération visé au Code général des impôts9 . Toutefois, la notion de « terrain à bâtir » au sens de la TVA ne correspond pas à la définition retenue en matière de taxe foncière au titre des « propriétés non bâties ». En effet, un terrain sur lequel son propriétaire envisage d'établir des constructions constitue, au regard de la taxe foncière, une propriété non bâtie.

À contrario, ne constitue pas un terrain à bâtir une parcelle de terre située dans une zone constructible, lorsque le propriétaire n'a pas manifesté l'intention de modifier l'affectation de la parcelle pour y édifier des constructions10 .

La définition des terrains à bâtir en matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties comporte ainsi une part de subjectivité, puisqu'elle est définie au regard de l'intention du propriétaire, contrairement au régime applicable en matière de TVA sur la marge, pour la cession des terrains à bâtir. La prudence est donc de mise lorsqu'il s'agit de caractériser l'existence d'un terrain à bâtir et ses incidences fiscales !

1 .

2 CE, 21 oct. 2019, Sté Loisirs Plein Air 50, n° 429940.

3 .

4 .

5 Art. ,5,1° du Code général des impôts.

6 .

7 Article 266, 2, b du Code général des impôts.

8 .

9 .

10 CE, 8e et 3e ss-sect., 24 juin 2009, n° 295372, M. et Mme Alloua.

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