Interview

« La loi SRU a été prorogée avec des objectifs soutenables », Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes et rapporteure du titre III sur l’urbanisme et le logement de la loi Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (3DS)

Logement - La sénatrice défend le compromis trouvé sur la loi 3DS, en particulier sur la construction de HLM.

 

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Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes et rapporteure du titre III sur l’urbanisme et le logement de la loi Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (3DS).

Le grand soir de la décentralisation n'est pas arrivé avec la loi 3DS. Comment l'expliquez-vous ?

Ce texte ne porte en effet pas de véritable ambition en termes de décentralisation. Le territoire n'est pas dans l'ADN du gouvernement qui manque d'ancrage. J'y vois également le peu de confiance accordée aux élus locaux, même si la barre a été redressée en cours de mandat. Pour autant, cette loi a le mérite d'exister. Le Sénat a considérablement enrichi le titre III portant sur l'urbanisme et le logement. A la fin, chacun y trouve son compte puisque ce texte un peu fourre-tout se compose d'une pléiade de mesures permettant de régler ponctuellement des points d'achoppement, à l'exemple du transfert des routes.

Comment s'explique cette commission mixte paritaire (CMP) conclusive, avec de nombreuses concessions faites au Sénat, alors que le gouvernement détient une large majorité ?

Cette loi comportant de très nombreuses mesurettes, chacun avait intérêt à trouver un accord, car une nouvelle loi sur la décentralisation ne devrait pas être une priorité du prochain gouvernement. Je pense plus particulièrement aux sujets régaliens, économiques et financiers. Jacqueline Gourault et Jean Castex ont été dépassés par l'agenda parlementaire, si bien que nous avons cru que cette loi ne verrait pas le jour.

Si la CMP avait échoué, la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat aurait eu lieu à marche forcée, ou n'aurait pas abouti. Les rapporteurs respectifs ont donc beaucoup échangé.

Le Sénat a placé la barre haut, essentiellement sur la réforme de la , la garantie de transfert des routes nationales prioritairement aux départements, les agences régionales de santé, la gestion des hôpitaux.

La loi 3DS prévoit la mutualisation intercommunale des objectifs de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), la conclusion d'un contrat de mixité sociale sans avis systématique de la commission SRU… Comment ne pas y voir un détricotage de la , que dénonce le monde HLM ?

La prolongation de cette loi aurait mérité un texte pour elle toute seule, afin notamment d'affiner les politiques de peuplement et d'attribution. Car cette loi a atteint l'un de ses objectifs, en matière de construction de logement social.

Mais elle a échoué à créer de la mixité, puisque nous avons assisté à la ghettoïsation de certains quartiers. Je réfute cependant le terme de détricotage. La a été prorogée au-delà de 2025, les amendements apportés par le Sénat rendent les objectifs soutenables pour les maires. Bien sûr, nous partons de loin. Nous sommes passés d'une époque où les élus pouvaient avoir des propos caricaturaux vis-à-vis de cette loi, à celle où ils sont constructifs et réalistes. Et cela, même s'il existe toujours des maires - de moins en moins nombreux, toutefois - hostiles à ce dispositif et de mauvaise foi, qui doivent être sanctionnés. Mais n'en faisons pas une généralité !

Les maires n'y arrivent plus malgré tous leurs efforts. Aussi, nous souhaitions les accompagner, et non pas les décourager.

Comment ?

Afin d'anticiper la discussion parlementaire, nous avons rédigé un rapport d'information basé sur une large consultation des maires. Vingt-cinq propositions avaient été formulées, pratiquement toutes transformées en amendements.

En supprimant l'avis préalable de la commission SRU dans le cadre de la conclusion d'un contrat de mixité sociale entre une commune et l'Etat, nous affirmons notre confiance aux maires. Mais aussi au préfet, qui définira des objectifs avec pragmatisme et bon sens, en tenant compte de la réalité des territoires. Il pourra, par exemple, prendre en compte l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) fixé par la loi Climat et résilience, mais aussi la loi Littoral et la loi Montagne, toutes deux très contraignantes dans les Alpes-Maritimes.

La commission nationale SRU a par le passé eu des positions dogmatiques, parce qu'elle était aux mains de technocrates ou de militants associatifs, éloignés du terrain.

La mutualisation des objectifs à l'échelle intercommunale ne risque-t-elle pas justement de permettre aux mauvais élèves d'échapper à l'obligation, et donc de renforcer les ghettos ?

L'intercommunalité est l'échelon le plus naturel pour porter une politique de l'habitat. Je reconnais que toutes les intercommunalités n'ont pas un degré de maturité suffisant pour la piloter. Elles y viendront. Mais je ne crois pas au fait que les mauvais élèves se déchargeront, puisque nous avons prévu un garde-fou. Cet objectif de mutualisation à l'échelle intercommunale ne peut être activé qu'à partir du moment où une collectivité a atteint le taux de 20 % de logements sociaux sur son territoire. En fin de compte, elle ne mutualisera que 5 % de l'objectif avec ses voisines.

Seulement 100 000 permis de construire supplémentaires ont été octroyés pour des logements lors de ce mandat par rapport au précédent, selon l'Elysée. Que faut-il mettre en place pour accélérer la construction ?

Il faut revenir sur la baisse des APL, via la réduction de loyer de solidarité (RLS), pour redonner de la capacité d'investissement aux bailleurs sociaux. La RLS traduit une volonté de financiarisation de la politique du logement, également exprimée au travers de la loi Elan. A mon avis, la concentration des organismes de logements sociaux, lancée par le gouvernement, désarmera les territoires. Or, sur certains d'entre eux, on a besoin d'opérateurs plus souples et plus agiles, et non pas de « mastodontes ». Par ailleurs, le rétablissement de l'APL accession, supprimée en 2018, serait un outil extraordinaire pour les primo-accédants modestes dans les zones tendues.

Quant au PTZ, il devrait être ouvert aux zones rurales. Plutôt que les dispositifs fiscaux de type Pinel, il faut développer le logement intermédiaire. Dans les zones tendues, il est à même de répondre aux besoins de la classe moyenne. De plus, il coûte moins cher car les gros investisseurs l'acquièrent en masse.

« En matière de construction de logement social, la loi SRU a atteint son objectif, mais elle a échoué à créer de la mixité. »

Simplifier les procédures, est-ce une solution ?

Oui, notamment celles d'urbanisme qui sont trop complexes. Sur certaines opérations d'aménagement de type ZAC, une procédure unique regroupant toutes les demandes d'autorisation permettrait d'aller plus vite. Enfin, pour construire plus et mieux, il faut densifier. Les gens n'en veulent pas, mais il faut avoir un peu de courage et montrer que densité peut rimer avec qualité, solidarité et proximité de services. Et que si l'on veut limiter l'artificialisation des sols et l'étalement urbain, c'est la clé. Pour y parvenir, je suis partisane d'intégrer dans les plans locaux d'urbanisme intercommunaux un plancher imposant un certain seuil de densité.

Pour pallier la difficulté des salariés à se loger dans la métropole Nice Côte d'Azur, vous avez été à l'initiative en 2012 d'une charte de partenariat public-privé signée par les promoteurs et les bailleurs sociaux (1). Est-ce une solution pour construire dans des zones tendues ?

Oui. Document vivant, cette charte sera pour la seconde fois mise à jour cette année. Nous y avons inscrit des conditions en termes de sortie d'opérations d'accession sociale à la propriété ou à prix maîtrisé, mais aussi de Vefa. Je ne prétends pas que la charte a tout réglé. Mais sur un territoire où le foncier est rare et cher, elle a au moins eu l'avantage de limiter la surenchère et la concurrence permanentes entre les opérateurs. Cela a permis aussi à certains propriétaires d'arrêter de faire de la rétention foncière car ils attendaient le prix du plus offrant.

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