L’avis est favorable, mais le vote a été douloureux. Et il est soumis à deux réserves. Réunis le 14 septembre, les membres du CSCEE se sont déchirés.
Sur les 14 personnes présentes, 7 ont voté pour, 7 ont voté contre. L’intégralité du « Groupe des huit » présents ont rendu un avis défavorable (lire encadré). Rappelons qu’en juillet dernier, ces membres qui représentent la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et les entreprises du bâtiment avaient demandé de nombreux amendements au projet de texte.
Cette fracture interpelle, dans la mesure où le CSCEE avait réussi à embarquer l’ensemble des représentants de filières pour obtenir un vote favorable à la RE 2020 dans le résidentiel, avec l’ajout d’une mention. A l’époque, cette unanimité était un enjeu politique et de communication fort, notamment vis-à-vis du grand public.
Vote décisif du président
Face à cette égalité, Christophe Caresche, le président du CSCEE, s’est positionné favorablement. Un vote qui compte double et qui a fait pencher la balance en faveur du texte de la RE 2020 dans le tertiaire et créé des tensions au sein de l’institution consultative. « Avec l’entrée de nouveaux membres au CSCEE,la force de la filière construction s’affaiblit encore, déplore un membre, qui aurait préféré un report du vote. Le président subit les pressions du ministère. »
Christophe Caresche s’en défend et assume son choix au Moniteur : « La discussion a eu lieu, elle est allée assez loin dans la technique, nous devions déjà donner un avis le 6 juillet dernier. Un nouveau report n’aurait pas été raisonnable car le texte suit un processus que je ne peux pas interrompre ou bouleverser. Par ailleurs, il aurait été difficile d’expliquer au grand public qu’une RE 2020 s’appliquait dans le résidentiel, mais pas dans le tertiaire. Et enfin, il s’agit d’une réglementation globale structurante pour le secteur. L’enjeu dépasse largement les sujets traditionnellement soumis au vote, et pour lesquels je ne prends pas part, quitte à ce que le CSCEE rende un avis négatif. »
Assouplissements pour les façades rideaux
Certains assouplissements ont toutefois été obtenus. « Nous avons adopté un texte avec les modifications de la part de la DHUP (Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysage, NDLR) qui concernaient essentiellement certains assouplissement dans les zones chaudes afin de permettre aux grands immeubles de bureaux dotés de façades rideaux de passer les seuils », indique Christophe Caresche.
L’administration a accepté de moduler les seuils dans les zones chaudes car les exigences de confort d’été auraient imposé l’installation de brise-soleils orientables automatiques (ou des leviers équivalents) qui pèsent lourd en carbone et qui consomment de l’énergie.
Mais ces amendements demeurent insuffisants pour sauver les petits immeubles de bureaux dotés d’une façade rideau. « Une partie du conseil considérait effectivement que les propositions de l’administration n’allaient pas assez loin », poursuit le président du CSCEE. Selon le Groupe des huit, 2100 bâtiments seraient chaque année bâtis avec une façade rideau, ce qui représente environ 980 000 m² de façades et 2,33 millions de m² de surface de plancher. Les petits immeubles de bureaux représenteraient 40% du marché de la façade rideau. « Nous considérons que la part de marché des petits bâtiments en façades rideaux est faible et qu’il y a des alternatives permettant de respecter les exigences. Il n’y a donc pas nécessité de modifier les exigences pour les petits bâtiments », auraient fait savoir les représentants de la DHUP.
Le Groupe des huit n’a pas non plus obtenu gain de cause sur la date d’entrée en vigueur de la RE2020 sur le tertiaire. Il milite pour une application 18 mois après la publication du texte, alors que le gouvernement vise le 1er juillet 2022. Par ailleurs, le recours au biogaz serait définitivement exclu.
Réserves du CSCEE
Concernant les réserves, « nous avons eu de nombreuses discussions sur les seuils liés à la ventilation qui sont pour le moment assez faibles et ne correspondent pas à ce qu’il se fait dans les bâtiments tertiaires. Nous demandons donc à augmenter ces seuils», explique Christophe Caresche. Suite à la crise sanitaire, de nombreux utilisateurs demandent effectivement à ce que les niveaux de ventilation soient relevés, pour assurer que l’air intérieur soit sain, ce qui augmente la consommation de l’immeuble.
« Enfin, le CSCEE a demandé à ce que le test d’étanchéité à l’air ne soit pas rendu obligatoire », indique le président du Conseil. Cette mesure concernait les immeubles de moins de 3 000 m², la première mouture du projet de décret prévoyait d’atteindre le seuil réglementaire de 1,7 m³/(h.m²).