Le droit immobilier dans la tourmente de la crise

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À l’occasion de la conférence annuelle organisée le 5 février 2013 par le cabinet Lefèvre Pelletier et associés sur « l’actualité du droit et de la fiscalité de l’immobilier », un constat s’impose : oui, la crise économique a rejoint le secteur de l’immobilier, mais pas seulement. Elle affecte également l’évolution du droit immobilier, de ses contrats et des politiques publiques en matière de logement. Éclairage sur les changements en cours.

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Crise économique

Indubitablement le secteur de l’immobilier est en proie à une conjoncture difficile : chute des transactions dans le résidentiel, marché des bureaux en repli, attentisme des investisseurs, niveau de construction de logements historiquement bas, etc. Tous ces événements ont une incidence directe et à rebours sur le droit immobilier et le gouvernement parie sur « le tout législatif » pour tenter de résoudre parfois… l'insoluble. Focus sur 3 événements saillants relevés lors de la conférence du 5 février : la TVA sur franchise de loyers, les impayés en matière de baux commerciaux et l’actualité du logement.

Depuis peu, des redressements fiscaux fleurissent en matière de TVA sur franchise de loyers. De quoi s’agit-il ? La vacance de locaux commerciaux s’accentuant, il n’est pas rare que le bailleur pour trouver rapidement un preneur consente une franchise de loyers, à la condition que ce dernier s’engage pour une durée ferme de 9 ans et renonce à sa faculté de résiliation triennale. Jusqu’alors les loyers non perçus durant la période de franchise n’étaient pas soumis à la TVA. Or, l’administration fiscale semble avoir changé de position. Elle considère que la franchise de loyers serait, en fait, la rémunération en nature d’une prestation de service rendue par le preneur (qui renonce à sa faculté de résiliation triennale) au bénéfice du bailleur. Cette franchise serait donc taxable. En cas de contrôle fiscal, l’administration pourrait réclamer au bailleur la TVA non collectée au titre de la franchise, ainsi qu’une pénalité et des intérêts de retard. Source d’insécurité juridique et économique, cette doctrine administrative fera-t-elle long feu ? Le juge de l’impôt ne manquera pas de trancher le débat. En attendant, Jacques-Henry de Bourmont et Denis Chardigny, avocats associés, recommandent d’adapter les clauses du contrat de bail en fonction de cette nouvelle doctrine.

Des impayés de loyers en hausse

Autre sujet concernant les baux commerciaux, la montée en puissance des impayés de loyers. Le monde de l’immobilier est également confronté à la crise par le biais de ses locataires de locaux commerciaux exposés, pour un nombre croissant d’entre eux, à des difficultés financières. La gestion rapide des premiers impayés est essentielle selon Marie-Odile Vaissié, avocate associée. Il faut lutter contre le temps qui passe et échapper au « spectre » de la procédure collective à l'encontre du preneur. En effet, celle-ci paralyse le jeu de la clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail, notamment pour défaut de paiement des loyers et charges. La protection accordée par la loi au preneur d’un bail commercial en situation de procédure collective doit donc inciter le bailleur à la vigilance et à la réactivité. Une des stratégies à mettre en œuvre est d’obtenir dès les premiers impayés de loyers constatés, un accord négocié avec le preneur qui devra ensuite être entériné par une décision de justice. On parle aussi de protocole homologué par le tribunal.

Baux d’habitation, copropriétés et loi Hoguet : plusieurs réformes menées de front

Alors que le 18e rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre vient de publier de nouveaux chiffres alarmants, le ministère du Logement a lancé des consultations pour l’élaboration de la future loi-cadre sur le Logement et l’Urbanisme, qui devrait être soumise au Parlement à l’autonome prochain. Philippe Pelletier, avocat associé, et Sidonie Fraîche-Dupeyrat, avocat counsel, dévoilent les grandes lignes du volet logement :

- Un encadrement pérenne des loyers via un système d’observatoires locaux des loyers mis en place sur l’ensemble territoire. Une expérimentation de ce dispositif est actuellement en cours auprès de 17 sites pilotes. Rappelons qu’un décret « blocage des loyers », applicable depuis le 1er août 2012 pour une durée d’un an, a déjà été publié et s’applique dans 38 agglomérations ;

- La décence revue à l’aune de la précarité énergétique. Pour le dire autrement, il ne serait plus possible de louer une « passoire thermique » ;

- Un meilleur contrôle de la vente par lots, aussi connue sous le nom de « vente à la découpe ». L’idée serait notamment d’interdire le congé-vente aux personnes morales, avec le risque in fine de voir les investisseurs se retirer du marché résidentiel ;

- L’instauration d’une garantie universelle des risques locatifs (GURL) venant en remplacement des systèmes actuels de GLI (garantie des loyers impayés) et GRL (garantie des risques locatifs) qui fonctionnent mal ;

- Une actualisation de la liste des charges locatives récupérables, à ce jour obsolète et lacunaire ;

- Un nouveau cadre législatif plus clair pour la location meublée ;

- Le développement et la sécurisation de la colocation avec un aménagement de la clause de solidarité.

Dans un souci de cohérence globale, d'autres chantiers sont menés parallèlement avec la refonte de la loi Hoguet tendant à une meilleure professionnalisation des métiers de l’immobilier ainsi que la création d’un Conseil national, et la réforme de la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés visant à apporter plus de garanties aux propriétaires dans la gestion par les syndics des copropriétés. Dernière mesure et non des moindres, une nouvelle réforme du droit de l’urbanisme pour accompagner la construction de logements, favoriser la densité et lutter contre l’étalement urbain.

Bref aujourd’hui plus qu’hier, « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », et les acteurs de l’immobilier doivent s’y résoudre au risque d’être emportés par le courant des réformes !

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