La qualité de l'air intérieur a longtemps été éclipsée par les préoccupations de pollution extérieure, mais pouvoirs publics, organismes de santé et d'environnement s'accordent aujourd'hui sur l'impérieuse nécessité de combler le retard.
Une vaste enquête en cours depuis deux ans sur les logements, dont les résultats seront publiés d'ici l'été 2006, doit permettre d'identifier les agents polluants et leur source en étudiant également la présence, le mode de vie et les activités des occupants.
"Mais on en est aux débuts de l'histoire", a reconnu Alain Morcheoine, expert de l'Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie (Ademe), en ouvrant un colloque sur le sujet jeudi au Salon Pollutec à Villepinte (Seine-Saint-Denis).
L'Observatoire de la qualité de l'Air intérieur (OQAI), maître d'oeuvre de l'enquête, passe ainsi au crible près de 600 logements pour constituer une gigantesque base de données.
"D'ici l'été, on pourra commencer à développer des indices de qualité, arriver à des indicateurs décrivant les bâtiments en termes de qualité de l'air intérieur", a assuré Séverine Kirchner, coordonnatrice scientifique de l'Observatoire.
"Les connaissances sur l'exposition aux risques sont insuffisantes, les matériaux encore méconnus. Jusqu'ici, on a géré par la crise", rappelle-t-elle en citant les scandales autour du plomb, de l'amiante ou de la légionnellose.
Il y a pourtant de bonnes raisons de chercher à en savoir davantage, selon elle: les maladies allergiques respiratoires ont doublé en 20 ans; 14% des couples consultent pour des difficultés à concevoir, qui pourraient être liées à la présence de substances toxiques; 7 à 20% des cancers sont liés à des facteurs environnementaux; enfin, chaque année, le gaz carbonique (C02) cause 300 décès et 6.000 accidents.
Au total, selon une étude italienne, les coûts médicaux liés à la pollution de l'air intérieur s'élèveraient chaque année entre 152 à 234 M euros.
En cause, des agents biologiques (acariens, blattes, bactéries, moisissures...), physiques (radon, amiante, champs électro-magnétiques) et chimiques (CO2, métaux lourds, pesticides...).
Aujourd'hui la société exige des informations sur sa santé et sa sécurité. Parallèlement, le projet Reach de réglementation de la chimie européenne va imposer davantage de transparence et de précautions. En outre, le bâtiment, deuxième émetteur de gaz à effets de serre - responsables du changement climatique -, doit agir pour réduire ses émissions.
D'où l'intérêt d'une réflexion globale, au profit des consommateurs et des bâtisseurs. Il reviendra ensuite à l'OAQI de mettre en place des "valeurs guide", établies à partir de la valeur toxicologique de référence des matériaux utilisés. A charge pour les fabricants de publier la liste exacte des composants de leurs peintures, enduits, moquettes...
En attendant, "quand on veut construire sainement, il n'y a aucun critère de choix", a déploré José Combou, de la fédération France Nature Environnement (FNE), en dénonçant la "carence des pouvoirs publics".
Au plan sanitaire, le Pr Bernard Festy, pharmacien et ex-président du conseil scientifique de l'OAQI, a souhaité un "système d'enregistrement des anomalies et accidents" liés à la qualité de l'air intérieur. "Le corps social, citoyen compris, ne signale pas suffisamment les incidents qui pourraient être liés à l'environnement intérieur," a-t-il estimé.
A lire également l’interview de Séverine Kirchner, coordonnatrice scientifique de l'Observatoire, dans Le Moniteur du 25 novembre.