Action Logement propose de réécrire sa directive du 26 juillet 2023, annulée par la justice en avril dernier, qui désavantage les OPH dans le partage de la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec). Avez-vous été conviés à y participer ?
Oui, et cela avance bien. Cette réécriture est nécessaire pour la période 2023-2027 dans le cadre de la convention quinquennale entre l'Etat et Action Logement. En revanche, il faut la rédiger normalement. Et la normalité, c'est l'application de la loi, en particulier l'article 313-17-2 du Code de la construction (1) sur le respect du principe de non-discrimination.
Combien d'OPH déposeront un recours pour obtenir les indemnisations qu'ils n'ont pas obtenues sous l'ancienne directive ?
Chaque office est libre d'effectuer une demande auprès du groupe Action Logement pour récupérer l'argent qu'il aurait pu toucher. Des négociations sont en cours. Nous estimons le préjudice à 961 M€.
Autre sujet qui fâche : la crise de gouvernance de 13 Habitat, qui ralentit la rénovation et la construction de HLM dans les Bouches-du-Rhône. Quelle issue souhaitez-vous ?
En tant que président de la Fédération des OPH, je n'ai pas à porter un jugement ou une appréciation. De toute manière, je ne dispose pas des éléments qui me permettraient d'affirmer que la faute incombe à la présidente, au conseil d'administration ou aux deux directeurs généraux qui ont été écartés. Je souhaite simplement que cette situation ambiguë débouche le plus rapidement possible sur un climat serein.
Les défaillances et redressements judiciaires de promoteurs se multiplient. Dans quelle mesure la production des OPH est-elle freinée ?
Contrairement à d'autres bailleurs sociaux qui dépendent de la Vefa à 80 %, voire plus, la maîtrise d'ouvrage directe représente environ 50 % de notre production. Nous sommes donc moins fragilisés par les promoteurs malades qui lancent de moins en moins de chantiers et donc réduisent l'offre à destination des organismes HLM. En excluant les projets de rénovation urbaine, nous devrions connaître cette année une progression significative de nos agréments, de l'ordre de 13 % par rapport à 2024.
Selon la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), un projet autorisé sur dix n'est finalement pas mis en chantier…
Ce taux de chute, estimé entre 10 à 12 %, s'explique notamment par les recours des riverains. Quand j'étais adjoint au maire de Rennes des années 1970 aux années 1990, les permis étaient rarement attaqués. Aujourd'hui, dès que vous voulez densifier, la majorité des projets sont ciblés par trois ou quatre personnes. Cela joue sur la concrétisation des agréments.
L'année 2024 a été marquée par une hausse des projets de construction de logement locatif intermédiaire (LLI). Quel regard portez-vous sur cette progression ?
Le loyer d'un LLI est deux fois supérieur à celui d'un HLM ordinaire. De plus, le LLI est soi-disant destiné aux classes moyennes, mais si vous regardez les loyers pratiqués à Paris par exemple, ce sont les plus riches des couches moyennes qui y sont éligibles. Dès lors, pourquoi l'Etat, aux marges de manœuvre réduites, dépense-t-il autant d'argent dans le LLI que dans le prêt locatif à usage social (PLUS) ? Son développement est utile, mais il ne doit pas se faire au détriment du logement social, indispensable. Les OPH construisent en moyenne 1 500 LLI par an sur un total de 30 000 logements.
La baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS), de 1,3 Md € l'an dernier à 1,1 Md € cette année, vise à vous redonner un peu de marge de manœuvre à court terme. Pouvez-vous chiffrer ses effets ?
La RLS est une taxe des loyers perçus par les bailleurs sociaux. Après lissage, elle représente 5,3 % de ces loyers, autrement dit de leur chiffre d'affaires (CA). Globalement, 5 % du CA représentent 20 % à 30 %, voire 40 % du résultat d'exploitation. Quand vous subissez une telle chute, mécaniquement, vous produisez moins. Par ailleurs, d'autres acteurs économiques sont taxés sur leur CA : le PMU et la Française des jeux… à 5,1 %. Avec cette petite baisse de la RLS, nous serons taxés cette année à hauteur de 4,6 % environ. Le logement social serait donc moins taxé que les paris. Ce qui est juste.
Mais il faut d'autres baisses, voire la suppression de la RLS, car la production sociale est au plus bas depuis 2016. Les organismes HLM sont passés de plus de 120 000 projets de construction à moins de 90 000 par an, alors que le nombre de demandeurs n'a cessé de croître.
« La modernisation du parc social est en marche, malgré les promesses non tenues du gouvernement. »
Le passage du taux du livret A de 3 % à 2,4 % en février dernier devrait aider le secteur…
Attention : cette baisse ne vise pas à aider le logement social. Elle répond à des impératifs bancaires liés à la conjoncture économique du pays. Nous espérons évidemment que le taux du livret A, qui finance nos projets de construction et de rénovation, continuera de reculer, idéalement sous les 2 % à la prochaine révision cet été. Mais cela n'aura aucune incidence sur les mises en chantier prévues cette année, financées par des emprunts indexés sur le livret A quand son taux était à 3 %. La baisse de février ne se ressentira qu'à partir de 2026.
De quelles autres mesures ont besoin les OPH pour construire mais aussi rénover ?
Il est nécessaire de baisser la TVA sur le PLUS, de 10 % à 5,5 %, car il s'agit d'un produit de première nécessité, comme le pain, taxé à 5,5 %. Cette baisse profitera aux locataires. Il n'y aura pas d'effet inflationniste sur les loyers, dont les plafonds sont fixés par l'Etat.
Les bailleurs sociaux n'ont pas encore éradiqué tous les logements étiquetés G de leur patrimoine, alors qu'ils sont interdits à la mise en location. Pourquoi ce retard ?
Ces passoires énergétiques se comptent par milliers sur un patrimoine de plus de 5 millions de logements sociaux [2,3 millions pour les seuls OPH, NDLR]. Ce sont des cas particuliers, par exemple dans des immeubles haussmanniens, impossibles à isoler par l'extérieur. Des locataires peuvent aussi refuser les travaux, et certains de ces logements sont situés dans des copropriétés privées… La modernisation du parc social est en marche, malgré les promesses non tenues du gouvernement. Je pense à l'enveloppe de 1,2 Md € qui devait soutenir la rénovation des HLM entre 2024 et 2026. Finalement, 172 M€ leur ont été versés en 2024. Nous aurons droit à 200 M€ en 2025 et rien l'an prochain.
L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) estime que ce retard est dû à un défaut de compétences des bailleurs sociaux, et pas à un manque de moyens financiers. Qu'en pensez-vous ?
Nous n'arriverons pas à tenir le calendrier d'éradication des passoires thermiques. Je demande depuis des lustres la création de MaPrimeRénov' HLM. Les OPH représentent environ 20 % des résidences principales du pays. Sur un budget annuel de 5 Mds €, nous pourrions toucher 1 Md €. Avec 1 Md €, il y aura des résultats. L'autre solution consisterait à orienter le Fonds national d'aides à la pierre (Fnap) vers la rénovation. Malgré ce manque de soutien, la dynamique est de toute manière lancée : 113 500 logements ont été traités en 2023, 135 800 en 2024. Nous prévoyons 149 700 changements d'étiquette cette année. Enfin, la moitié du patrimoine des OPH est notée A, B ou C.
(1) Cet article prévoit qu'un comité de 24 « partenaires » issus d'Action Logement, de l'Union sociale pour l'habitat et des collectivités, et désignés par la ministre du Logement, se mettent d'accord sur la distribution de la Peec « dans le respect, notamment, du principe de non-discrimination ».