Des permis de construire accordés en masse ne font pas le printemps. C’est ce que l’on peut retenir du dernier point de conjoncture réalisé ce jeudi 17 novembre par la fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Alors que plus de 500 000 autorisations à construire ont été octroyées entre octobre 2021 et septembre 2022 selon le gouvernement, pour les promoteurs, c’est l’hiver. Et le redoux paraît loin.
« Jusqu’à présent, on demandait de ne pas tenir compte de l’année 2020. On se rend compte à présent qu’elle devient une moins mauvaise année que 2022. C’est vraiment inquiétant », déplore Pascal Boulanger, président de la FPI. Selon lui, « la hausse des autorisations à construire ne se traduit pas par des mises en ventes. Un projet immobilier sur six ne sortira pas pour des raisons économiques, hors problématiques juridiques. » Ce qui signifie que le taux de chute pourrait être bien plus important, en raison des recours déposés sur les PC.
Ventes en bloc en chute libre
Et même quand le projet est bouclé, il a du mal à trouver preneur. Les grands investisseurs (banques, assurances..) et les bailleurs sociaux s’affichent en net retrait. Entre le troisième trimestre 2022 et celui de 2021, leurs réservations reculent de 54,6%. Ce qui fait dire à Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France, qu’« assoir une politique de logement locatif accessible sur les investisseurs institutionnels sous la pression de marchés internationaux paraît dangereux ».
Ce taux de chute s’explique aussi par la moindre production de Vefa HLM. Nordine Hachemi, PDG de Kaufman & Broad, s’est démarqué en juillet dernier, en indiquant avoir « reporté quelques opérations, représentant quelques centaines de logements, avec des bailleurs sociaux car l’équation économique ne nous satisfaisait plus. La hausse des coûts de construction ne permet plus d’atteindre l’équilibre économique. Nous l’avons fait remarquer à des bailleurs sociaux locaux [par opposition à ceux d’envergure nationale] mais ils nous ont répondu qu’ils ne révisaient leurs prix qu’une fois par an. Nous avons donc décidé de ne plus faire ces opérations pour le moment, nous leur donnons rendez-vous après leur commission [de révision des prix]. »
A titre d’exemple, « les prix de sortie des logements sociaux à Strasbourg sont administrés par l’Eurométropole, et fixés à 2 250€ du m², illustre Bruno Béni, vice-président de la FPI France, président de Topaze Promotion et ancien président de la FPI Grand Est. Suite aux appels d’offre, le coût de construction se fixe autour de 1 950€ du m². Vous rajoutez la charge foncière, environ 300€ du m², et le promoteur prend en charge tout le reste… et travaille à perte. Ce n’est pas tenable. »
Plafond de verre atteint pour les particuliers
De leur côté, les particuliers acquéreurs sont également moins nombreux : -22%, toujours sur la même période. Entre les conditions d’octroi du crédit immobilier qui se sont resserrées et les prix qui progressent sur le territoire national, « on atteint une sorte de plafond de verre sur les prix », indique Marc Villand. Le taux d’annulation des particuliers varie autour de 26% depuis 18 mois selon la FPI, quand traditionnellement, il tourne autour de 13%.
Résultat, le stock des promoteurs se reconstitue peu à peu. Le problème, c’est la création en cours « d’un stock dur, c’est-à-dire, d’appartements achevés mais pas encore réservés. La demande de logements est devenue tellement faible en quelque temps, qu’il y a des régions qui présente beaucoup d’offre, alors qu’il n’y a plus de demande. »
La marge, une variable d'ajustement ?
Autre fait nouveau : la sacro-sainte marge des promoteurs immobiliers devient une variable d’ajustement selon la FPI. « Il y a plusieurs façon de générer des revenus : la marge, mais aussi les honoraires de gestion et les honoraires de commercialisation, pose Pascal Boulanger. Certains promoteurs réussissent à faire accepter aux banques de financer des projets immobiliers avec un taux de marge plus réduit qu’habituellement (à 3 à 4 %, contre 7 à 8% traditionnellement). L’objectif étant de continuer à faire tourner l’outil de production et de conserver les compétences. »