Il a fallu une petite année de travail au sein de la commission Financements de l’IGD pour élaborer ce document synthétique, intitulé «Consolidation ou déconsolidation des PPP : critères, méthodologies et enjeux ». Lors de la présentation du document à la Paris Infraweek le 10 octobre, le président de cette fondation d’entreprises qui regroupe les parties prenantes à la gestion des services publics, Hubert du Mesnil, en a dévoilé l’ambition: « Clarifier la notion de déconsolidation, et en obtenir une vision partagée ».
Il relève en introduction du guide que « ces dernières années, des projets d’infrastructure ont été bloqués au nom de la consolidation de la dette et des conséquences sur les comptes publics alors qu’ils bénéficiaient d’une déclaration d’utilité publique et d’une bonne étude d’impact ». Et s’il ne s’agit pas pour l’Institut de « se prononcer sur l’importance, l’intérêt ou les conséquences de la déconsolidation », il souhaite néanmoins offrir aux acteurs qui décideraient d’emprunter cette voie toutes les clés du débat.
Maastricht et Dailly
Les prises de position des autorités européennes, notamment Eurostat, depuis 2004, ont conduit en effet à considérer qu’en principe les PPP sont consolidants. Ils sont donc pris en compte dans l’évaluation de la dette et du déficit public au sens du traité de Maastricht. S’y ajoute, pour la France, l’usage quasi-généralisé de la cession Dailly pour garantir le financement, qui flèche encore davantage les investissements vers les comptes publics.
Autre élément de contexte hexagonal, souligné par Hubert du Mesnil : « Les marchés de partenariat français sont faiblement incitatifs. Les taux d’indexation des loyers sur la performance sont assez faibles, par rapport à ce qui se pratique chez nos voisins anglais ou belges ». Dès lors, conclut-il, il y aurait sans doute place pour "un modèle de contrat permettant de réaliser des projets attendus depuis longtemps, avec un transfert de risques au privé plus important - mais qui serait cependant un peu plus coûteux».
Fiabilité
Le guide propose en ce sens une méthode pour bâtir un projet susceptible d’être considéré par les statisticiens de l’Insee et d’Eurostat comme non-consolidant. Pour Pierre Sorbets, qui s’est chargé de rédiger le document à partir des travaux associant, au sein de la commission Financements de l’IGD, diverses parties prenantes (Fin Infra, des représentants d’entreprises, de collectivités publiques, des banques, de la Direction générale des infrastructures - DGITM…), « un montage déconsolidant ne peut s’élaborer sur un coin de table, c’est un travail de haute précision. Cependant c’est faisable, et nous nous sommes appuyés sur le mode d’emploi (1) élaboré par Eurostat et l’Epec en 2016, ce qui confère à nos recommandations un bon degré de fiabilité ».
Il souligne en outre que si l’autorité statistique ne reconnaîtra la déconsolidation qu’une fois le contrat signé, il est tout-à-fait possible au porteur de projet de lui demander un avis préalable.
Clausier
Concrètement, le guide analyse en les simplifiant les 17 familles de clauses d’un PPP qui sont susceptibles d’avoir des conséquences sur le caractère consolidant d’une opération. Ces familles ont trait au design et à la construction, à l’exploitation et maintenance, aux mécanismes de paiement, aux changements dans le contrat, aux assurances, à la fin anticipée d’un PPP ou encore aux diverses formes de soutien public.
Dans chaque famille, les clauses sont réparties entre celles qui n’ont aucun impact en termes de consolidation (NI), celles qui ont un impact modéré (MI), important (HI) ou très important (VHI), et enfin celles qui entraînent automatiquement la consolidation (OBS). Par exemple, un projet ne pourra être déconsolidant si le partenaire privé n’assume pas pleinement le risque de construction. Autre exemple : une clause prévoyant la présence de la personne publique au capital de la société projet ou un contrôle de celle-ci « rendra la non-consolidation très improbable ».
C’est ensuite à un jeu de l’oie à partir de tous ces paramètres qu’il faudra se livrer pour établir le caractère déconsolidant d’un PPP.
Surcoût
Attention, toutefois, a alerté Olivier Genain, chef du département PPP à la DGITM : « Si un partage des risques retravaillé permet la déconsolidation de projets, il ne faut pas s’en priver, autant utiliser toute la palette des outils ! Mais cela ne permettra jamais de s’affranchir des règles budgétaires ».
Et il ne faut pas sous-estimer le surcoût que générera un montage déconsolidé. « Ce sera plus cher et pas seulement sur le plan des frais financiers », avançait Samuel Guillon, directeur financier du groupe Colas. Car un transfert de risques plus important au privé « nécessite une excellence opérationnelle, donc des moyens, et cela a un coût ». D’après Laurent Chabot, co-responsable des financements d’infrastructure à la Société générale – Corporate & Investment Banking, « l’impact sera toutefois variable selon les projets – et relativement limité pour les plus grands d’entre eux ».
"Consolidation ou déconsolidation des PPP : critères, méthodologies et enjeux", IGD, octobre 2019.
(1) Eurostat-Epec (European PPP Expertise Centre), « A guide to the statistical treatment of PPPs », septembre 2016.