L’intervention publique pour inciter les ménages à rénover leurs logements est « justifiée », mais doit être remodelée.
Dans une note présentée le 19 juin, le Conseil d’analyse économique (CAE) livre des « pistes d’amélioration » pour « rénover l’action publique » en matière de rénovation thermique. Car actuellement, « seul 5% du parc des logements est rentable à rénover pour les particuliers », estime le groupe de réflexion rattaché à Matignon.
En levant les « barrières » comme le « rationnement de crédit » ou les « problèmes de coordination dans l’habitat collectif », « ce taux monte à 26%, mais reste encore loin des 55% du parc pour lequel la rénovation est rentable » pour la société du point de vue de l’environnement et de la santé, lit-on dans la 81e note du CAE.
Un budget de 8Mds€ par an
Pour aller plus loin donc, et faire taire les « critiques diverses qui tiennent aux incertitudes sur la performance réelle des investissements, au manque de fiabilité des référentiels techniques, au manque de ciblage des dispositifs d’aide », le CAE propose tout d’abord de « sanctuariser » le budget annuel d’aides à son niveau actuel, soit 8Mds€ par an jusqu’en 2050. « Il faudra peut-être un peu plus car les aides ne sont jamais bien ciblées », anticipe Louis-Gaëtan Giraudet, co-auteur de la note.
Les subventions pour éradiquer en priorité les passoires thermiques et les systèmes de chauffage carboné composeraient l’essentiel du budget. Une somme non déterminée devrait en outre servir à organiser le système, de la lutte contre la fraude au pilotage des données.
Remplacer les CEE par une « contribution »
Cet effort suppose de continuer à associer financements publics et privés, des banques via l’éco-PTZ et des fournisseurs d’énergie via les Certificats d’économies d’énergie (CEE). Pour ces derniers, le CAE suggère une petite révolution, car le dispositif des CEE « n’a pas apporté la preuve de sa valeur ajoutée par rapport aux subventions de l’Etat et des collectivités », en témoigne « l’intervention de l’Etat sur le cours des CEE qui change le cours de la monnaie », souligne Louis-Gaëtan Giraudet.
Ainsi le CAE propose de le remplacer par une « contribution généralisée au service public de l’efficacité énergétique ». Prélevée sur les factures d’énergie, celle-ci abonderait le budget global de MaPrimeRénov’. « Ce changement aurait le mérite de rendre plus transparent les hausses de prix déjà appliquées par les fournisseurs d’énergie », lit-on dans la note.
« La collectivité constitue le bon échelon pour agir »
Les autres idées visent principalement à stimuler la demande.
La recommandation 3 concerne « le ciblage des aides sur les passoires thermiques et les ménages à bas revenu ». A condition de « bien coordonner isolation et changement de système de chauffage pour une solution bas carbone ». Cette idée a déjà fait son chemin au sein du gouvernement.
La recommandation 4, intitulée « changer de paradigme », suppose d’aller vers les prioritaires et non d’attendre qu’ils viennent au guichet. Cette mission incomberait à France Rénov’. A condition de « consolider la statistique publique » (recommandation 7).
Si la création de l’Observatoire national de la rénovation énergétique va dans le bon sens, il faut davantage ouvrir les bases de données existantes. « L’effort, explique le CAE, doit porter sur l’enrichissement et l’appariement de quatre types de données : les caractéristiques thermiques et socioéconomiques du parc de logements, les flux de rénovation (y compris les flux de rénovation non aidés qui échappent à la statistique publique), les données de consommation d’énergie et les données économiques relatives aux entreprises du bâtiment et aux transactions immobilières. »
Enfin, la recommandation 5 consiste à « inciter les rénovations lors des ventes de logement ». Sur le modèle, par exemple, des « 400 communes comme Nantes et Rennes qui pratiquent l’exonération de taxe foncière en cas de rénovation énergétique », illustre Louis-Gaëtan Giraudet, persuadé que « la collectivité constitue le bon échelon pour agir ».
La modulation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) « en fonction de la performance énergétique du bien, en prévoyant un remboursement du supplément à l’acquéreur s’il procède ultérieurement à une rénovation » est une autre piste pour stimuler la demande et ne pas passer à côté de ces passoires vendues avec décote sans faire l’objet de travaux par la suite, explique le CAE.
Ouvrir les vannes du label RGE
Concernant l’offre, le CAE propose de rendre « plus accessible » le label Reconnu garant de l’environnement (RGE), nécessaire pour distribuer les aides aux particuliers. La France compte 560 000 entreprises artisanales du bâtiment et seulement 62 000 sont RGE, en baisse de 16% par rapport à 2022.
Cela suppose de « simplifier l’octroi du label » pour embarquer davantage de TPE-PME, mais aussi d’instaurer « un service public du contrôle de qualité ex-post », qui financerait les audits après travaux. En cas de mauvais résultats, des « sanctions plus importantes » devraient en outre tombées pour « inciter les artisans à faire le mieux possible », imagine Gabrielle Fack.