Marchés publics : les affaires pénales se multiplient

Alors qu'une réforme du délit de favoritisme est envisagée une nouvelle fois à la faveur de la réforme des juridictions administratives, les affaires pénales mettant en cause des élus et des entreprises se multiplient. "Le Moniteur" a demandé à Michel Barrau, procureur général et chef du Service central de prévention contre la corruption (SCPC), de réagir.

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Michel Barrau, procureur général et chef du Service central de prévention contre la corruption (SCPC) : "Il est urgent de rétablir une vigilance accrue"

Depuis quelques semaines, les affaires de favoritisme semblent se multiplier : Polynésie française (affaire mettant en cause Gaston Flosse), Paris (affaire du stade Jean-Bouin), Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane française), Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beausoleil... Comme à chaque fois, la médiatisation de ces affaires met en cause des élus ou des chefs d'entreprise présumés innocents. La cause : le respect des procédures de passation du Code des marchés publics. Les assouplissements récents, jugés nécessaires pour favoriser la relance de l'économie (relèvement des seuils et suppression de certaines commissions d'appel d'offres), ainsi que le développement de la dématérialisation, ne doivent pas faire oublier la rigueur qui s'attache au maniement de l'argent public. Michel Barrau, procureur général et chef du SCPC, explique au "Moniteur" qu'il est urgent de renforcer les contrôles et de rétablir la vigilance. Il en appelle même à la dénonciation des pratiques douteuses. CE

Quelles sont les principales causes à l'origine du délit de favoritisme ?

Les délinquants invoquent généralement deux facteurs pour justifier leurs actes frauduleux : la complexité de la législation et la longueur et la lourdeur des procédures. Mais lorsqu'on analyse les dossiers de délit de favoritisme et de prise illégale d'intérêt portés à la connaissance de la justice en 2008, on s'aperçoit que les délits ont été commis par des organismes dotés d'équipes compétentes, qui ont délibérément choisi de favoriser certaines entreprises au détriment d'autres.

L'abandon des amendements parlementaires visant à adapter le délit de favoritisme vous semble-t-il opportun ?

Tout à fait. En tant qu'observateur, le SCPC prône une régulation forte afin de maintenir une vigilance accrue sur les éventuelles dérives de la commande publique. Nous regrettons d'ailleurs le relèvement des seuils, la suppression de la présence des représentants de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en commission d'appel d'offres (CAO) ainsi que la suppression des CAO des marchés de l'Etat et des hôpitaux.

Tous ces éléments entraînent un allégement des contrôles au lieu de les renforcer.

Quelles actions pourraient permettre de juguler le favoritisme aujourd'hui ?

Les carnets de commande sont loin d'être remplis et l'argent public est un bon moyen de renflouer les comptes des entreprises, dont la situation financière est difficile en cette période de crise. Il est donc urgent de rétablir une vigilance accrue en donnant les moyens nécessaires aux organismes extérieurs comme la DGCCRF et les juridictions financières pour assurer le suivi des procédures d'attribution des marchés. Autre piste à creuser : l'amélioration du signalement des fraudes. Les services policiers et les juridictions spécialisés en reçoivent très peu. Il est donc impératif de débrider la dénonciation pour permettre à ces experts de punir les infractions commises.

Lire aussi l'article publié par Le Moniteur :"Le favoritisme : un délit qui fait peur", n°5529 du 13 novembre 2009, p.94 et n° 5530 du 20 novembre 2009, p.94.

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