Méthode de notation des offres : peut-on tout dire ?

Passation des marchés publics -

La méthode de notation des offres, fixée par le pouvoir adjudicateur, fait l’objet d’un contentieux nourri. Compte tenu des risques induits par les fluctuations de la jurisprudence, l’administration doit conjuguer savamment prudence et transparence. Etat des lieux et recommandations.

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En marchés publics, le respect des obligations de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence représente autant de contraintes qui peuvent également contribuer à effectuer un achat économiquement plus avantageux. Tel est notamment le cas des règles relatives à la méthode de notation des offres.

OBLIGATION DE TRANSPARENCE

Le pouvoir adjudicateur doit dispenser une « information appropriée » aux candidats portant sur les « conditions de mise en œuvre » des critères d’attribution (1). Il s’agit d’expliquer aux soumissionnaires le contenu de ces critères en indiquant les éléments qui permettront d’apprécier leurs offres. Ces conditions de mise en œuvre peuvent s’exprimer par des sous-critères, lesquels devront eux-mêmes être pondérés (ou hiérarchisés) « dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection » (2). Toutefois, « aucun principe ni texte n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer [] les candidats de la méthode de notation envisagée pour évaluer les offres au regard des critères de sélection [] quels qu’aient pu être les effets de cette méthode sur la notation des offres » (3).

A ce stade, les termes du débat pourraient être énoncés de manière binaire : publicité des conditions de mise en œuvre des critères : « oui » ; publicité de la méthode de notation : « non ».

Deux écoles

La synthèse faite par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt « Syndicat mixte de la vallée de l’Orge aval » (4) est éclairante : « Tout critère (ou sous-critère) est supposé exercer une influence sur la présentation des offres mais tout ce qui exerce une influence sur la présentation des offres n’est pas un critère. »

Or, la méthode de notation est susceptible d’exercer une influence sur la manière dont les entreprises vont formuler leurs offres. Dès lors, bien que ce ne soit pas obligatoire, pourquoi ne pas la communiquer ?

Par analogie avec ce qui pourrait se pratiquer dans un couple, le pouvoir adjudicateur peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de tout dire à son futur cocontractant de ses intentions.

Deux écoles s’affrontent dès lors.

- Les uns, chantres de la transparence totale, invoquent l’efficacité de la commande publique et les vertus de la communication. Ils recommandent de donner un maximum d’informations aux soumissionnaires, estimant que l’on a tout à gagner à faire œuvre de transparence et prétendent que « lorsqu’on n’a rien à se reprocher, il n’y pas lieu d’avoir peur ».

- Les autres, plus prudents, ou échaudés, considèrent préférable de s’en tenir aux règles imposées. Ils estiment que toute information complémentaire constitue autant de bâtons donnés à des concurrents évincés pour se faire battre. En effet, le pouvoir adjudicateur doit mettre en œuvre ce qu’il a annoncé, même s’il n’était pas obligé de délivrer cette information.

Une réponse pragmatique

Comme souvent, la réponse doit être pragmatique. Ainsi, quel intérêt peut-il y avoir à garder secrète la formule de comparaison des prix ? A l’inverse, la discrétion est parfois de mise, dans les marchés à prix unitaires notamment. En effet, pour pouvoir comparer les offres de prix de tels marchés, pour lesquels les soumissionnaires peuvent être amenés à renseigner des bordereaux de prix comportant plusieurs centaines d’entrées, il faut en extraire certains dans le cadre d’un scénario fictif d’achat sous forme de détail quantitatif estimatif (DQE) encore appelé « chantier masqué », sorte de « panier de la ménagère ». On concevra aisément que dévoiler le contenu de ce « panier » pourrait s’avérer contre-productif dans la mesure où les soumissionnaires seraient susceptibles de faire leurs meilleurs efforts sur les seuls prix dont ils savent qu’ils serviront à l’appréciation de leur offre.

En d’autres termes, à l’invitation du juge, la collectivité acheteuse aura intérêt à se mettre à la place des entreprises soumissionnaires, tout en gardant à l’esprit ses impératifs d’efficacité de l’achat et de sécurisation de la procédure. Le meilleur moyen pour apprécier les informations à partager avec elles est de répondre à la question : « De quelles informations aimerais-je disposer pour répondre au mieux au besoin exprimé ? »

On pourrait, dès lors, soutenir que l’acheteur public ferait utilement œuvre d’empathie dans l’élaboration et la conduite de la procédure de passation de son contrat.

EGALITÉ DE TRAITEMENT DES CANDIDATS

L’absence d’obligation de publication de la méthode de notation ne signifie pas pour autant que le contenu de celle-ci est totalement libre. Elle doit, en outre, être régulière.

Méthode non discriminatoire

La méthode de notation des offres mise en œuvre peut faire l’objet d’un contrôle par le juge. Celui-ci s’attachera à vérifier qu’elle ne recèle pas une erreur de droit ou une discrimination illégale qui aurait conduit la personne publique à mettre en œuvre des sous-critères « occultes », sans lien avec l’objet du marché, ou encore à modifier les critères annoncés (5).

Pour limiter les risques d’accusation de méthode discriminatoire, il est recommandé d’arrêter la méthode de notation avant le dépôt des offres de manière, si possible, vérifiable. Celle-ci peut, par exemple, faire l’objet d’une approbation par le représentant du pouvoir adjudicateur ou par la commission d’appel d’offres. Il est important que le choix de la méthode repose sur des considérations objectives et justifiables et ne réserve pas à la personne publique un pouvoir d’appréciation discrétionnaire (6). A l’inverse, il est non moins important que l’administration préserve sa marge d’appréciation : une notation exclusivement mathématique paraît illusoire, voire risquée.

Critère du prix

Sur le critère du prix, ce qui aurait pu relever de l’évidence vient d’être jugé par le Conseil d’Etat de manière lumineuse : la méthode de notation doit permettre d’attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas (7). Il faut en effet que la méthode de notation permette d’attribuer de manière certaine la meilleure note au candidat proposant l’offre la plus avantageuse (8).

Par ailleurs, la méthode ne peut pas conduire à attribuer des notes négatives, lesquelles, en se soustrayant aux notes obtenues sur les autres critères, auraient pour effet de fausser la pondération annoncée (9). En revanche, un mécanisme de note éliminatoire semble pouvoir être envisagé (10). Il est toutefois recommandé de mettre en place un tel dispositif avec prudence et discernement, en considération notamment du risque de confusion avec les offres inacceptables.

Enfin, une méthode de notation du critère technique peut, de manière régulière, conduire à attribuer automatiquement la note maximale au candidat ayant présenté la meilleure offre (11). Plus encore, il pourrait être soutenu que si la méthode de notation d’un des critères (souvent celui du prix) conduit à donner le nombre maximum de points possibles à l’offre la plus performante, il faudrait que ce soit le cas pour tous les critères, sauf à risquer de fausser la concurrence. C’est peut-être sur ce terrain que le feuilleton juridictionnel consacré à la méthode de notation connaîtra ses prochains épisodes les plus haletants.

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