Le besoin du digital sur le marché du bâtiment ? Je dirais qu’il n’existe pas. » Venant d’Olivier Bernard, directeur commercial et marketing de HerculePro, éditeur de logiciels destinés au secteur de la menuiserie, cette affirmation peut étonner. Pourtant, elle représente bien la tendance dans un secteur où les acteurs du numérique ne cessent de répéter que les habitudes professionnelles sont tenaces. « Les acteurs de terrain peuvent avoir conscience de ce que le digital peut apporter, mais ils ne vont pas le faire d’eux-mêmes, explique Olivier Bernard. Il faut leur montrer. C’est l’offre qui crée la demande, et la pédagogie qui va avec. » Ou une crise, comme le montrent les résultats du baromètre France Num 2021 (voir encadré) : la numérisation globale des entreprises du bâtiment a grimpé en flèche après la pandémie de Covid-19, même si elle reste à un niveau relativement bas par rapport aux autres secteurs économiques.
Il faut d’abord distinguer le terrain, sur lequel un outil pour la pose ou la fabrication ne peut pas être remplacé par un smartphone et la gestion, l’organisation de l’entreprise. Diana Gonzalez, formatrice chez Smartisan et dirigeante de ConstructechClub, qui accompagne les entreprises du bâtiment dans leur numérisation, a identifié quatre secteurs de numérisation : la gestion financière, celle du chantier, la gestion des clients et le développement durable, que l’on peut rattacher à la gestion des ressources. Si, de prime abord, les chantiers paraissent peu concernés par la numérisation, Diana Gonzalez évoque quelques pistes : « Il y a des outils de suivi des chantiers, notamment pour communiquer aux parties prenantes les problématiques rencontrées, les anomalies, et faire signer les PV ainsi que les rendez-vous hebdomadaires. » Un moyen, aussi bien pour le conducteur de travaux que pour le client final, de suivre l’avancée du chantier et d’intervenir au besoin.
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Visualiser le projet
Diana Gonzalez pointe un autre aspect moins connu, la collecte de l’information : « On considère généralement que chaque chantier est unique. Mais toutes les maisons ont une salle de bains, une cuisine etc., et collecter des données, et les exploiter permettrait d’améliorer les chantiers aussi bien en construction neuve qu’en rénovation. »
Si l’utilisation d’outils numériques sur le terrain reste minime, l’un d’eux commence à se faire une place : la modélisation 3D. Les acteurs tentent de plus en plus de séduire les professionnels du secteur au contact avec le particulier, avançant les bénéfices commerciaux de ce type d’outil. C’est en tout cas ce qu’affirme Nicolas Kretz, directeur des ventes chez Elcia, entreprise spécialisée dans le développement de solutions digitales destinées au secteur de la menuiserie : « Le particulier est demandeur de ce type de solutions, car il a besoin de visualiser son projet. Cependant, peu de professionnels l’utilisent et le plébiscitent. » Ainsi, pour développer ce pan du numérique, l’entreprise Elcia s’est alliée à AlloTools, spécialisé dans la configuration 3D, pour interfacer le configurateur Batitrade à son logiciel ProDevis. Sur ce point, les industriels de la menuiserie sont aussi de la partie, puisque nombre d’entre eux développent leur propre configurateur destinés à tous leurs clients, qu’ils soient professionnels ou particuliers. Cependant, Olivier Bernard, de HerculePro, tient à faire une différence dans l’utilisation du configurateur 3D : « Le configurateur 3D a toute sa place lors de la vente, il permet de montrer le produit en situation au client. Mais lors de chiffrages rapides, ce configurateur trop lourd et trop lent n’a plus d’intérêt. »
Du côté d’Elcia, l’entreprise a pour but de « mettre la 3D au cœur de notre configurateur de vente », explique Nicolas Kretz. La centralisation est le leitmotiv des éditeurs de logiciels spécialisés dans la menuiserie, comme Elcia et HerculePro. Ainsi, les deux éditeurs proposent aux professionnels installateurs de nombreux services, allant de la gestion des équipes à la gestion comptable en passant par la relation client, avec toujours la promesse de gagner du temps et de rendre l’entreprise plus rentable.
Mais c’est bien leur catalogue qui fait la force de ces logiciels. En effet, l’installateur peut passer commande via l’application après avoir réalisé un devis pour son client, toujours sur la même interface.
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Une simple photo pour prendre les cotes
Mais les solutions digitales n’ont pas le même intérêt partout, comme l’explique Olivier Bernard : « Les outils digitaux sont faits pour apporter de la mobilité sur le terrain : la prise de mesures, le chiffrage, le suivi du chantier… Pour la gestion administrative du dossier, ils ont moins d’intérêt dans la mesure où la facturation ou les commandes fournisseurs par exemple sont des tâches réalisées par des collaborateurs sédentaires… »
Les progrès technologiques pourraient bientôt apporter de sérieux arguments au digital sur le terrain. Elcia permet, avec son application ProDevis Start écrite, de prendre des notes écrites et vocales sur le chantier pour les retrouver dans sa solution de chiffrage, au moment du devis. L’intérêt est d’éviter erreurs et pertes de temps aussi bien pour l’installateur que pour l’industriel. La réalité augmentée est aussi étudiée de près, elle pourrait aider le client final à se projeter et ainsi faciliter les ventes. Comme l’assure Olivier Bernard, le digital pourrait aussi révolutionner la prise des mesures : « Avec l’intelligence artificielle, il est aujourd’hui possible de prendre ses cotes grâce à une simple photo. »
