« Pour le secteur de la santé, le défi climatique est une urgence d’aujourd’hui », Stéphane Pardoux, directeur général de l’Anap

Nommé directeur général de l’Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) depuis le 1er juillet 2021, Stéphane Pardoux compte à son actif une carrière hospitalière de plus de 20 ans. Dans un contexte de mise en place du décret tertiaire mais aussi d’enjeux en matière de développement durable, il détaille les actions de l’Anap qui accompagneront, dès 2022, les établissements sanitaires et médico-sociaux.

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Stéphane Pardoux, directeur général de l’Anap.

En insistant sur le lien entre développement durable et secteur de la santé, que cherchez-vous à démontrer ?

Le secteur de la santé n’est pas le plus avancé en matière de prise en compte des questions de développement durable. La première raison tient au sens évident de ses missions et il n’y a donc pas, a priori, de nécessité à se questionner sur le sens d’une organisation sanitaire dans un cadre plus sociétal. Or, nous assistons aujourd’hui à un basculement où s’abstenir d’actions sur les leviers du développement durable revient à amplifier les effets sanitaires de la crise climatique et par conséquent à ne pas suffisamment se préoccuper de la détérioration de la santé. L’autre raison tient dans la nature des missions du secteur. En gérant en permanence des urgences immédiates de fonctionnement, de recrutement, de couverture territoriale, etc, celui-ci a peut-être moins la capacité que d’autres à se projeter sur le long terme. Face à ces constats, l’Anap propose d’inverser ces deux éléments de raisonnement en faisant du défi climatique une urgence d’aujourd’hui et une action intrinsèque des établissements.

Dans quel contexte cet engagement s’inscrit-il ?

Nous sommes en pleine préfiguration d’un nouveau Contrat d’Objectifs et de Performance (COP), qui précise la contribution de l’Anap à la stratégie nationale de santé et à la stratégie de transformation du système de santé. Ce projet stratégique, qui prend entre 3 et 5 ans, est piloté par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), dans un contexte d’exercice bouleversé par la pandémie, et sert à définir les grands axes thématiques et les critères d’évaluation des établissements de santé, dont fait partie l’enjeu de performance globale lié au développement durable.

Comment accompagnez-vous le secteur de la santé ?

Tout d’abord, nous étoffons nos équipes en interne en recrutant des experts sur le pôle RH, le pôle immobilier et celui consacré au développement durable. Par un appel à candidature, nous élargissons, ensuite, notre réseau d’experts en développement durable, constitué, par exemple, d’ingénieurs spécialisés, de directeurs d’établissements ou de soins. Ce réseau contribue aux productions de l’agence et à leur diffusion ainsi qu’à des partages d’expertise. Nous avons déjà reçu plus d’une centaine de candidatures !

Nous avons aussi élaboré un kit pratique et téléchargeable intitulé « Mettre en oeuvre le décret tertiaire »,  à l’adresse des chefs d’établissements de santé ainsi qu’aux responsables opérationnels des projets. En 15 mn, ce kit permet d’aborder le sujet complexe de la décarbonation. Pour la première fois, un décret impose aux établissements de santé de plus de 1000 m² une obligation réglementaire en matière d’efficacité énergétique afin de diviser par 2 leur consommation d’énergie à l’horizon 2040. Décarbonation et consommation énergétique deviennent les premiers sujets liés au développement durable avec un bâti du secteur de la santé disparate et en partie construit dans les années 1960 et 1970.

L’engagement environnemental des établissements est-il mesurable ?

Il l’est en partie grâce à « Mon Observatoire du Développement Durable » (MODD), dont la 5ème campagne prend fin le 31 janvier 2022. Sur la base du volontariat,  il permet aux établissements de santé de s’auto-diagnostiquer en appréciant le niveau de maturité des structures à travers six volets (gouvernance, social, sociétal, environnemental, achat et économique). A travers les campagnes précédentes, nous constatons que l’état d’avancement et le degré d’engagement sont encore très disparates entre établissements. Le développement durable (préserver la ressource en eau, gérer les déchets, réduire les GES…) n’est pas une préoccupation complètement partagée par la sphère de la santé. En renforçant la promotion de cet observatoire, l’Anap veut permettre aux établissements d’évoluer dans ce domaine, en menant par exemple une démarche RSE.

Ces annonces seront-elles suffisantes pour mobiliser les établissements ?

Plus de cent postes de conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES) vont être créés au sein des établissements de santé et médico-sociaux pour accompagner ceux-ci dans la mise en place de leur politique de développement durable. Financés à hauteur de 10 M€ par an jusqu’en 2024, ces conseillers seront chargés de mener plusieurs objectifs auprès des hôpitaux, cliniques et Ehpad, notamment de réduire leur empreinte carbone et les consommations énergétiques. Si chaque établissement pilotera ses  propres conseillers, l’Anap fédèrera ce nouveau réseau pour mettre en commun outils et bonnes pratiques. Enfin, pour accompagner les professionnels, nous avons signé un partenariat avec le Comité pour le développement durable en santé (CD2S) afin de proposer, début 2022, un module terrain pour aider les établissements à bâtir une démarche de développement durable.

Pour les directeurs d’établissements, il s’agit, une fois les urgences gérées, de concevoir un outil de pilotage et de management global qui soit fédérateur en ordonnant une politique de développement durable autour de l’énergie, des déchets, des filières de valorisation, etc.

Entre les données collectées par MODD, les réseaux d’experts, les conseillers en transition énergétique et écologique, tout concourt à ce que les composantes de sobriété écologique et de politique énergétique des bâtiments soient désormais prises en compte au même titre que l’accessibilité, l’adaptabilité, le dimensionnement, le degré de sécurité, la continuité d’activité ou les conditions d’hygiène.

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