Philippe Bonnave, 52 ans, dirige depuis deux ans les activités de Bouygues Construction implantées régionalement en France et en Europe de l’Ouest après avoir été directeur général Sud-Ouest Europe. Cet ingénieur de l’Ecole centrale de Lille veut continuer à se développer en France et en Europe en mettant l’accent sur le respect de l’environnement, les partenariats public/privé et les bâtiments logistiques.
Bouygues Entreprises France Europe réalise près d’un tiers du chiffre d’affaires de Bouygues Construction. Quels sont vos objectifs 2005 ?
Les entreprises qui constituent le périmètre de Bouygues Entreprises France Europe ont réalisé l’an dernier 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires, dont 550 millions en Europe de l’Ouest, avec une marge nette de 3,2 %. Pour 2005, l’activité devrait afficher une croissance de 5 à 6 % pour atteindre 1,8 milliard d’euros et surtout, nous enregistrons une très forte progression de notre prise de commandes (autour de 2 milliards). La conjoncture du secteur est très favorable dans tous les pays où nous sommes installés, avec peut-être un petit bémol pour la Belgique.
Votre organisation actuelle : cinq zones géographiques, onze grandes filiales… est-elle appelée à évoluer ?
Cette organisation, mise en place il y a quelques années, nous a permis de nous développer dans plusieurs pays européens en nous adossant à nos filiales régionales implantées en France : Quille nous a par exemple aidé à nous installer en Angleterre, Norpac en Belgique ou DV Construction en Espagne. Aujourd’hui, on peut dire que Bouygues Entreprises France Europe est un réseau d’entreprises européennes qui répond à un double objectif : avoir un ancrage local fort pour être proche de nos clients tout en ayant la surface suffisante pour disposer des meilleures compétences. Cette organisation ne devrait pas changer à court terme. Nous couvrons aujourd’hui l’ensemble du territoire français (hors Ile-de-France) et sommes particulièrement présents en Angleterre, en Belgique, en Suisse, en Espagne et à Monaco. Nous retournerons en Allemagne lorsque le secteur se portera mieux et n’avons pas de projet en Italie. Nous étudions actuellement quelques dossiers en matière de croissance externe, avec comme priorité de compléter notre maillage géographique en France et en Europe.
Quels sont les derniers contrats majeurs remportés ?
Nous venons de signer la réalisation en PPP du logipôle de l’hôpital de Douai. Il s’agit d’un centre logistique qui comprend une blanchisserie, une pharmacie et un certain nombre de services annexes. Nous devrions également réaliser le logipôle de l’hôpital de Magnac-Laval près de Limoges. Nous venons enfin de signer le contrat de réalisation d’une plate-forme logistique pour Renault à Villeroy près de Sens. Ce contrat de Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) s’élève à plus de 80 millions et concerne la réalisation de quatre bâtiments totalisant 156 000 m2. Remporté à l’issue d’un appel d’offres très disputé face aux grands logisticiens, ce succès renforce notre position sur cette « niche ». Nous avons au sein de Bouygues Construction réalisé plus d’un million de mètres carrés d’entrepôts depuis 2002, dont trois parcs logistiques nouvelle génération à Lille, Lyon et Nancy.
Vous venez de remporter le contrat des prisons de Mont-de-Marsan, Bourg-en-Bresse et Rennes. Etes-vous candidat sur d’autres appels d’offres ?
Nous sommes candidats pour les quatre nouvelles prisons qui vont être adjugées en PPP d’ici à la fin de l’année et nous allons lancer l’étude de trois nouvelles prisons en PPP dont les esquisses seront remises dans le courant du mois de septembre. Nous sommes par ailleurs en compétition pour l’hôpital de Caen et celui de Metz, qui sont de très belles opérations. Enfin nous serons partie prenante dans la réalisation de l’autoroute A41 Annecy-Genève (520 millions d’euros de travaux) pour laquelle Bouygues a été retenu. Nos filiales Quille, GFC et Losinger Construction travailleront en partenariat avec les autres entreprises de Bouygues Construction.
Vous avez centralisé les achats au niveau du groupe. Où en êtes-vous et quels sont les gains que vous en retirez ?
Un GIE achats et un GIE matériel ont été créés pour presque toutes les entreprises de Bouygues Construction. Nous nous appuyons sur 140 acheteurs professionnels qui négocient l’achat des matériaux et des équipements. Par exemple, tous les ascenseurs achetés en France par Bouygues Construction font l’objet d’une négociation centralisée. Pour certaines prestations, on a vu les coûts chuter de 30 % ! Ces GIE ont été mis en place il y a quelques années mais une impulsion décisive leur a été donnée depuis deux ans, dans le cadre de la nouvelle organisation de Bouygues Construction. Il nous a été difficile de rompre avec certaines habitudes, mais les gains sont significatifs, pour un coût de fonctionnement compris entre 0,3 et 0,5 % de l’activité.
Comment faites-vous pour recruter vos compagnons et vos cadres internationaux ?
C’est un véritable défi, d’autant plus crucial que nous avons 2 milliards d’euros de commandes à honorer ! Nous allons recruter cette année plus de 1 000 personnes, dont 500 cadres et plus de 500 compagnons. En 2004, nous avions déjà recruté plus de 500 compagnons. Pour sélectionner les jeunes, nos entreprises ont organisé des opérations originales de partenariat avec des lycées professionnels dans le cadre de « Défis Compagnons » avec, à la clé, des propositions de stages ou d’embauches. Nous menons également une politique active de formation de jeunes managers européens. Nous avons lancé un Club Europe : une petite centaine de personnes sont recrutées ainsi chaque année et réunies cinq fois par an pendant deux jours. L’idée est qu’à terme nous parlions tous le même langage et partagions la même culture.
Comment allez-vous prendre en compte le renchérissement des coûts de l’énergie et les attentes environnementales ?
Ces évolutions nous conduisent à modifier notre mode de fonctionnement. Ainsi nous ne pouvons plus nous limiter à une simple réponse à un cahier des charges. Nous allons faire en sorte de suggérer systématiquement à nos clients des écovariantes, privilégiant par exemple l’utilisation de matériaux moins « énergivores ».
Nous mettons en place ces jours-ci une direction Qualité Sécurité Environnement (QSE) avec des objectifs concrets sur le plan du respect de l’environnement mais aussi de la sécurité pour viser le « zéro accident » sur tous nos chantiers. Certains de nos chantiers vont bientôt arborer un drapeau bleu qui signifiera notre engagement vis-à-vis de l’environnement et des riverains. Le premier drapeau bleu vient d’être affiché sur notre chantier du métro de Toulouse. C’est une démarche qu’on a menée en Suisse avec succès depuis plusieurs années. Ce sera notre grande priorité en 2006. Le développement des contrats en PPP constitue aussi une excellente opportunité de prendre en compte la montée des attentes environnementales. Ce type de contrat nous oblige à étudier l’évolution d’un ouvrage sur le très long terme pour en optimiser la maintenance, ce qui influence forcément sa conception et sa construction, et fait progresser l’ensemble de la profession.
Vous avez maintenant des références majeures en matière de PPP en Grande-Bretagne. Cette expérience est-elle transposable en France ?
Les nombreux hôpitaux et groupes scolaires que nous réalisons à Londres nous ont appris à mener des opérations complexes, associant des financiers, des techniciens, des mainteneurs, etc. Nous savons gérer ces équipes pluridisciplinaires et la multiplicité des intervenants impliqués. Et puis nous avons des premiers retours d’expériences grâce aux établissements déjà mis en service. Ensuite, construire et maintenir un hôpital reste assez différent d’un pays à un autre, chaque pays ayant ses procédures et ses caractéristiques culturelles auxquelles il faut s’adapter.
