Décryptage

Ressources humaines : l'actionnariat salarié, un levier de fidélisation pour les ETI

Les sociétés non cotées du BTP plébiscitent le dispositif, dont la mise en place revêt des enjeux forts : attractivité de l'entreprise, responsabilisation des collaborateurs, développement du sentiment d'appartenance…

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Les majors de la construction ne sont plus les seules à associer leurs collaborateurs au capital social. L'actionnariat salarié monte aussi en puissance au sein des ETI. « Pour une société non cotée comme la nôtre, ce dispositif représente un précieux outil d'attractivité et de fidélisation », pose Laurence Lelouvier, DRH de NGE (23 600 salariés depuis le rachat de Sade en mars 2024), qui lance cette année sa dixième campagne, avec, à ce jour, 21 % du capital entre les mains de ses collaborateurs.

En entretien d'embauche, le sujet interpelle les candidats, « qui ne manquent pas de demander des précisions complémentaires sur le mécanisme. Le fait pour un groupe d'appartenir à ses salariés n'est pas si commun », valorise-t-elle. Chez NGE, le dispositif a déjà convaincu plus de 11 000 collaborateurs, soit 82 % des effectifs des filiales françaises hors Sade, dont les 7 000 salariés pourront eux aussi participer aux opérations de souscription à partir de cette année.

Si Acorus, ETI spécialisée dans la rénovation en site occupé (2 000 collaborateurs), a de son côté ouvert son tour de table à ses salariés en 2022, c'est notamment pour en faire un élément de marque employeur. « Nous comptons à ce jour 180 salariés actionnaires, qui détiennent 13 % du capital », chiffre Mickaël Haut, son directeur général. « Le dispositif constitue un des leviers de notre politique RSE sur lequel nous misons tout autant pour renforcer l'attachement à l'entreprise », ajoute le dirigeant, toutefois conscient que « cette mesure isolée ne suffit pas : elle doit être associée à une politique de rémunération attractive ainsi qu'à un environnement et des conditions de travail agréables », nuance-t-il.

« Partager la valeur »

Les aspects RH, « enjeux majeurs du dispositif », n'ont pas non plus échappé à Laetitia Bally, DRH de Léon Grosse (2 800 salariés). « C'est notamment dans l'optique d'améliorer notre package social et de partager la valeur que nous avons, en 2022, lancé notre première opération d'actionnariat salarié, témoigne-t-elle. Nous avons proposé, lors des trois premières campagnes, un abondement unilatéral d'un montant compris entre 100 et 125 euros qui permet à tous les collaborateurs, quels que soient leurs moyens financiers et sans condition de versement, de participer à l'aventure. » Au-delà de cette mesure sociale, un système d'abondement compris entre 100 % et 25 % s'applique jusqu'à 1 000 euros de versement. Les salariés de Léon Grosse détiennent pour l'heure 2,4 % du capital.

Outre ces initiatives récentes, la mise en place de l'actionnariat salarié fait dans certains cas partie intégrante de l'histoire de l'entreprise. C'est le cas chez GCC (3 000 employés), dont les collaborateurs détiennent 16,3 % du capital via un fonds commun de placement d'entreprise (FCPE).

« Ce dispositif fait partie de l'ADN du groupe depuis son indépendance à la suite de la reprise par ses dirigeants, qui remonte au début des années 2000 », évoque Eric Spielmann, son DRH. L'idée n'est pas tant de concurrencer les majors en termes d'attractivité, mais plutôt de responsabiliser les salariés par rapport à la santé économique de l'entreprise.

« Investir de l'argent pour la création de valeur de la société et en tirer des bénéfices est de nature à les rendre un peu plus acteurs et un peu moins spectateurs : les collaborateurs se sentent davantage concernés par les résultats du groupe », poursuit-il. A ce jour, la moitié des effectifs sont actionnaires de GCC.

« Travailler le sens du collectif »

Pour Laurence Lelouvier, bien que l'action chez NGE ait vu sa valeur multipliée par dix depuis la mise en place du dispositif, son importance ne réside pas tant dans la valorisation financière, « d'autant qu'il s'agit d'un investissement individuel et libre quant au montant placé. Il constitue en premier lieu un levier pour travailler le sens du collectif et, de la sorte, développer le sentiment d'appartenance », spécifie-t-elle.

L'actionnariat salarié, qui mobilise des règles complexes, implique par ailleurs de communiquer auprès des collaborateurs. Lors de road-shows annuels, les cadres dirigeants de NGE se déplacent dans toutes les régions pour présenter les résultats du groupe, la valeur de l'action, le fonctionnement du dispositif ou encore l'intérêt d'investir pour les employés. « Ce qui leur garantit une transparence sur les comptes de l'entreprise », commente Laurence Lelouvier. « Indice de confiance des salariés », selon elle, le montant investi augmente d'ailleurs chaque année.

Comme le souligne Laetitia Bally, la diffusion des informations liées au dispositif - modalités de souscription, niveaux de risque ou encore moyens de faire fructifier les investissements -nécessite « une importante mobilisation du management sur le terrain ». Lors de la première campagne en 2022, 60 % des salariés ont souscrit à titre volontaire - 68 % l'an passé. Parmi eux, 41 % de compagnons. « Un marqueur fort d'adhésion au projet d'entreprise dans le contexte inflationniste actuel », se félicite la DRH. Autant de performances, ajoutées à son système d'abondement unilatéral, qui ont valu à Léon Grosse de recevoir, en décembre dernier, le Grand prix FAS de l'actionnariat salarié dans la catégorie des sociétés non cotées.

« Nos coactionnaires nous attendent sur la performance du groupe », Jean-Charles Robin, président de Spie Batignolles (9 000 salariés)

« Nous avons innové au sein du secteur en ouvrant, dès 2004, notre capital aux collaborateurs. Une démarche qui trouve sa source dans un rachat de l'entreprise par ses salariés intervenu quelques années auparavant. Notre objectif était de générer de l'attachement à la société et du partage de la valeur créée.

Le dispositif permet en effet aux salariés de se constituer un patrimoine. Par le jeu de l'abondement et de la croissance, une personne investissant 1 800 euros au total sur une durée de cinq ans sera propriétaire, à l'issue, de 5 600 euros.

L'actionnariat salarié représente aussi un élément de stabilité de la stratégie : nos collaborateurs détiennent aujourd'hui pas moins de 40 % du capital. Ce système crée en outre une responsabilité sociétale à laquelle ne sont pas soumises les autres entreprises, car les salariés qui sont aussi nos coactionnaires nous attendent sur la performance du groupe. Il implique ainsi un engagement extrêmement fort des membres des comités de direction. Notre fonds d'épargne salariale en actions d'entreprise regroupe maintenant 6 700 personnes et pèse 130 M€, contre 1,5 M€ au moment de son ouverture. Preuve de l'attachement au modèle, quelque 1 000 anciens employés aujourd'hui à la retraite sont toujours actionnaires de l'entreprise. »

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« Un modèle d'investissement pour sécuriser nos collaborateurs », Guillaume Beghin, DRH du groupe Legendre (2 400 salariés)

« L'ouverture du capital d'une entreprise aux salariés n'est pas sans comporter de risques, a fortiori dans un contexte économique mouvant comme nous en connaissons actuellement. Aussi n'avons-nous à ce jour pas franchi le pas au niveau du groupe. Notre foncière Leginvest, créée en 2013 et composée de 44 sociétés immobilières, est en revanche détenue à 75 % par nos collaborateurs via un fonds commun de placement d'entreprise. Un modèle d'investissement dans la pierre orienté vers une rentabilité à long terme qui offre ainsi un système d'actionnariat plus sûr. La valeur de l'action augmente d'ailleurs en moyenne de 9 % par an. Les collaborateurs ont, chaque année, la possibilité de verser leur intéressement, leur participation ou encore de faire des paiements volontaires, avec un système d'abondement dégressif - de 50 % à 15 % -jusque 5 000 euros investis. Aujourd'hui, 64 % des salariés de Legendre sont actionnaires de cette foncière. Ce dispositif performant, sûr et dynamique, figure parmi les outils RH destinés à nous rendre compétitifs vis-à-vis des majors et inciter ainsi les candidats à rejoindre une ETI comme la nôtre. »

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