La commission dite Rebsamen sur la relance de la construction de logements a achevé ses travaux. Missionné au printemps dernier par le Premier ministre, François Rebsamen, le maire PS de Dijon, a remis ce jeudi 28 octobre 2021 à la ministre en charge du logement, Emmanuelle Wargon, le tome II de son rapport. Le premier tome, adressé au gouvernement le mois dernier, comportait des mesures destinées à être inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022. Le gouvernement a d’ailleurs déposé ce jeudi un amendement au PLF prévoyant une compensation intégrale, aux collectivités, pendant dix ans, de l’exonération de TFPB dont le logement social bénéficie.
Les propositions du tome II du rapport de la commission Rebsamen s'inscrivent à plus long terme. La première consiste à prolonger, au-delà de 2022, les contrats de relance du logement que le tome I proposait de substituer à l’aide aux maires bâtisseurs contenue dans France Relance. Une prolongation qui passerait également par l’association - à l’élaboration et au suivi de ces contrats de relance - des établissements publics d’aménagement et fonciers, des bailleurs sociaux, d’Action logement, de la Banque des territoires, des acteurs privés de la promotion et de la construction, ainsi que des associations, au-delà des principales parties des contrats de relance que sont l’État, les EPCI et les communes.
Renforcer les capacités locales de diagnostic sur le logement
Lors du renouvellement de ces contrats, il sera "indispensable de veiller à l’approfondissement de l’évaluation des besoins locaux en logements", estime le rapport. D’abord, en garantissant un lien "fort" entre les objectifs des PLH et ceux des contrats. Ensuite, en renforçant les capacités locales de diagnostic sur le logement, via un recours plus important aux observatoires de l’habitat et du foncier. Mais "l’engagement de l’État sera aussi indispensable" pour mettre à disposition des collectivités et de leurs observatoires les données issues des bases statistiques nationales, souligne la commission.
Concernant les projets d’intérêt général mentionnés par ces contrats locaux de relance du logement et ayant une incidence sur l’environnement, la participation du public pourrait être assurée par la procédure de participation par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, suggère le rapport. Cela afin de remplacer l’enquête publique et d’accélérer la procédure. Dans la même veine, pour des projets d’intérêt général mentionnés par les contrats locaux de relance du logement, ayant une incidence sur l’environnement et donnant lieu à une consultation préalable, les délais maximaux de transmission, par les services de l’État compétents, pourraient être "réduits." Corollairement, les délais maximaux pour la délivrance des permis de construire pourraient également être réduits.
Débloquer les projets
De la même façon, le rendu des avis obligatoires de différents services de l’État pourrait être accéléré pour des projets d’intérêt général mentionnés par les contrats locaux. Seraient concernés au premier chef les avis des Architectes des Bâtiments de France sur, notamment, les projets situés dans un périmètre de protection d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques. Il pourrait en être de même pour l’avis conforme du ministre chargé des sites concernant les sites classés ou en instance de classement.
Afin de "favoriser l’intensité urbaine" et de débloquer les projets, le rapport propose aussi de définir dans les contrats locaux les secteurs où la commune utilisera les facultés de dérogation ouvertes par l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme et, pour chaque secteur, le niveau de ces dérogations en fonction du contexte local. La référence au contrat facilitera la mise en œuvre des dérogations par la collectivité en apportant la motivation exigée par le code de l’urbanisme, affirme le rapport. L’identification des secteurs concernés donnera enfin aux promoteurs la visibilité dont ils ont besoin pour utiliser ces dérogations à leur niveau, assure-t-il encore.
Passer par la qualité pour garantir l'acceptation
La commission conseille, en outre, d’insérer dans les contrats locaux des exigences de qualité sur les logements à produire, qui seront élaborées par les collectivités après concertation avec les professionnels. L’acceptation des projets par la population et la capacité des élus à les défendre auprès de leurs administrés "en dépendent." Le rapport Girometti-Leclercq pourrait servir de "support."
Autre suggestion, insérer, dans les contrats locaux, des clauses relatives au financement des équipements publics rendus nécessaires par l’accueil des nouveaux logements, en précisant les modalités de mobilisation des outils existants (taxe d’aménagement, PUP, participation ZAC…). Et, le cas échéant, en élargissant le champ des équipements finançables par la taxe d’aménagement et sa majoration, et en prévoyant un mécanisme de péréquation entre les communes de l’intercommunalité, selon qu’elles accueillent des logements ou des locaux d’activité.
Un mécanisme inspiré de la loi SRU
L’acceptabilité des projets de construction reposant sur une vision partagée des besoins, notamment par leurs habitants, la commission préconise aussi, en priorité dans les zones tendues, que le préfet de département communique annuellement à l’EPCI et à ses communes membres un état des lieux des besoins de logement, en particulier de logements sociaux. Ce document serait inscrit à l’ordre du jour des conseils municipaux et du conseil communautaire en tant que communication de l’exécutif non soumise au vote et diffusée publiquement. Il aurait également vocation à nourrir la délibération annuelle du conseil communautaire sur le bilan de réalisation du PLH. Ce dispositif pourrait être limité aux EPCI relevant d’une zone tendue (A bis, A ou B1).
Le rapport conseille également d’appuyer la mise en œuvre effective des PLH sur un mécanisme de sanctions pour les communes qui font obstacle "manifestement et de façon persistante" à la mise en œuvre des objectifs de production de logement sur leur territoire. Instauré à l’initiative de l’EPCI, ce mécanisme pourrait être inspiré du dispositif introduit par l’article 55 de la loi SRU. Après une première mise en demeure restée sans effet, une sanction financière à la charge de la commune en situation de carence pourrait être envisagée, avant, éventuellement, dans un troisième temps, que la capacité de délivrer les permis de construire ne soit transférée du maire au président de l’EPCI.
Accélérer les procédures
Mesure plus douce, mais dans un autre domaine, la commission suggère la mise en place, dans les départements, d’une commission de médiation, présidée par le préfet et pouvant être saisie par les maîtres d’ouvrage en conflit avec une commune au sujet de la délivrance d’un permis de construire.
Si contentieux il y a, afin d’accélérer les procédures, qui ralentissent les projets de construction de logements, le rapport recommande de fixer le délai de cristallisation des moyens prévu à l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme à deux mois à compter du dépôt de la requête initiale du pétitionnaire. Au lieu de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Il propose aussi de prévoir la possibilité, pour les parties défenderesses, de présenter, dans un délai d’un mois à compter de la communication de la requête, un mémoire exclusivement dédié à soulever l’irrecevabilité de la requête. Mais aussi de pérenniser, ou a minima de prolonger, les dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, qui permettent au tribunal administratif de se prononcer en premier et dernier ressort dans les zones tendues au sens de la taxe sur les logements vacants. Ou encore de réduire le délai maximal de jugement de 10 mois prévu par l’article R. 600-6 du code de l’urbanisme, en tenant compte du raccourcissement du délai de cristallisation des moyens.
La commission propose également d’étendre aux actions engagées contre des décisions de rejet ou de retrait d’autorisations le délai maximal de traitement des recours prévu par l’article R.600-6 du code de l’urbanisme et les dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative qui permettent au tribunal administratif, en zones tendues, de se prononcer en premier et dernier ressort. Et d’étendre aux décisions de retrait l’application du 2e alinéa de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme qui permet de présumer que la condition d’urgence pour engager une procédure de référé suspension est satisfaite.Elle suggère aussi d’étudier un relèvement du montant maximal de l’amende pour recours abusif, actuellement fixée à 10 000 € par l’article R. 741-12 du code de justice administrative.
Favoriser la transformation de bureaux en logements
Pour aider la transformation de bureaux en logements, la commission préconise d’engager une réflexion "approfondie" sur les perspectives de rapprochement des réglementations de sécurité incendie, afin de réduire les coûts de transformation des bureaux en logements sans porter atteinte à la sécurité des occupants. Mais aussi de favoriser la création, dans les territoires, de structures de portage du foncier de bureaux à transformer principalement en logements sociaux ou intermédiaires, en leur donnant accès à des financements de long terme de la Caisse des dépôts et consignations.
Elle conseille aussi, dans les territoires où ces opérations correspondent à un intérêt général manifeste, d’étudier une modification de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés permettant à l’assemblée générale de décider, à la double majorité, une modification du règlement de copropriété pour autoriser l’usage de lots privatifs à titre de logements, sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des minoritaires.
Une autre proposition consiste à étudier et expérimenter un permis de construire autorisant à l’avance plusieurs destinations ou sous-destinations afin de reconnaître la construction d’immeubles réversibles en droit de l’urbanisme.
Lutter contre la cherté du foncier
Pour lutter contre la hausse des prix des fonciers et sa transmission aux prix du logement, la commission juge nécessaire d’appuyer le développement des baux réels solidaires et des offices fonciers solidaires. Cela en "adaptant" leur régime fiscal, en "mobilisant les financeurs" et en "renforçant" la place de l’accession sociale dans les politiques locales de l’habitat.
Par ailleurs, la zone d’aménagement concerté étant un outil "indispensable" pour produire du foncier constructible, la commission propose, pour renforcer l’équilibre économique des ZAC, d’étudier la piste d’un encadrement du droit de délaissement associé à ces opérations.
Enfin, engager une nouvelle étape dans la numérisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, le rapport conseille d’étudier la piste d’un logiciel unique d’instruction, développé par l’État et mis à disposition des services instructeurs. Et de préparer la constitution d’une base de données des logements pour "approfondir la connaissance qualitative du parc existant."