Vous avez pris vos fonctions à la tête de LCA-FFB le 28 mars dernier. Quelle est votre feuille de route ?
Je m'inscris dans la continuité de mon prédécesseur, Patrick Vandromme. Nous mettrons l'accent sur quatre métiers : la construction de maison individuelle, la promotion immobilière, l'aménagement foncier et, enfin, la rénovation, car beaucoup de nos adhérents ont développé cette activité.
Nous souhaitons d'ailleurs proposer à nos membres un nouveau contrat, à l'image du CCMI, pour mieux encadrer la rénovation globale des logements existants, apporter des garanties sur les coûts et les délais de réalisation, et structurer des pratiques commerciales aujourd'hui trop atomisées.
Nous venons de créer une commission sur ce thème majeur. La rénovation représente un levier de croissance important pour nos métiers, notamment pour les constructeurs de maisons individuelles. C'est en particulier le cas dans les 222 villes du programme Action cœur de ville, mais aussi dans toute la France, car le gouvernement veut accélérer sur la rénovation énergétique de l'habitat.
Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique s'est prononcé en faveur d'un report de l'entrée en vigueur de la RE 2020. Partagez-vous ce point de vue ?
Oui. Faire évoluer la réglementation de manière aussi significative, au moment où le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) n'est pas encore acté, est dangereux pour la profession et les ménages. Les promoteurs immobiliers ont pu anticiper la RT 2012 grâce au label BBC et au dispositif de défiscalisation Scellier, qui était conditionné à la justification du respect d'un niveau de performance énergétique globale fixé par décret. Or, ce n'est pas le cas avec le dispositif Pinel. Contrainte supplémentaire pour le secteur de la maison individuelle : c'est le maître d'ouvrage, le ménage donc, qui décide d'opter ou pas pour une performance énergétique élevée.
A l'époque de la RT 2012, les professionnels de la maison ont donc subi la nouvelle réglementation de manière plus frontale que les promoteurs, ceux-ci l'ayant anticipée pour des raisons commerciales. Ce sera probablement la même chose pour la RE 2020.
Quelles sont vos réticences au sujet de cette future réglementation ?
Nous avons le sentiment que les contours et les impacts de nombreux indicateurs ne sont pas suffisamment maîtrisés, notamment au niveau du carbone. L'expérimentation E + Cavait vocation à préfigurer la RE 2020. Or, nous constatons que les enseignements qui en découlent ne permettent pas encore d'objectiver clairement les possibles impacts techniques et économiques sur la manière de concevoir et de réaliser les logements de demain. Sur la partie carbone, il faudra trouver un équilibre pour franchir une première marche et capitaliser sur l'expérience du terrain qui nous apportera des réponses sur ce qu'il est possible de réaliser à coûts maîtrisés.
Combien de temps supplémentaire vous faudrait-il ?
Décaler d'une année, à fin 2021, serait un minimum.
Le gouvernement aurait ainsi plus de temps pour mettre en place sa politique en matière de financement du logement. Nous pourrions y voir plus clair sur des sujets comme le zonage, le dispositif de défiscalisation ou encore le PTZ… Nous serions alors capables d'appréhender une évolution de nos modes constructifs et de la manière de penser nos immeubles ainsi que nos maisons.
« La fiscalité devrait sanctionner la rétention foncière et les plus-values disproportionnées. »
Le député Jean-Luc Lagleize (Modem) mène une mission sur la maîtrise du prix du foncier. Avez-vous des solutions innovantes à mettre en avant ?
Jean-Luc Lagleize devrait rendre son rapport dans les prochaines semaines. Avec le président de la FFB Jacques Chanut, nous avons été auditionnés le 28 mai, et nous apporterons très prochainement notre contribution conjointe. Nous sommes, bien sûr, contre l'encadrement des prix de vente des terrains.
Les entreprises se retrouveraient alors entre le marteau et l'enclume : si l'on encadre un prix de départ, sera également fixé le prix de sortie. La mesure annoncée en tout début de mandat visant à proposer un abattement de 30 % sur la plus-value des terrains vendus dans les zones tendues n'a pas donné de résultats probants. Ce n'est pas un véritable argument, parce que les propriétaires vendent déjà très cher leur foncier. Il faudrait plutôt inverser la fiscalité pour que celle-ci devienne progressive et sanctionne la rétention foncière et les plus-values disproportionnées. Nous proposons également que l'Etat oblige les maires à respecter les PLU. Malheureusement, à un an des élections, les autorisations sont bloquées. L'Etat pourrait, par exemple, vérifier que les objectifs fixés dans le cadre de l'élaboration des PLU et des PLH sont atteints. Nous sommes par ailleurs plutôt favorables à un rassemblement de ces documents dans des PLU-habitat et déplacement (PLU-HD) afin de promouvoir un document unique pour gagner en agilité, en cohérence et en lisibilité. LCA-FFB voudrait également que les professionnels puissent être associés de droit à l'élaboration et à la révision des PLH et des PLU.
Comment anticipez-vous la fin de l'année pour la construction de maisons individuelles ?
L'activité se maintiendra, notamment grâce aux établissements bancaires, qui accordent des taux d'intérêt bas [1,29 % en moyenne selon l'observatoire CSA, NDLR].
Alors que, ces dernières années, les rachats de crédit avaient beaucoup occupé leurs équipes, ils sont désormais en phase de conquête de clientèle et proposent des durées d'emprunt longues. De plus, le niveau d'apport personnel demandé aux ménages est beaucoup plus faible que par le passé.
Où en sont les négociations concernant le prolongement du prêt à taux zéro et de l'APL accession ?
Le ministre du Logement y est favorable et s'est engagé à rouvrir les discussions, mais pour l'instant la négociation n'a pas encore commencé. Julien Denormandie est plutôt un défenseur de la mesure, mais nous n'avons pas de vision sur le calendrier. Nous espérons pouvoir en discuter dans le cadre des négociations autour du projet de loi de finances pour 2020 [présenté en septembre, NDLR].
La loi Elan impose la réalisation des études de sol avant la vente d'un terrain constructible ou la construction d'une habitation, pour réduire la sinistralité liée au retrait-gonflement des argiles. Les prestataires sont-ils suffisamment formés ?
L'arrêté déterminant les zones concernées est encours de rédaction, et les territoires impactés sont plus nombreux que lors des dernières discussions. La formation des partenaires n'est pas un sujet. Par contre, je m'interroge sur leur capacité à faire face aux volumes, surtout dans les zones tendues.
Avec la loi LCAP, les lotissements de plus de 2 500 m² doivent faire l'objet d'un permis d'aménager. Comment s'applique cette disposition?
Cette mesure est plutôt vertueuse, puisqu'elle vise à mieux intégrer le lotissement dans son environnement. D'autant que la loi Elan a permis le recours alternatif aux compétences d'un paysagiste concepteur. Ce permis d'aménager est aujourd'hui perçu comme un outil qui guide les aménageurs, ces derniers ne le vivant pas comme une contrainte.
Par ailleurs, de nombreux constructeurs emploient des architectes salariés, qui détiennent les mêmes diplômes que ceux inscrits à l'ordre des architectes. Tout naturellement, nous nous entretenons avec l'Ordre au sujet de la collaboration entre nos métiers, les occasions s'étant multipliées avec la loi LCAP qui impose le recours à un architecte pour une maison de plus de 150 m². Sur ce point précis, des discussions sont encours pour formaliser un dispositif contractuel tripartite constructeur-client-architecte porté par nos deux organisations.