«Quand on a un vent quasi permanent comme à la Réunion, il y a forcément de meilleures solutions que la VMC pour ventiler les appartements », martèle Jacques Gandemer, directeur de JGC (Jacques Gandemer Conseil). Ces systèmes de ventilation entraînent en effet des coûts de fonctionnement non négligeables, tant en termes de consommation énergétique que d’entretien. En outre, la durée de vie des moteurs se révèle assez limitée en atmosphère tropicale marine. Pour Jacques Gandemer, il devait donc être possible et surtout avantageux d’exploiter la ressource éolienne naturelle de l’île afin d’assurer presque gratuitement le fonctionnement d’un dispositif de ventilation bioclimatique qui restait encore à inventer.
Modélisation en soufflerie
Pour passer de la théorie à la pratique, le directeur de JGC s’est rapproché du laboratoire d’écologie urbaine (LEU) de Saint-Pierre (la Réunion), un bureau d’études pluridisciplinaires ayant l’avantage de bien connaître le tissu industriel réunionnais. « Notre mission a été de développer un produit offrant un design architectural séduisant mais aussi d’aller au bout de la réflexion de développement durable en trouvant une entreprise locale qui soit capable d’assurer sur place la production industrielle en petite série », explique Antoine Perrau, un des architectes fondateurs du LEU. La première étape de ce projet, initié en 2010 et réalisé avec le soutien financier de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), a été de définir les principes aérodynamiques et géométriques de cet extracteur, baptisé girouette Venturi (du nom du scientifique ayant découvert le phénomène associant l’accélération du mouvement d’un fluide et la formation d’une dépression).
« D’après l’étude théorique de Jacques Gandemer, le diamètre du conduit est en fait le facteur dimensionnant dont découlent tous les autres paramètres du dispositif (rayon de courbure, resserrement, émergence du conduit) », résume Antoine Perrau. A l’issue du travail de design (esthétique et aérodynamique) et du choix des matériaux et assemblages, tâches réalisées avec le fabricant MDOI, un prototype à l’échelle 1 a subi des essais suivant la norme dans la soufflerie du laboratoire aérodynamique Eiffel (CSTB), partenaire du projet. Les résultats ont montré un bon effet girouette, l’appareil s’orientant dans le lit du vent à partir de 1,55 m/s, ainsi qu’une perte de charge et des coefficients de dépression à débits non nuls satisfaisants. Un second prototype à échelle réduite a en parallèle permis de modéliser les problèmes d’interaction avec les toitures environnantes. Cette étude a abouti à la conclusion qu’il était nécessaire de prévoir une hauteur de 3 m au-dessus du faîtage pour garantir le bon fonctionnement. Restait la validation en vraie grandeur. C’est le promoteur local CBO Territorial, filiale du groupe Bourbon, qui a fourni cette opportunité, en décidant d’installer le dispositif sur un projet de 200 logements en accession. « Nous avons équipé les deux premières tranches, soit 15 cheminées Venturi pour une centaine de logements », précise Antoine Perrau. Ces girouettes seront suivies par un laboratoire indépendant qui comparera les résultats in situ aux analyses en soufflerie pendant un an. Pour l’ensemble des 200 logements, ce système devrait à terme générer des économies d’énergie équivalant à la production de 200 m² de panneaux photovoltaïques.


