Dès 2023, Christophe Béchu, alors ministre de la Transition écologique, avait appelé à se préparer à une France à +4 degrés d’ici 2100. Ce scénario pessimiste mais réaliste selon les experts a nourri les réflexions du Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) présenté en mars dernier par Agnès Pannier-Runacher, sa successeuse.
C’est avec ses costumes de maire (Horizons) d’Angers et président d’Angers Loire Métropole que Christophe Béchu a participé, lors de la 4e édition du Salon de l’immobilier bas carbone (Sibca), organisée au Grand Palais à Paris (VIIIe) du 3 au 5 septembre, au débat sur les logements à construire et à rénover qui devront faire face à des vagues de chaleur plus fréquentes et plus longues, selon Météo France.
Le gisement des eaux grises
Sur le manque d’eau, Christophe Béchu s’est montré catégorique : « Nous laissons la gestion à l’échelle de la commune, ce qui constitue une source infinie de sous-investissements et de gaspillage, alors qu’il faudrait imposer l’intercommunalisation. Il en va de la sécurisation de cette ressource qui se raréfie. La dissolution [de l’Assemblée national en juin 2024 par Emmanuel Macron, NDLR] a permis de renvoyer le sujet à plus tard, puis la pression des sénateurs sous Barnier a permis de faire une croix dessus. »
Pas de panique : une solution prometteuse est testée dans un programme résidentiel en cours de construction à Vannes par Bouygues Immobilier. « Nous récupérerons 45% des eaux usées des douches, lavabos et lave-linges grâce à une grosse machine avec des filtres qui prend deux places de parking », a illustré Emmanuel Desmaizières, directeur général du 3e promoteur national selon notre dernier classement. Si cette solution baptisée Aquapod par son partenaire Odalie « coûte chère à installer pour l’instant », l’industrialisation permettra à l’opérateur de réduire les coûts à terme, a assuré le dirigeant, qui a participé au débat devant une centaine de personnes.
Le potentiel des friches
Christophe Béchu, dans les gouvernements Borne et Attal, c’était aussi ce ministre qui estimait à près de 370 000 le besoin annuel de nouveaux logements dans le pays, alors en proie à une crise de la demande sur fond de rapide hausse des taux. Le compte n’y était pas l’an dernier : seulement 263 000 logements ont été commencés. Et cette année, c’est mal parti. Sur douze mois à fin juillet, le ministère de l’Aménagement du territoire dont dépend celui du Logement communique 294 500 mises en chantier.
« La faible production de logements neufs en France ne permet plus de contenir la tension locative, qui n’a jamais été aussi forte, dans le parc privé comme social », a souligné Emmanuel Desmaizières. A condition que les logements qui sortent de terre aujourd’hui résistent demain aux pluies torrentielles estivales et autres événements climatiques désagréables pour les bâtiments et leurs occupants.
Le gisement des 14 300 friches recensées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) -mais pas toutes destinées à accueillir des logements- constitue un autre levier face à la hausse globale des températures. « Nous cochons toutes les cases, en particulier sur la renaturation, qui atteint souvent 50% du foncier. Et nous créons du logement sans artificialiser », a insisté Emmanuel Desmaizières.
Face à la menace des fortes chaleurs, la réponse se dessine aujourd’hui dès la conception. « L’idée est de créer une ville refuge, à l’échelle de la parcelle, en créant un écrin vert au milieu de la résidence par exemple, et de l’immeuble, avec des logements traversants, des matériaux respirants et isolants… qui permettront de supporter les épisodes caniculaires », a-t-il expliqué.
Végétaliser, c’est « facile dans le neuf »
Avec un patrimoine de 563 000 logements, dont 80% sociaux et 20% intermédiaires ou libres, en métropole et en outre-mer, « la question du déjà-là dans une France à +4 degrés est une question majeure chez CDC Habitat », a assuré Anne-Sophie Grave, présidente du directoire du bailleur.
Un exemple ? Dans le cadre de sa politique d’éradication de ses passoires, plutôt exemplaire au regard de son dernier point d’étape, l’isolation thermique génère du confort d’été. « Un sujet qui n’était pas toujours intégré dans nos réhabilitations il y a dix ans », a-t-elle reconnu.
Un autre ? « Avant de lancer les travaux sur l’existant, nous identifions les îlots de chaleur, en prenant en compte la couverture végétale par exemple. Puis nous renaturons, végétalisons, ce qui est plus facile dans le neuf », a observé la dirigeante.
« Compte tenu de l’accélération et de la gravité des vagues de chaleur, qui créent des glissements de terrain, nous analysons le patrimoine le plus exposé, en particulier sa vulnérabilité sur la structure, le couvert… Un budget complémentaire peut financer les travaux pour traiter les RDC par exemple, aussi bien en production neuve qu’en rénovation », a-t-elle encore illustré.