« Un congrès sans ministre du Logement, sans aucun membre du gouvernement, ça fait bizarre », glisse une salariée de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). « On ne sait pas à qui s’adresser », complète un autre professionnel.
Dans les allées de Paris Expo Porte de Versailles, où se tient le 85e Congrès HLM du 23 au 25 septembre, l’absence de représentant du nouvel exécutif, en cours de formation, fait tâche. En particulier, la non-présence de ministre du Logement, chargé de la production et la rénovation HLM, inquiète les acteurs, des bailleurs aux élus.
« La seule qui s’est bougée »
Pour Cédric van Styvendael, maire socialiste de Villeurbanne (Rhône), « Valérie Létard est la seule ministre qui s’est bougée ces dernières années » pour le secteur. Démissionnaire depuis le 9 septembre après onze mois de service, la centriste a notamment obtenu de Bercy une baisse de 200M€ de Réduction du loyer de solidarité (RLS), cette ponction sur les loyers des bailleurs qui réduit leurs capacités d’investissement, selon ces derniers.
« En s’attaquant à la RLS, Valérie Létard a réalisé un coup politique, se félicite Marcel Rogemont, l’ancien président de la fédération des Offices publics de l’habitat (OPH). Elle a été la première à affirmer ce point du vue au sein d’un gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron. Nous attendons du ou de la prochaine ministre qu’il poursuive dans cette direction pour aller jusqu’à la suppression de cette ponction de 5% sur notre chiffre d’affaires. Qui dans le privé accepterait une telle mesure ? »
« Nous sommes pour une stabilité gouvernementale, complète Christophe Bouscaud, directeur général de l’OPH de l’Orne qui gère 12 000 logements. Valérie Létard nous convient car elle connaît bien le secteur, contrairement à son prédécesseur. Guillaume Kasbarian avait une vision ultralibérale, des idées préconçues selon lesquelles le marché pouvait régler à lui seul la crise du logement. »
Pas une ministre de rupture
Du côté de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), un établissement public qui ne peut commenter la vie politique, son directeur général Serge Bossini reconnaît toutefois : « Objectivement, Valérie Létard a été très active dans des conditions difficiles. Les opérateurs publics mais aussi privés sont unanimes sur sa compétence, sa façon de dialoguer… Mais être ministre, ce n’est pas au mérite. »
Lors de son discours d’ouverture, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat qui organise l’événement, a salué le travail de l’ex-sénatrice mais aussi des ministres démissionnaires de l’Aménagement du territoire et des Outre-mer qui ont traité avec elle, au sujet du manque d’offre locative à l’échelle nationale ou à propos de la reconstruction à Mayotte qui repose en partie sur les bailleurs sociaux. « Dans l’adversité des crises, nous avons trouvé avec Valérie Létard, François Rebsamen et Manuel Valls des ministres à la tâche, à l’écoute et engagés pour le logement social », a ainsi souligné l’ancienne ministre du Logement.
Spécialiste de l’immobilier résidentiel, le chercheur Alexandre Coulondre confirme mais fait aussi un pas de côté : « Le secteur a en effet besoin de stabilité mais si on dézoome, Valérie Létard a surtout poursuivi les politiques d’Emmanuel Macron que les bailleurs sociaux critiquent. Il n’y a donc pas eu de rupture avec le passé. »
Cela tombe bien : Sébastien Lecornu a promis des « ruptures » sur le fond et sur la forme. Faute d’interlocuteur au ministère du Logement, le nouveau Premier ministre est attendu au tournant par les acteurs du logement social qui réclament au plus vite de discuter des sujets urgents, comme le financement des opérations en cours de rénovation urbaine.
Dans la loi de finances pour 2026, l’Etat devra presque tripler sa contribution par rapport à 2025 pour mener les chantiers à bien. Le risque de cessation de paiements par les bailleurs a été pointé du doigt la semaine dernière par l’USH. Au Congrès HLM, ce risque a été confirmé par des membres de l’Anru rencontrés sur place.