L’article R. 1334-19 (R. 1334-27 à l’époque des faits du présent litige) du Code de la santé publique dispose que « Les propriétaires des immeubles bâtis mentionnés à l'article R. 1334-14 font réaliser, préalablement à la démolition de ces immeubles, un repérage des matériaux et produits de la liste C contenant de l'amiante. »
Dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 1er octobre, une société propriétaire d’un immeuble à usage de centre commercial le donne à bail à une autre structure. Entre 1992 et 2004, le bailleur fait réaliser trois diagnostics amiante dont deux relèvent la présence d’amiante dans certaines cloisons, joints, etc. En 2007, des travaux d’aménagement et de rénovation sont lancés par le propriétaire et le locataire qui confient certains lots à des entrepreneurs. Le coordonnateur de sécurité sollicite l’établissement d’un rapport avant travaux en raison de matériaux pouvant contenir de l’amiante. Durant le chantier, la présence d’amiante est constatée sur toute la charpente et dans des plaques de fibrociment. En conséquence, les travaux sont interrompus. Après expertise, le bailleur et le preneur assignent le dernier diagnostiqueur intervenu et son assureur afin d’obtenir une indemnisation.
Pour rappel, il existe deux diagnostics amiante que doivent réaliser dans certains cas les entreprises, les collectivités et les syndics :
- Le diagnostic technique amiante (DTA) est obligatoire pour les immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997. C’est un dossier comprenant plusieurs pièces : les rapports de repérage ; les dates, natures, localisations et résultats, etc.
- Le diagnostic amiante avant travaux (DAT) est réalisé, quant à lui, avant une démolition envisagée et nécessite ainsi des investigations destructives. Il doit être effectué lui aussi sur des immeubles dont le permis de construire a été obtenu avant le 1er juillet 1997. Le diagnostiqueur va rechercher l’éventuelle présence d’amiante dans le bâtiment ou dans la partie concernée par les travaux.
Appréciation large de la notion de démolition en appel…
La cour d’appel retient que le bailleur était soumis à l’article R. 1334-27 du Code de la santé publique et relève que les travaux ont démarré en 2007 sans que celui-ci n’ait au préalable commandé de diagnostic amiante avant travaux (DAT) alors que la réglementation l’y obligeait et que la présence d’amiante était pourtant déjà connue.
Les juges d’appel ajoutent que cela s’applique à tous travaux sur la construction, car la notion de démolition doit être comprise largement “ puisque la norme NF X46-020 de novembre 2002 – mise à jour en 2008 et 2017 - mentionne la mission « dossier technique amiante » et « la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs » et que les dispositions du Code de la santé publique ont pour objet la défense de la santé des usagers des lieux et notamment des personnes amenées à travailler sur la construction. ”
Les juges d’appel estiment aussi que le propriétaire “ avait eu connaissance de la présence d’amiante dans les cloisons et les dalles de sol, de nature à rendre le réaménagement plus complexe et plus onéreux […], qu’il n’est pas contesté que le [celui-ci] a préféré, en raison de l’importance de l’amiante présente depuis l’origine de la construction, […] renoncer aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment ”. Ils en déduisent “ que l’insuffisante détection de l’amiante par le diagnostiqueur n’est pas directement à l’origine du préjudice financier ” que sollicite le bailleur et le preneur. Ces derniers sont déboutés, ils forment donc un pourvoi en cassation.
… mais pas en cassation
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel en soulignant qu’elle a violé l’article R. 1334-27 du Code de la santé publique. Elle énonce en effet « que [l’article précité] ne prévoit l’obligation pour les propriétaires d’effectuer un [DAT] que préalablement à la démolition de l’immeuble » et ajoute « que la cour d’appel […] n’a pas constaté que les travaux d’aménagement et de rénovation entrepris nécessitaient une démolition, même partielle, du bâtiment ».
Cass. 3e civ., 1er octobre 2020, n°19-16251 et n°19-16381, publié au Bulletin
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