Burj Khalifa ou viaduc de Millau, dans les nouveaux locaux d'Arcadis France, à Paris (XIVe ), les lieux de réunion portent des noms évocateurs, souvenirs des chantiers emblématiques auxquels les ingénieurs maison ont mis la main. L'étonnante mention « Salines royales » relève, elle, de la touche personnelle de Nicolas Ledoux, le président, qui est aussi un descendant de l'architecte Claude-Nicolas Ledoux, bâtisseur au XVIIIe siècle de la manufacture d'Arc-et-Senans (Doubs).
Nommé il y a un an, Nicolas Ledoux est « le premier à ce poste à ne pas être ingénieur, remarque-t-il. Une petite révolution ! » Après quatorze années passées chez Algoé Consultants à développer et piloter des opérations et autres initiatives marquantes comme l'appel à projets Réinventer Paris, ce diplômé de l'Essec et de l'Institut français d'urbanisme est arrivé pour engager la bascule stratégique d'Arcadis France « de l'ingénierie pure vers davantage de management de projets », explique-t-il.
Fondée aux Pays-Bas en 1888 pour œuvrer au développement des polders, Arcadis a longtemps conçu des infrastructures et des bâtiments. Mais cette société forte de 28 000 salariés à travers 70 pays (dont 800 en France) entend désormais faire plus que de livrer des études techniques. « Alors que le développement du numérique autorise l'automatisation de nombreux processus, il s'agit surtout d'élaborer des outils pour gérer les projets dans leur globalité, et notamment les coûts. Cette transition digitale a ainsi déjà été opérée aux Etats-Unis », précise Nicolas Ledoux. Pour la filiale française, créée en 2002 à partir du rachat de quatre sociétés, l'objectif est de mener ce chantier d'ici à 2030. « Il y a une petite course de vitesse entre les éditeurs de logiciels, les entreprises de construction et les ingénieristes pour se positionner sur ce rôle clé », analyse le dirigeant.
Attirer de nouveaux profils. Cette évolution passe par un investissement important dans la formation des ingénieurs à la maquette numérique aussi bien pour la construction (le BIM) que pour l'aménagement (le CIM). « Nous entendons aussi recruter davantage de data analysts… même si nous ne savons pas encore précisément quelles seront leurs missions car nous sommes en train d'inventer le métier », reconnaît Nicolas Ledoux. C'est d'ailleurs pour séduire ces profils convoités de « digital natives » que la société a quitté son ancien siège du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) pour emménager en septembre 2019 dans des bureaux parisiens aux normes les plus modernes.
Pour autant, Arcadis France n'entend pas abandonner totalement la conception. « Nous nous concentrons sur de grands projets complexes », note Nicolas Ledoux. Parmi les opérations sur la table, toutes auréolées de prestige, figurent le futur bâtiment parisien Mille Arbres, la troisième ligne du métro toulousain ou encore le secteur 3 du canal Seine-Nord Europe. Voilà qui laisse beaucoup de possibilités pour baptiser de nouvelles salles.