« Avec ce projet de loi, je veux réguler, protéger et innover »

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Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, a présenté, le 26 juin, son projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Baptisé « Alur », ce texte, qui intervient après la loi pour la mobilisation du foncier public et celle habilitant le gouvernement à adopter des ordonnances pour relancer la construction, sera discuté au Parlement dès septembre. La ministre explique au « Moniteur » cette « nouvelle étape pour la politique du logement ».

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Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du Logement a reçu Le Moniteur

Quel est l’esprit de votre projet de loi ?

Cette loi repose sur une triple volonté : il faut réguler, protéger, innover. Introduire davantage de régulation est urgent et nécessaire car le marché est devenu déraisonnable. La dérégulation qui a été de mise ces dernières années n’a non seulement pas permis d’augmenter l’offre de logements, mais elle a creusé les écarts entre les revenus des ménages et les prix du logement. L’augmentation des loyers de 40 % en dix ans dans certaines zones a renforcé la rente de quelques-uns et lourdement impacté les budgets des familles. La situation actuelle pénalise également la mobilité professionnelle des Français et l’épargne. Plutôt que de présenter plusieurs petites lois, j’ai préféré livrer aux parlementaires un texte complet, sérieux et cohérent, qui répond aux besoins exprimés par les professionnels et les élus.

Certains jugent ce texte idéologique, porteur du risque de voir propriétaires et investisseurs, notamment institutionnels, se détourner du secteur. Qu’en pensez-vous ?

Nous avons évidemment besoin des investisseurs privés. Nous avons d’ailleurs déjà pris un certain nombre de décisions visant à renforcer l’offre de logements, comme le dispositif d’investissement locatif qui est disponible depuis le 1er janvier 2013, ou encore les mesures qui seront adoptées d’ici à l’automne par ordonnances. Le projet de loi Alur va permettre de rééquilibrer et d’apaiser les relations bailleurs-locataires. Les propriétaires responsables et de bonne volonté seront favorisés par cette nouvelle loi.

L’encadrement des loyers est donc nécessaire, selon vous, pour assainir le marché ?

Depuis dix ans, le marché immobilier, livré à lui-même, a autorisé tous les excès. Le mécanisme d’encadrement des loyers que nous proposons est équilibré. Il n’y a pas de fixation administrative des prix. Les loyers pourront augmenter progressivement sur la base du loyer médian. Il ne s’agit pas de décourager l’investissement immobilier, mais bien de marquer fermement la volonté de la puissance publique de lutter contre les abus.

Les professions immobilières, très mécontentes, ont menacé de ne pas alimenter vos observatoires des loyers.

La transmission des données pour constituer ces observatoires sera une obligation légale. Introduire davantage de transparence, de clarté et d’équilibre est de l’intérêt de tous. Y compris des professionnels de l’immobilier qui vont voir leur rôle revalorisé.

Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) que vous voulez instaurer passe mal auprès de certains élus. Comment comptez-vous convaincre les parlementaires ?

On ne peut plus penser l’aménagement d’un territoire à l’échelle communale. Je suis déterminée à porter cette idée et à convaincre les parlementaires que ce texte est juste et utile pour construire une vision collective et partagée au bénéfice de leurs territoires. Le permis de construire restera entre les mains du maire et nous veillerons à poser les garde-fous nécessaires pour que le mode d’élaboration du PLUI respecte l’esprit de la loi.

Vous évoquez l’intérêt écologique majeur du texte. Qu’entendez-vous par là ?

Ce texte affiche une volonté politique et des objectifs, et il met aussi en place les moyens pour y parvenir. Un exemple : la lutte contre l’artificialisation des sols figurait déjà dans les objectifs du Grenelle. Six ans plus tard, la consommation des terres agricoles s’est accélérée. Les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut des dispositifs qui fonctionnent : le PLUI nous y aidera, mais aussi le reclassement en zones naturelles des zones classées 2AU [zones urbanisables futures, NDLR] qui n’ont fait l’objet d’aucun projet d’aménagement depuis près de dix ans.

Pourtant, les aménageurs considèrent que cela figera toute nouvelle urbanisation et compromettra les opérations organisées.

Construire à l’extérieur des villes petites ou moyennes finit par nécroser les centres-villes, ce n’est pas de l’aménagement durable. Ces zones aménagées en périphérie, loin des centres-villes, conduisent à artificialiser les sols, génèrent de l’étalement urbain et ne fonctionnent pas bien.

Construire plus et lutter contre l’étalement urbain ne sont-ils pas contradictoires ?

Non. Il faut penser différemment, changer les habitudes. Il y a une vraie pédagogie à mener sur ce qu’est la densification et sur le fait qu’elle peut être agréable à vivre. Il ne faut pas opposer la qualité de vie et la densification, ce n’est pas incompatible si c’est bien pensé. La ville douce, c’est une ville plus sobre, plus compacte, plus agréable à vivre.

Comment cette volonté de densification va-t-elle se traduire ?

Les ordonnances qui vont être adoptées comporteront des dispositions favorisant la densité : surélévations, allégement des obligations de création de places de parking, transformation d’immeubles de bureaux vides en logements… Le projet de loi que j’ai présenté le 26 juin propose aussi de supprimer le COS. Et nous continuerons à travailler sur la densité. Je compte lancer une réflexion avec les jeunes architectes et urbanistes.

Votre projet ouvre la voie à un véritable carnet d’entretien des copropriétés. La loi de 1965 était pourtant réputée impossible à changer. Comment avez-vous procédé ?

La concertation et un travail très constructif avec le ministère de la Justice portent leurs fruits. Ce sujet est un peu aride mais j’ai tenu à lancer cette réforme de la loi de 1965, persuadée de son utilité pour nombre de nos concitoyens. S’il est évident qu’un bâtiment collectif entretenu valorise les biens individuels de chacun, intégrer la valeur de la propriété collective est une petite révolution. Et le fonds de prévoyance permettra d’étaler les dépenses des copropriétaires, facilitant ainsi l’engagement des travaux nécessaires.

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat annoncé par le Président de la République le 21 mars marque l’un des premiers pas concrets de ce gouvernement vers la transition écologique. Ce plan comprend des aides financières renforcées pour les ménages, en particulier pour les familles aux revenus les plus modestes. Ces aides seront de véritables leviers pour ceux qui souffrent de l’augmentation du prix de l’énergie et souhaitent réaliser des travaux. Ainsi, le financement de l’Etat pourra représenter jusqu’à 80% du montant total des travaux. Ce plan prévoit aussi de soutenir le développement de la filière professionnelle, qui est un important gisement d’emplois durables et non délocalisables. Le gouvernement a prolongé le dispositif de formation continue Feebat : dès 2013, 11 000 personnes vont ainsi acquérir des compétences spécifiques au secteur des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique. Le gouvernement a également décidé de conditionner l’octroi du crédit d'impôt développement durable (CIDD) et de l’éco-PTZ au recours à des professionnels « reconnu Grenelle de l’environnement » (RGE). Cette « éco-conditionnalité » entrera en vigueur au 1er juillet 2014 : les professionnels ont donc un an pour se former. Et je sais qu’ils seront nombreux à répondre présents.

L’habitat participatif peut-il se développer ?

Notre projet de loi va apporter une sécurité juridique aux opérations d’habitat participatif et permettre ainsi le développement de ces initiatives. Certaines personnes ont envie de faire ainsi, de penser leurs logements et de créer du lien entre voisins. En Norvège, l’habitat participatif représente 15 % du parc de logements. C’est un creuset d’innovation qui nous montre que l’on peut construire autrement, travailler différemment avec les architectes, impliquer les entreprises en amont. C’est stimulant pour la profession.

Comment favoriser l’innovation ?

Le BTP innove beaucoup tant sur le plan technique que dans ses pratiques. J’entends soutenir la révolution des matériaux, l’utilisation d’écomatériaux, la réutilisation... Je regrette que nombre d’innovations, notamment venant des PME, ne parviennent pas à grandir. Je suis en discussion avec la Banque publique d’investissement pour voir comment soutenir cette filière. Nous pourrions aussi nous appuyer sur de grands opérateurs, comme les bailleurs sociaux, pour mieux les diffuser.

Les coûts de construction ne baissent pas, malgré la chute de la production. Quelle peut-être la contribution future du gouvernement ?

Je rencontre les professionnels du bâtiment chaque mois. Un groupe de travail planche sur les coûts de construction. Nous en reparlerons lors des états généraux du bâtiment qui se tiendront dès septembre. D’ores et déjà, les pistes de travail concernent la simplification des normes de construction ou des innovations qui permettront aux entreprises d’être plus compétitives, comme par exemple la maquette numérique.

Je suis très préoccupée par la difficulté d’accès au crédit des familles, en particulier les plus modestes. Dans la loi de finances 2013, le PTZ+ a déjà été redimensionné et réorienté vers les ménages ayant les revenus les plus faibles. Nous allons continuer à travailler sur ce sujet.

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Date de réponse 21/10/2025