Interview

« Dans le maelström de la crise, nos Scop s'en sont bien tirées » Charles-Henri Montaut, président de la Fédération des Scop du BTP

Si les coopératives du BTP ont résisté en 2020, elles s'inquiètent des pénuries et des absences qui ralentissent les chantiers actuels.

 

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"Compte tenu de la pyramide des âges des dirigeants, environ 10 % des entreprises du bâtiment seront à transmettre au cours des dix prochaines années".

Les Scop mettent souvent en avant leur capacité de résilience. Comment ont-elles traversé l'année 2020 ?

Trois facteurs favorisent traditionnellement la résilience des Scop : la qualité du dialogue social, l'obligation de sanctuariser une partie de leurs résultats dans des réserves impartageables, et enfin la puissance de leur structure interprofessionnelle, la Confédération générale des Scop. Or, en période de crise, ces éléments sont encore plus déterminants. La confiance entre partenaires sociaux permet de trouver les bonnes solutions, par exemple dans l'organisation des congés payés.

Les réserves impartageables, elles, ont permis d'affronter l'arrêt des chantiers avec un matelas financier supérieur à la moyenne : un atout précieux, car en période de crise, « cash is king ». Enfin, la solidarité interprofessionnelle est venue en soutien de certaines Scop qui en avaient besoin.

Pouvez-vous mesurer l'impact de la crise sanitaire sur l'activité des Scop du BTP ?

Nous n'avons, pour l'heure, pas assez de recul pour une analyse chiffrée approfondie. Cependant, grâce aux cotisations, nous disposons de données financières qui témoignent d'un redressement assez spectaculaire à partir de l'été. S'en est suivi un phénomène de rattrapage qui a eu pour effet que, sur douze mois, la masse salariale est restée assez proche de celle de l'année 2019. La baisse d'activité, elle, est estimée entre 8 et 10 %, contre 12 à 15 % pour l'ensemble du secteur du bâtiment. Plongées dans ce maelström, nos Scop s'en sont collectivement bien tirées.

Comment expliquez-vous cette surperformance, même relative, des Scop ?

D'abord, notre panel est beaucoup plus faible. Ensuite, il se compose d'entreprises du bâtiment mais aussi de travaux publics. Enfin, en proportion, les Scop sont moins présentes sur la construction neuve et davantage sur l'entretien-maintenance.

L'envolée des prix des matières premières depuis le début de l'année menace-t-elle la reprise ?

Nous n'avons pas vu venir ce phénomène d'augmentation de prix, voire de pénurie. Nous avons d'abord imaginé un phénomène conjoncturel. Or de nouvelles hausses s'ajoutent désormais aux précédentes et nous ne voyons pas de perspectives de détente actuellement. Cela risque évidemment de peser lourd sur les marges des entreprises de travaux. Mais l'envolée des prix représente aussi une menace pour l'activité elle-même : certains chantiers sont fortement perturbés à cause des délais de livraison. Enfin, le risque de pénalités de retard constitue le troisième facteur susceptible de menacer la bonne santé des entreprises.

Cette poussée inflationniste constitue-t-elle la seule menace pour 2021 ?

Même si la baisse des permis de construire nous inquiète beaucoup pour les mois et les années à venir, l'inertie des carnets de commandes devrait nous protéger quelques mois encore. En revanche, un autre phénomène, moins visible, est d'ores et déjà à l'œuvre : nos entreprises ne tournent pas à 100 %. Comme les salariés des autres secteurs, les collaborateurs de chantiers rencontrent des problèmes de garde d'enfant, se retrouvent cas contacts, ou sont eux-mêmes atteints par le Covid-19. Ces absences sont saupoudrées au fil du temps, mais elles amputent une partie de l'activité et perturbent mêmes les autres entreprises intervenant sur un chantier en coactivité. Au final, quand une entreprise tourne à 95 %, il manque les 5 % qui font le résultat.

« 10 % des entreprises de bâtiment seront à transmettre au cours des dix prochaines années. En la matière, les Scop fournissent un bon modèle. »

Le plan de relance permet-il cependant de rester optimiste ?

Nous comptons beaucoup dessus. Avec 7 à 8 % des montants fléchés, notre secteur - le bâtiment comme les travaux publics - me semble servi à due proportion. Même si nous n'en sentons pas encore tous les effets, le succès rencontré par MaPrimeRénov' fait d'ores et déjà travailler des entreprises de toutes tailles. Plus généralement, les prévisions de croissance du gouvernement et de l'OCDE, si elles se révèlent exactes, pourraient générer de bonnes surprises !

Un taux de croissance de 5 ou 6 % nourrirait la confiance et permettrait de lancer de nombreux projets. En économie, l'euphorie peut emporter des digues.

Avec la crise, les questions de RSE paraissent revenir sur le haut de la pile. Les Scop peuvent-elles en tirer parti ?

Je ne sais pas si la pandémie a accentué les problématiques de RSE. C'est un mouvement ancien et qui monte d'année en année. Notre fédération a engagé une démarche de fond très tôt, dès 2010, afin que nos adhérents disposent des outils leur permettant de s'engager dans une démarche RSE de manière simple. Cette initiative s'est maintenant largement diffusée, avec des clubs RSE dans presque toutes les régions. Nous avons également créé un label avec l'Afnor, ce qui pourra nous aider pour une éventuelle reconnaissance par les pouvoirs publics. Il se veut un peu élitiste : aujourd'hui, seule une dizaine d'entreprises sont labellisées, mais une cinquantaine d'autres se trouvent dans les tuyaux ! Nous avons observé un point d'inflexion qui, c'est vrai, coïncide avec l'année de la pandémie. C'est pour nous l'aboutissement d'un travail long, laborieux et un peu ingrat.

De bonnes performances en termes de RSE peuvent-elles aider à décrocher des contrats ?

Les maîtres d'ouvrage, surtout publics, se montrent de plus en plus attentifs à ces sujets. On commence à voir apparaître dans les marchés des clauses RSE, même si elles sont parfois un peu bancales. Le sujet monte aussi dans les débats parlementaires. Lorsque cela débouchera sur des dispositifs encourageant ces pratiques, les entreprises qui auront pris de l'avance en récolteront les fruits. Même si ce n'est pas la première motivation de celles qui s'y engagent, elles pourront en tirer un avantage concurrentiel.

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Vous souhaitez inciter à la reprise d'entreprise en Scop. En quoi ce statut vous paraît-il adapté au secteur de la construction ?

Compte tenu de la pyramide des âges des dirigeants, environ 10 % des entreprises du bâtiment seront à transmettre au cours des dix prochaines années. Or, aujourd'hui déjà, nombreuses sont celles qui ne trouvent pas de repreneurs. Je suis convaincu que les Scop fournissent un très bon modèle pour la reprise d'entreprise dans le bâtiment, mais aussi dans une partie des travaux publics, dont la culture de compagnonnage repose sur deux fondamentaux : la responsabilité et l'autonomie. On trouve souvent, parmi les collaborateurs, des personnes capables collectivement de faire tourner une société. Le taux de réussite des reprises en Scop est d'ailleurs supérieur à celles réalisées avec des sociétés de droit commun.

Votre rattachement récent à la FFB et à la FNTP vous permet-il de vous adresser plus facilement à ces entreprises de BTP à transmettre ?

Notre valeur ajoutée au sein de ces organisations peut effectivement se trouver sur cette question de la transmission. Si, à notre échelle, nous pouvons apporter une solution, nous serions les plus heureux !

Comptez-vous vous représenter à la présidence de la Fédération des Scop du BTP, au congrès de novembre ?

Statutairement, ce mandat peut être renouvelé une fois. Et telle est mon intention.

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