Délais de paiement : l'avis de l'Autorité de la concurrence sème le trouble chez les professionnels de la construction

" Tout commence". Jean-Christophe Grall, avocat au cabinet MG avocats, a jeté de l'huile sur le feu devant le parterre de professionnels du bâtiment réunis le 26 mars dernier par la CGI, dans le cadre de son 2e forum interentreprises.

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De gauche à droite, Patrick Martin (Fnas), Géraud Spire (CNBM) et Hubert Stourm (FGME).

Ce qui "commence", ce sont les interrogations sur le(s) décret(s) tant attendus qui homologueront les accords dérogatoires dans les filières de la construction. Les décrets, sur lesquels, de l'aveu même d'un représentant de la DGCIS (direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services), "le cabinet d'Hervé Novelli travaille en urgence." Et pour cause : dans ses avis rendus publics le 23 mars derniers, l'Autorité de la concurrence recommande notamment une uniformisation du calendrier de réduction des délais de paiement contenu dans l'accord "BTP" et dans l'accord "sanitaire-chauffage et matériel électrique" - la différence d'échéancier portant sur un délai de paiement de 60 jours au 1er janvier 2010 pour l'accord BTP, et de 65 jours au 1er janvier 2010 pour le deuxième accord.

Mais alors que Jacques Chapeau, président du FNAS (négociants en appareils sanitaire, chauffage) soulignait la nécessité de conserver ces deux échéanciers, ne serait-ce que pour des raisons économiques, de gestion de stocks, notamment, Géraud Spire, président de la confédération du négoce bois matériaux (CNBM), a pour sa part indiqué qu'il ne s'agissait là que d'une question de particularité. "Nous avons le choix, a-t-il déclaré, devant l'assistance : soit nous attendons la décision du Minefe, soit nous précédons cette décision, et réfléchissons ensemble à voir s'il n'y a pas matière à simplifier. Ma préférence va à cette seconde solution."

"L'extension est essentielle"

Bien plus que le calendrier, ce qui inquiète davantage Géraud Spire, comme bon nombre des participants à ce forum, c'est l'extension de ces accords. L'Autorité de la concurrence, dans son avis, s'est en effet déclarée favorable à l'élargissement des deux accords, à l'ensemble des entreprises des deux secteurs, afin d' "éviter toute distorsion de concurrence". "L'extension est essentielle, a souligné pour sa part Jean-Pierre Roche, vice-président de la FFB. Des fournisseurs, non signataires, risquent de mettre en danger nos entreprises." L'acier a bien sûr été montré du doigt par nombre de représentants de fédérations.

Dans la pratique, en effet, comment gérer des délais de paiement différenciés selon que son fournisseur est adhérent, ou non, à une organisation signataire. Et comment le savoir ?

Un élargissement des accords permettrait en effet de répondre simplement à cette question et de couvrir les activités qui ne relèvent pas d'organisations signataires, ou qui relèvent d'organisations non signataires. "Nous devrions nous concentrer sur une demande d'extension à toute fourniture pour le bâtiment", a souligné Géraud Spire. Mais cela ne se ferait pas sans risque, comme l'a indiqué Maître Grall. "Dans cette hypothèse, le décret irait plus loin que l'accord. Or il ne peut pas remettre en cause ce que des professionnels ont conclu en application de la loi (de modernisation de l'économie). Le risque est alors grand de voir le décret, acte administratif, être déféré à la censure du conseil d'Etat. C'est pourquoi il doit être mûrement réfléchi et modéré. D'ailleurs, a souligné Jean-Christophe Grall , regardez l'accord dérogatoire sur le jouet : validé en janvier par l'Autorité de la concurrence, il n'est toujours pas sorti !".

Entreprises en difficulté

C'est bien ce qui inquiète Patrick Liébus, vice-président de la Capeb. Pour lui, le législateur a sous-estimé le nombre de demandes d'accords dérogatoires (39 au total, représentant entre 20 et 25 % de l'économie marchande). "Il faut qu'aujourd'hui les choses se mettent en place rapidement, a-t-il prévenu. Nous approchons des mois les plus difficiles pour nos entreprises".

En attendant que les décrets sortent, la plupart des entreprises appliquent les accords dérogatoires, et le délai de 70 jours fin de mois. Selon leurs fournisseurs, elles se retrouvent avec des problèmes de facturation, une multiplication des échéances de règlement... "Tout ça aurait dû être réglé au 15 mars, a souligné Hubert Stourm, de la FGME (grossistes en matériels électrique). Or l'Administration se demande encore comment rédiger les décrets ! En attendant, nos adhérents ont pris les devants et mis en place des procédures respectant les accords dérogatoires ; ils attendent maintenant avec anxiété la première échéance qui regroupera anciens et nouveaux délais de paiement."

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