Alors que les résultats du premier semestre laissaient présager une année difficile pour Eiffage, ceux du second ont permis de redresser la barre. Le chiffre d'affaires 2011 s'élève ainsi à 13,73 milliards, en hausse de 3 % sur un an. Mais c’est surtout le résultat opérationnel courant (Roc) qui a donné le sourire à Pierre Berger, le directeur général du groupe. Il augmente de 6,1% à 1,104 milliard d'euros, pour atteindre une rentabilité de 8% contre 7,8% en 2010. Mais ce résultat est principalement dû au secteur des concessions, notamment autoroutières, qui dégage un Roc de 866 millions d'euros (+11,7%), soit un taux de marge de 40,4% (contre 38,9% en 2010). Ces résultats en légère progression rendent le directeur général plutôt confiant. "Nous sommes optimistes pour l'avenir grâce à un carnet de commandes record de 13,5 milliards d'euros", indique Pierre Berger. Pour autant la mise en service de nouvelles concessions et les charges financières ont entraîné une baisse du bénéfice net de 11,6% en 2011. Il atteint 205 millions d'euros, contre 232 millions un an plus tôt. Mais c’est plutôt une bonne nouvelle puisque celui-ci ne s’élevait qu’à 43 millions d’euros au milieu de l’exercice 2011.
Création d’un pôle Eiffage Service
L'endettement net s'établit à 12,6 milliards d'euros, en baisse de 568 millions d'euros sur 12 mois, malgré d'importants investissements dans les PPP (partenariats publics privés) et concessions, souligne le groupe toujours présidé par Jean-François Roverato et dirigé par Pierre Berger. Ce désendettement est notamment le résultat de la cession de 80,1 % de la société Optimep 4 . Et ce type de cession risque de se renouveler. « Ce n’est pas le métier d’Eiffage de gérer de la dette, les fonds d’investissements sont friands de ce genre de rachat, explique Pierre Berger. Désormais, une fois que les ouvrages seront terminés et après une période de latence d’environ deux ans, nous cèderons la dette, tout en conservant la maintenance et de l’exploitation à notre charge. Par cette opération, notre dette va automatiquement baisser ce qui nous permettra de réinvestir dans de nouveaux projets de PPP. » Pierre Berger a aussi annoncé la création, début 2012, d’un pôle Eiffage Service. Ce dernier sera en charge de la maintenance et de l’exploitation de tous les PPP de plusieurs millions d’euros, afin que le concédant n’ait plus qu’un interlocuteur unique.
Pas de marge dans les travaux publics
Dans le détail, les activités de travaux progressent (2,2 %). Le chiffre d’affaires de la Construction augmente (+4,4 %, à 3,8 milliards d’euros avec un Roc de 4,3%), sauf en République tchèque. Eiffage Construction a mis fin à l’activité de sa filiale dans ce pays. L’immobilier a été particulièrement dynamique en France (+ 19 %), notamment dans le logement. L’activité dans les Travaux publics s’est maintenue (3,9 milliards d’euros avec un Roc de 0,2%) malgré la baisse du chiffre d’affaires en France. « Nous allons séparer le business route du business génie civile », a indiqué Pierre Berger. Ainsi le nouveau patron d’Eiffage Travaux Publics, Jean-Louis Servranckx, fait un virage à 180° dans la stratégie de la filiale. En effet, c’est son prédécesseur, Jean Guénard qui avait opéré ce rassemblement de la route et du génie civil en une seule et même filiale. De son côté la Construction métallique a connu une hausse du chiffre d’affaires de 5,2 %, à 775 millions d’euros. Le chiffre d’affaires des Concessions progresse aussi (+7,7 %, à 2,1 milliards d’euros).
Une stratégie Energi(que)
Dans l’Énergie, l’activité augmente (+1,6 %, à 3,1 milliards d’euros). En Europe, en dépit d’un redressement en fin d’exercice, l’activité s’est contractée dans tous les pays où Eiffage est présent - Espagne, Belgique, Allemagne -, à l’exception de l’Italie. « Nos marges ont progressé de 50% en 2011, a souligné Pierre Berger. Et cela devrait se poursuivre. » Le directeur général a aussi annoncé un travail de réorganisation de l’ensemble de l’activité par métiers. Résultat du rassemblement d’une multitude de PME, cette branche sera divisée en trois pôles avec une entité par région : CVC (climatisation ventilation chauffage) ; Exploitation/maintenance (surtout pour les PPP avec une cellule centrale basée à Paris piloté par un bureau d’étude spécialisé) ; Electricité (Electricité industrielle, infrastructures ; Tertiaire). « Nous allons désigner des patrons métiers pour pouvoir aller chercher des opérations plus importantes, de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros », explique Pierre Berger. Le directeur général assure que les effets de cette réorganisation se font déjà ressentir avec une réduction des frais généraux de la branche de l’ordre de 3% (passant de 14% à 11%).
Eiffage a fermé, trois filiales en Europe cette année. Une en République tchèque (250 personnes), deux autres plus petites en Belgique et aux Pays-Bas. « Nous ne misons plus vraiment sur l’Europe excepté nos filiales allemande et polonaise qui fonctionnent très bien, a expliqué Pierre Berger. Aujourd’hui, nous ne réalisons que 270 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le « grand international » (hors Europe), et mon objectif est que nous doublions ou triplions ce chiffre le plus rapidement possible. » D’une part le groupe veut miser sur la montée en puissance de ses activités électriques, notamment au Ghana, au Maroc ou au Sénégal, et d’autre part, réitérer l’opération d’autoroute réalisée en PPP à Dakar dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. « Pourquoi pas en Côte d’Ivoire », a ajoutée Pierre Berger.
Un concert de Madonna ?
« Fort de la visibilité que nous confère notre carnet de commandes historique (13,5 milliards d’euros dont la LGV Bretagne-Pays-de-Loire qui représente 2,2 milliards d’euros) en progression de +25,5% sur un an, d'un haut niveau de liquidité après le renouvellement des lignes de crédit, le groupe pourra poursuivre sereinement ses efforts sur l'amélioration de ses marges travaux et la poursuite de son désendettement », a résumé Pierre Berger. Si l’année 2011 a été marquée les mises en service de trois tronçons autoroutiers chez APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), de l'autoroute A65 Pau-Langon, des hôpitaux Sud-Francilien (cliquez ici pour voir notre article) (janvier 2012) et Alpes-Léman, de la direction générale de la Gendarmerie nationale (cliquez ici) (février 2012), en 2012, le première pierre de la LGV BPL devrait être posée, et le stade de Lille sera inauguré « avec le concert d’une star internationale en décembre » (Pierre Berger a laissé entendre qu’il pourrait s’agir de Madonna).
« 14 milliards de chiffres d’affaires en 2012 »
Pierre Berger n’a d’ailleurs pas donné d’information nouvelle sur la polémique entourant l’ouvrage (voir notre dernier article paru à ce sujet). Mais l’objectif premier est surtout, pour le groupe, de rétablir ses marges, et notamment dans la route. « Nous savons que notre chiffre d’affaires dans le secteur routier n’augmentera pas », regrette Pierre Berger qui précise que des suppressions d’emplois pourraient avoir lieu dans cette branche. Quant à l’augmentation de la durée des concessions évoquée en septembre par le directeur général (cliquez ici pour voir notre article), elle ne serait plus d’actualité avant les élections présidentielles, et un assentiment de la commission européenne. « Désormais, nous voulons axer notre stratégie sur le rail (LGV BPL) et le logement », a conclu Pierre Berger qui prévoit un chiffre d'affaires en 2012 de 14 milliards d'euros.