La gare centrale s’ouvre vers l’ouest, où s’interconnectent tous les modes de transport de l’agglomération. Tantôt boulangeries itinérantes, tantôt collecteurs de déchets ou mode de transport public, des véhicules électriques baptisés Modulo convergent vers le hub des marchandises, au nord du hub des voyageurs. Signal d’une nouvelle centralité urbaine, une halle de verre abrite la production potagère locale. Symbole strasbourgeois des Trente Glorieuses aujourd’hui en ruine, l’ancienne Maison du bâtiment s’est transformée en immeuble à énergie positive : au Nord-Est, les clients de l’hôtel bénéficient du soleil matinal, tandis que les salariés des entreprises de services et les habitants profitent des apports solaires de l’après-midi. Au pied de la tour, un bâtiment neuf mutualise ses besoins et sa production d’énergie à l’échelle du nouvel ensemble immobilier. Après traitement par bassins filtrants, les eaux usées enrichissent la trame verte et bleue de l’agglomération.

Produites en 2012, ces images en 3D de Strasbourg en 2030 ne sont guère sorties des équipes d’Eiffage et des directions concernées à la communauté urbaine de Strasbourg, qui a mis à disposition des chercheurs son système d’information géographique. Sous l’autorité de Valérie David, directrice du développement durable, le groupe de BTP a impliqué les représentants de ses cinq métiers dans sa réflexion prospective baptisée Phosphore : bâtiment, énergie, travaux publics, concessions et construction métallique.
« Après Marseille où la réflexion s’était développée à l’échelle d’un quartier, Strasbourg a consolidé la méthode, sur une échelle urbaine plus large et dans un autre contexte géographique », commente Denis Tritschler, directeur régional délégué d’Eiffage Construction Grand Est. Depuis l’engagement de la démarche en 2007, l’architecte urbaniste Pierre Gautier et le spécialiste de l’image de synthèse « Troisième studio » mettent en images les visions des équipes d’Eiffage. Leur recherche obéit à un cahier des charges constant : mobilités douces, solidarité énergétique, évolutivité du bâtiment, gestion optimale des déchets.
Une offre émergente
Au fil des images, les spécialistes identifient des offres déjà proposées par le groupe ou en cours de développement : les « lucioles » intégrées au sol adaptent l’intensité lumineuse à la lumière naturelle et à la fréquentation de l’espace public. Conçus pour des situations d’urgence en Afrique, les ponts préfabriqués d’Eiffage Construction Métalliques, posés en 24 h, s’adaptent aux traversées des canaux strasbourgeois par les piétons et les cyclistes.
« Nos outils contribuent au mieux vivre de demain », commente Denis Tritschler. Chargé de l’interface entre Phosphore et la communauté urbaine de Strasbourg, Bruno Bongarzone, directeur Alsace Franche-Comté d’Eiffage Immobilier, souligne l’apport des sociologues aux réflexions sur l’évolutivité des bâtiments : la taille et le cloisonnement des logements intègre les évolutions en cours, dans les modes de vie des Français. Après Strasbourg, l’étape grenobloise de Phosphore approfondit l’idée du transport urbain par câble, dans le cadre d’un partenariat avec l’industriel des remontées mécaniques Poma.
Pourquoi ces visions audacieuses n’ont-elles fait l’objet que d’une communication locale confidentielle ? « Nous n’avons pas voulu susciter des querelles techniques ou des polémiques sans objet avec des comités de quartier », répond Denis Tritschler. Des effets boomerang non maîtrisés pourraient néanmoins infléchir cette position : en pleine campagne pour la relance du projet de contournement autoroutier de Strasbourg, suspendu après l’alternance politique de 2012, le site internet de la CCI locale invite ses visiteurs à cliquer sur un lien qui montre cette infrastructure, dans les images produites par Phosphore. Le risque d’instrumentalisation amène le groupe de BTP à réfléchir à une présentation publique de sa démarche, pour la rentrée 2013.