Avec une activité en recul de 5,5% par rapport à 2023, le bâtiment pourrait perdre cette année environ 60 000 emplois, moins que les 90 000 anticipés par la Fédération française du bâtiment (FFB). En 2023, première année de crise du logement neuf, 5700 suppressions de postes avaient été recensées, pour une activité en baisse de 1%.
Pourquoi cette révision qui invite (un peu) à l’optimisme ? « Nous ne crions pas toujours au loup. Nous sommes capables de rectifier (…) En juillet et en août, il y a eu moins de défaillances, de licenciements et de départs à la retraite non remplacés que prévu. Mais nous restons vigilants », commente Olivier Salleron, président de la FFB, en conférence de presse le 17 septembre.
Le logement, un sujet transpartisan à l’Assemblée ?
Ceci explique pourquoi les salariés du bâtiment exposés à la crise du neuf ne sont pas descendus dans la rue ? Finalement « l’été a été moins chaud que prévu », reconnaît Olivier Salleron, qui s’attendait à une gronde de ses adhérents à cran, inspirés par les agriculteurs en colère en début d’année.
« Nous avons même vu un rebond économique, mais cette trêve olympique est terminée, poursuit le président de la FFB. Nous revenons dans le dur, sans gouvernement. » En attendant la nomination des ministres clés, de Bercy à la Transition écologique, sa fédération prépare le terrain : un déjeuner est prévu le 18 septembre avec 17 parlementaires, de LR au PCF. Avec une nouvelle Assemblée nationale sans majorité, l’idée est de mobiliser un bloc transpartisan afin de traduire des propositions de la FFB pour la construction et la rénovation en lois. « Sans LFI ni le RN pour l’instant, sinon ce serait la cacophonie », précise Olivier Salleron.
Les bâtiments administratifs se redressent
Le tableau du résidentiel neuf demeure sombre. La fédération table sur 260 000 logements commencés en 2024, « niveau proche de celui de la fin des années 50 », selon sa note conjoncturelle. Le rebond ne devrait pas intervenir l’an prochain au regard des autorisations sur un an à fin juillet : environ -5% dans le collectif, -8,4% dans l’individuel.
Une éclaircie est à noter tout de même : « les mises en chantier dans le collectif, boosté par les achats en bloc d’Action Logement -donc les cotisations des entreprises - et CDC Habitat, progressent sur douze mois (…) Cette hausse n’est pas pérenne, car ces groupes ne vont pas acheter massivement tous les six mois », tempère Olivier Salleron.
Les entreprises du bâtiment peuvent s’en remettre au tertiaire neuf qui souffre moins. « A fin juillet, les surfaces commencées de bureaux, commerces… ne reculaient que de 2% en glissement annuel sur trois mois, « grâce à un tassement général de la baisse, mais aussi, enfin, au redressement récent des bâtiments publics (+11,7% sur les trois derniers mois), l’échéance des municipales de 2026 commençant à produire ses effets concrets », souligne la FFB.
« Pas touche à Ma Prime Rénov’ »
Enfin, l’amélioration-entretien reste dans le positif, à +1,1% en glissement annuel au deuxième trimestre, mais demeure en deçà du niveau attendu au nom de la décarbonation du parc résidentiel existant. En cause principalement : « l’instabilité de MaPrimeRénov’, avec une réforme absolument brutale au 1er janvier », rappelle Olivier Salleron. Et d’avertir : « Pas touche à MaPrimeRénov’ (qui pourrait être raboté en 2025, NDLR), sinon ce sera la catastrophe. »
Le président de la FFB pense en particulier aux « petites entreprises et artisans qui rénovent une douzaine de logements par an », parmi les plus touchés sur le front des défaillances, aux côtés des Cmistes qui carburent habituellement à « 5 ou 6 maisons par an ». Les autres métiers du bâtiment qui souffrent, « ce sont toujours les premiers : le gros-œuvre, la maçonnerie », ajoute-t-il.
L’Alliance pour le logement, un club de 10
L’onde de choc partie de la promotion immobilière, qui fragilise également des métiers éloignés de la construction comme le notariat, a donné des idées aux « syndicats et grosses entreprises de fabrication de matériaux et matériels », assure Olivier Salleron. Eux aussi contraints de tailler dans leurs effectifs, ces derniers ont frappé à la porte de l’Alliance pour le logement, qui regroupe la FFB et d’autres acteurs, des organismes HLM aux architectes, en passant par les agents immobiliers.
« Actuellement, nos dix organisations sont d’accord sur 85% des thèmes. A 40, il serait plus difficile de parler d’une seule voix (pour peser face à l’exécutif, NDLR). A un moment, il faut que ce soit efficace », confie Olivier Salleron. Pas question, donc, dans l'immédiat, d'élargir cette alliance inédite aux industriels ou à d’autres métiers qui toussent à cause de la crise du logement.