En vingt ans, la qualité des logements franciliens a baissé

L'Institut des hautes études pour l'action dans le logement (Idheal) publie une étude sur les immeubles résidentiels construits en Ile-de-France, entre 2000 et 2020. 

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Logement Les Docks Saint-Ouen Seine-Saint-Denis
L'institut met notamment en cause le Pinel qui « encourage » la production standardisée de T1 et T2.

Recul des surfaces consacrées au rangement, absence de fenêtre dans l'espace cuisine... La dernière étude de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement (Idheal) intitulée « Nos logements, des lieux à ménager » (84 pages) vient confirmer les impressions de certains Franciliens : la qualité d'usage des logements collectifs construits en Ile-de-France, entre 2000 et 2020, a baissé.

Avec « une accélération de la dégradation sur la dernière décennie », note Catherine Sabbah, déléguée générale de l'institut privé de recherche et de formation.

L'étude ne porte pas sur la qualité technique telle que le confort thermique mais sur « des critères descriptifs comme la taille du logement et le nombre de pièces » ainsi que « des critères de performance portant sur les usages comme le périmètre meublable », résume-t-elle.

Surface d'usage

L'Idheal met aussi en avant la surface d’usage, correspondant à la surface totale affichée sur plan, en m² de surface habitable, de laquelle sont déduits les espaces de circulation explicites (entrée, couloirs, dégagements). Cette notion vient en opposition au « rendement de plan calculé par les promoteurs, à l’échelle des immeubles ».

Ont été observés plus de 1 700 appartements dans 17 communes, de densité du tissu bâti et niveau de revenus variés. Du 13e arrondissement parisien à Louvres, commune de 10 000 habitants près l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, en passant par Nanterre, préfecture des Hauts-de-Seine.

Au total, « 24 promoteurs et bailleurs sociaux ont bien voulu participer à notre enquête (sur 130 groupes de promotion contactés) ainsi que 45 architectes (sur plus d'une centaine contactés), en fournissant les plans d'immeubles, d'étages, d'appartements, d'opérations parfois vieilles de vingt ans », peut-on lire.

Loi PMR

L'étude dresse un constat négatif. Au rayon acoustique, 52 % des logements analysés disposent de cloisons de l'épaisseur minimale autorisée (5 cm). Sur fond de réduction des surfaces, l'étude pointe également lesconflits d’ouverture de portes, jusqu'à trois par appartement. Ces mauvaises configurations, imputables à l'architecte, se concentrent dans les T3 et T4.

Parmi les autres points noirs : l'entrée. Entre la période 2003-2012 et celle de 2013 à aujourd’hui, sa surface moyenne a diminué de 0,85 m². Et « dans 22 % des plans, l’entrée se confond avec le séjour ou la cuisine », principalement dans les T1 et T2. Autant de « m² de passage qui ne servent pas l'usage », selon Catherine Sabbah.

Et que dire de ces chambres optimisées dont les baies vitrées et le radiateur empêchent l'installation de placards en plus d'un lit matrimonial ? Ou de la cuisine, devenue « un mur de salon avec un peu de carrelage par terre », remarque l'ancienne journaliste immobilier ? « Au début, on parlait de cuisine ouverte. Elle avait rarement une fenêtre. Aujourd'hui si l'on veut en faire une pièce fermée, on obtiendrait une pièce aveugle », ajoute-t-elle.

L'Idheal note toutefois quelques bons points comme la salle de bain qui a gagné en moyenne 1 m² depuis 2013. Merci « la loi PMR qui doit permettre à un fauteuil roulant de faire demi-tour dans cette pièce, une fois la porte fermée », rappelle l'institut. Et Catherine Sabbah d'en conclure : « Les normes ne sont pas de nature à nuire à la qualité. Il faudrait en ajouter. »

Double orientation

La faute est partagée avec les acteurs publics. L'institut met notamment en cause « les dispositifs fiscaux comme le Pinel qui encouragent la production de petits appartements locatifs standardisés (T1, T2) ». La raison ? « Le plafond de 300 000 € investis par contribuable, équivalent à une surface moyenne de 60 m² en Ile-de-France », relève Catherine Sabbah.

Outre la « hausse des coûts des terrains » non-chiffrée, l'Idheal pointe « l'aide à la solvabilisation des ménages », via le prêt à taux zéro (PTZ), qui « a encouragé la création de T3 dits compacts ». « Cette aide permet à des foyers d'accéder à la propriété mais pas avec des budgets énormes. Résultat, un T5 en grande couronne est plus petit qu'à Paris en raison de la différence des budgets des acquéreurs », analyse Catherine Sabbah.

Cette dernière déplore aussi « une augmentation (NDLR : non quantifiée) des recours retardant les chantiers, un sport régional car les habitants ne supportent plus qu'un immeuble se construise à côté de chez eux ». Aux édiles de ne plus refuser des PC conformes au PLU, au nom de la lutte contre la densification promise à leurs électeurs. « Un promoteur pourrait attaquer le maire mais il ne le fait pas au risque de ne plus pouvoir travailler dans la commune. En se pliant à la volonté du maire, il met en péril la viabilité économique de l'opération, et c'est la qualité qui trinque », avertit-elle.

Des promoteurs plus exigeants

L'imposition par la loi de surfaces minimum par pièce ou par typologie de bien est une des solutions avancées. Quid de la marge des promoteurs ? « C'est le foncier qui coûte le plus cher, pas le béton. En mettant un étage de plus, le promoteur peut y trouver son compte », assure-t-elle.

Enfin, l'étude suggère d’autres pistes d'amélioration comme le conditionnement de l'obtention d'aides publiques à la satisfaction de critères de qualité : double orientation systématique, fenêtre obligatoire dans l'espace cuisine... Et Catherine Sabbah de rassurer : « Pour un T1, il peut s'agir d'une petite fenêtre qui permet de faire un courant d'air, pas d'une baie vitrée. »

Ces nouveaux objectifs pourraient se traduire par une nouvelle loi ou bien par « une exigence que s'imposent les concepteurs », à l'image de Cogedim et d'autres promoteurs qui assurent avoir tiré les leçons des confinements successifs.

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