Au milieu du marché tertiaire en berne depuis la pandémie et des opérations résidentielles reportées faute d’équilibre économique ou bradées à CDC Habitat faute de clients particuliers solvables, où en est l’hôtellerie ? « Il y a un ralentissement des mises en chantier mais on ne peut pas parler de coup de frein », assure Katell Bourgeois, directrice de l’hospitality au sein de la société de conseil Cushman & Wakefield.
« Des villes lèvent le pied sur les autorisations après avoir connu une accélération du développement de l’offre hôtelière, confirme Laura Ben-Ibgui, responsable des transactions hôtelières de la société de conseil JLL. C’est le cas de Bordeaux, après la ruée vers l’or de 2020 et 2021. Sur le littoral Atlantique, les élus souhaitent limiter le tourisme au nom du développement durable. Les projets continuent de sortir, mais ils sont plus petits et plus vertueux. En montagne, les collectivités portent un regard appuyé sur le volet constructif, l’impact sur l’écosystème. »
Besoin de rendement immédiat
La conjoncture ne joue pas non plus en faveur des porteurs de projets, pris en étau par « la remontée des taux sur les prix de vente de l’immeuble fini et la hausse du coût travaux qui impacte la rémunération des fonds pendant la période de développement », résume Katell Bourgeois.
Dans le cadre d’une Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) sur 24 mois, les investisseurs manquent en effet de visibilité sur le rendement attendu à cause de la hausse des taux directeurs, qui pourraient toutefois se stabiliser d’ici début 2024, selon les analystes financiers.
Dans ce contexte, les promoteurs traquent les m² inutiles. « Il faut plus de temps en amont pour optimiser les plans, les surfaces, afin de créer de nouvelles chambres, des espaces de coworking, de restauration, des ateliers de cuisine, une bibliothèque, un concept store, une conciergerie… L’idée est de créer du flux, un lieu de rencontre, pour que les clients vivent dans la ville », explique Laura Ben-Ibgui.
Travaux non structurels
Si un nombre indéterminé (lire encadré plus bas) d’opérations sont reportées, le parc hôtelier français demeure stimulé par la tendance lifestyle, qui vise à générer de nouvelles recettes avec des espaces communs ouverts sur l’extérieur, au détriment des chambres plus petites. « En 4 étoiles, leur superficie moyenne est de 16m², contre 20 à 24m² en 2010 », estime Jean-Luc Guermonprez, directeur du département hôtellerie de Vinci Immobilier.
Dans l’existant, la création de valeur génère le plus souvent des travaux non structurels. « En général, les espaces de télétravail créés sont à l’origine dans des espaces peu ou pas utilisés tels que les lobbys des hôtels ou des salles de restaurants non utilisées durant la journée », illustre Sami Mendil, responsable du département investissements hôteliers de CBRE.
Montée en gamme
Par rapport à avant la pandémie, « la France ne compte pas plus d’hôtels mais plus de chambres » au nom de la rentabilité via la densification, reprend Katell Bourgeois. Selon elle, ce seuil de rentabilité se situe à 20 chambres minimum à Paris, à condition de proposer du haut-de-gamme. A l’échelle nationale, un établissement de 50 chambres offre, sur le papier, de belles perspectives à son gestionnaire et son investisseur, estime de son côté Vincent Desruelles, directeur d’études de l’institut Xerfi.
Une certitude : la montée en gamme du parc est en marche. « Les 4 et 5 étoiles affichent une croissance de 4% par an entre 2016 et 2022 », note Katell Bourgeois. Dans le même temps, les autres catégories sont stables.