Le premier tour de vis a été donné lundi matin et, en moins de deux semaines, il ne restera que la dalle de cette maison de type « métropole » dessinée par l’ingénieur Jean Prouvé en 1952, suite à une commande du ministère de la reconstruction et du CIL de Roubaix et Tourcoing.
« C’est le génie de Jean Prouvé, raconte Jean-Charles Huet, l’architecte roubaisien en charge de la réhabilitation. Cette maison devait préfigurer une immense série et conjugue ainsi deux atouts : vitesse de montage et industrialisation de la production ». La grande série ne sera finalement pas commandée et les rares témoignages de cette architecture de l’habitat d’urgence sont protégés.
Structure légère
Dans ce « pavillon métropole », seuls deux portiques axiaux, une poutre faîtière et deux poutres de pignon en acier forment la structure. La toiture en bacs acier s’y emboite laissant libre cours au cloisonnage.
Panneaux de façade et cloisons intérieures sont formés dans le même moule, seul le remplissage d’isolation les différencie : deux panneaux d’aluminium légèrement bombés, de 98 cm de large, avec au choix un parement intérieur bois pour le séjour, aluminium pour les salles d’eau et de Placoplatre pour les chambres. La modularité est totale, les panneaux sont glissés dans des guides métalliques au sol et au plafond. À l’intérieur des panneaux, Jean Prouvé glisse deux ressorts permettant de garantir l’effet galbé de l’aluminium dans le temps.
La rénovation de ces éléments métalliques est assurée par l’entreprise de serrurerie-métallerie SMJ de Lucien Jedreski à Saint-Amand (59). Le duo formé par l'entrepreneur et Jean-Charles Huet tient la durée. Ils ont rénové ensemble le premier pavillon détenu par l’ancêtre de Vilogia et cédé en 1996 à des passionnés qui maintiennent la vocation sociale du logement en le louant à un prix modéré.
Secret professionnel
Lucien Jedreski, qui a rénové notamment le chevalement du puits de mine de Wallers Arenberg, va restaurer tous les éléments d’ici à décembre. Le démontage est très rapide. En moins d’une heure de reportage, les deux compagnons de SMJ ont déposé quatre panneaux. « Ils seront décapés, traités et mis en peinture », indique Lucien Jedreski. La nature du bain de traitement ? « Secret professionnel », répond pour lui Jean-Charles Huet qui ne parvient pas à faire parler son camarade de chantier…
Les menuiseries extérieures sont à guillotines inversées (comme dans les anciennes rames SNCF), très souples à remonter grâce à un système ingénieux de contrepoids. Elles subiront le même traitement, mais le simple vitrage devra être conservé, le châssis ne permettant pas d’y glisser une épaisseur plus importante.
La restauration à l’identique de cette maison ne permet pas à Vilogia d’espérer atteindre la performance énergétique qu’il envisageait au départ. « Nous passerons néanmoins cette maison de 506 kWh/m².an à 170 kWh/m².an », assure Frédéric Fournier, chargé du développement patrimoine du bailleur. Un isolant en polyuréthane (60 mm) sera inséré dans les panneaux de façade et 200 mm de laine de roche en toiture. « Il aurait fallu isoler par l’extérieur et recouvrir les panneaux d’aluminium pour arriver à une meilleure performance », explique l’architecte. Mais quelques kilowatts de perdus valent bien la sauvegarde d’un tel patrimoine !