La crise du logement fait bouger les lignes. Dans le cadre de son plan visant à acquérir 17 000 logements neufs d’ici 2024, CDC Habitat n’a acheté pour l’instant que 2 100 logements locatifs sociaux (LLS) aux promoteurs immobiliers qui peinent à vendre leurs programmes en phase de pré-commercialisation. La filiale immobilière de la Caisse des dépôts a en revanche commandé 8 400 logements locatifs intermédiaires (LLI).
Pourquoi un tel écart entre LLS et LLI ? « Les promoteurs avaient prévu de vendre ces logements à des particuliers. Le passage de logements libres à logements sociaux suppose une trop forte décote, qui serait synonyme de vente à perte », décrypte Tristan Ruiz, directeur du marché des bailleurs sociaux de la société de conseil Adéquation.
« La crise nous fait bouger »
« Dans des communes franciliennes, où le prix de vente hors taxe d’un logement libre est compris entre 4 500€/m² et 5 000€/m², il faut compter plus de 4 000€/m² en LLI, et entre 3 000€/m² et 3 300€/m² en LLS », estime Jean-Pierre Mahé, directeur du développement du logement social chez Eiffage Construction. Dans le contexte actuel, la part des LLS (en volume et en valeur) ne peut donc être majoritaire. Mais sur une vente en bloc de plusieurs dizaines de lots, le client du promoteur peut tout de même en acquérir quelques-uns.
En position de force pour négocier avec les promoteurs à la peine, les bailleurs sociaux sont incités à se diversifier dans le logement intermédiaire. « La crise nous fait bouger, témoigne Maxime Bitter, directeur général de Lille Métropole Habitat. Nous n’avions pas prévu de faire beaucoup de LLI. Si nous avons décidé de nous lancer, c’est d’abord pour sauver notre programmation de LLS. Notre plan à moyen terme prévoyait 1 000 LLI en dix ans. Nous les ferons certainement en trois ans. »
« Le logement intermédiaire n’est pas une solution »
La part de LLI dans le patrimoine d’un bailleur social ne doit pas représenter plus de 10%. D’ici 2024, cette limite sera portée à 20%. « Dans une logique de péréquation entre les produits, cela doit vous permettre de financer la construction de plus de logements sociaux », a lancé le ministre du Logement Patrice Vergriete, à l’occasion du Congrès HLM, début octobre.
« Le logement intermédiaire est une carte de plus dans notre parcours résidentiel, mais il n’est pas une solution pour notre modèle économique » mis à mal depuis plusieurs années, souligne Valérie Fournier, présidente de la Fédération des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH). Certains de ses membres, en particulier en zone tendue, sont proches des 10%. En moyenne, le patrimoine des ESH est composé à 7% de LLI.
« Pour certains bailleurs, déjà fortement investis dans ce produit, c’est certainement une très bonne mesure pour accompagner les promoteurs dans cette période difficile, analyse Maxime Bitter. Pour notre office, ce n’est pas le sujet. » L’Office public de l’habitat (OPH), qui détient un total de 32 000 logements, est à plus de 5 000 unités du futur plafond.