L’assistance était nombreuse ce mardi après-midi au Palais-Royal (Paris 1er) pour le premier acte de la bataille juridique qui oppose le collectif Les Soulèvements de la Terre et ses soutiens au ministère de l’Intérieur. Le mouvement conteste sa dissolution, décidée le 21 juin 2023 par un décret.
Urgence climatique versus urgence à dissoudre
Les termes du débat sont simples en apparence. Dans le cadre de cette procédure de référé, les juges doivent uniquement examiner si les quatre requêtes en discussion ce mardi répondent aux deux conditions qui peuvent justifier que soit suspendu en urgence un acte administratif : existe-t-il une urgence à suspendre l’acte, ainsi qu’un doute sérieux sur sa légalité ?
Pourtant c’est sans doute un peu plus qui s’est joué lors de l’audience. Pour les représentants des Soulèvements de la Terre, ce sont deux symboles qui s’opposent. D’un côté leurs actions, qualifiées de « désarmement » par le collectif, pour alerter sur l’urgence climatique. De l’autre, un décret dans lequel ils notent une urgence à dissoudre le mouvement pour « compenser la carence de l’Etat en matière d’environnement ». Antoine Lyon-Caen, l’un des avocats des Soulèvements de la Terre, voit dans la décision du gouvernement « un procédé dangereux pour le gouvernement lui-même » quand Aihona Pascual, autre représentant du mouvement, appelle à « mettre fin à une mesure d’affichage ».
Des actions contre les infrastructures
Les avocats relèvent également que la dissolution n’est pas suffisamment motivée. Le décret ne vise que six événements pour lesquels Les Soulèvements de la Terre auraient provoqué des atteintes aux biens. Sont ainsi visés notamment l’occupation de plusieurs sites des groupes Lafarge et Eqiom entre le 29 juin et le 4 juillet 2021 pour protester contre le Grand Paris Express, les différentes manifestations en 2022 et 2023 contre le projet de méga-bassines à Sainte-Soline (79) ou encore le sabotage d’une centre à béton BHR à Nantes (44) en juin 2023. Pour les requérants il ne s’agit que d’une « accumulation de griefs, non circonstanciés et non imputables » au collectif.
Face à ces arguments le ministère de l’Intérieur et de l’Outre-Mer, représenté par sa directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, Pascale Léglise, retire tout caractère symbolique aux manifestations. Elle évoque en particulier les actions de décembre 2022 menées à l’usine du cimentier LafargeHolcim de Bouc-Bel-Air (13), non citées dans le décret, qui ont donné lieu en juin 2023 à deux mises en examen de militants revendiqués des Soulèvements de la Terre. Elle rappelle que le préjudice matériel pour l’entreprise est estimé à 800 000 euros.
Comme l’avait expliqué Marion B., une militante des Soulèvements de la Terre, au Moniteur, cette action à la cimenterie LafargeHolcim « s’inscrit dans une série de protestations liées à l'univers de la construction et de l'industrie du béton » qui visent à attirer « l’attention sur l’artificialisation [et] la bétonisation ».
Décision en fin de semaine
Le verdict du Conseil d’Etat est attendu d’ici la fin de semaine. Quel qu’il soit, il ne marquera pas la fin de l’affrontement juridique entre le mouvement écologiste et le gouvernement : les Soulèvements de la Terre ont d’ores et déjà introduit un recours pour faire annuler définitivement la dissolution.