Des promoteurs aux constructeurs de maisons individuelles, les professionnels du logement neuf, qui voient s’accumuler les mauvais chiffres (-39,7% pour les réservations de logements au 3e trimestre (T3) par rapport au T3 2022, - 48,6% pour les mises en vente selon la Fédération des promoteurs immobiliers), répètent depuis plusieurs mois qu’ils n’attendent plus rien du gouvernement. Et pourtant, celui-ci enchaîne les annonces en faveur du secteur.
Nouvelle preuve avec le déplacement à Dunkerque (Nord), le 16 novembre, d’Elisabeth Borne. L’occasion pour la Première Ministre d’annoncer une mesure à moitié financée, un objectif chiffré et d’ouvrir deux chantiers en faveur de la production de logements.
Logement intermédiaire : une mesure à moitié financée
Commençons par ce qui est présenté comme un nouvel effort pour le logement locatif intermédiaire (LLI), destiné aux classes moyennes dans le Grand Paris, certaines métropoles mais aussi, depuis le mois dernier, des communes de taille plus modeste dont les habitants peinent à se loger, comme Béziers (Hérault) et Bayeux (Calvados). Le but est de « doubler » la production annuelle de LLI, pour atteindre 30 000 nouvelles unités d’ici 2026. Aux dernières nouvelles de 2022, la France comptait moins de 80 000 logements intermédiaires, selon le gouvernement.
Le coût de cette mesure est estimé à 1Md€, dont 500M€ seront engagés par l’Etat et la Caisse des dépôts. Reste à financer l’autre moitié auprès des opérateurs comme In’li et des investisseurs institutionnels. Un pari risqué pour le gouvernement, car les mutuelles, caisses de retraite et autres « zinzins » en quête de revenus locatifs sont déçus par les rendements actuels. En cause : la rapide hausse des taux directeurs. Mais il y a de l’espoir : la Banque centrale européenne ne les a pas relevés le mois dernier. Une première depuis juillet 2022.
Logement étudiant : un objectif chiffré, des modalités à préciser
La deuxième annonce concerne les étudiants. Elisabeth Borne promet la construction d’ici à trois ans de 35 000 logements étudiants supplémentaires, dont les modalités seront précisées prochainement par les ministres Patrice Vergriete et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur).
Le gouvernement a en outre profité de ce déplacement pour ouvrir un nouveau chantier : « 20 territoires », caractérisés par de fortes tensions en matière de logement, seront sélectionnés par le ministère du Logement d’ici la fin de l’année. Objectif : accélérer les opérations d’aménagement pour y produire 30 000 logements en trois ans, soit environ 1500 par commune. Les moyens financiers restent à définir.
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Les bailleurs sociaux priés d’acheter plus de logements neufs que prévu
Enfin, le gouvernement espère convaincre Action Logement, CDC Habitat et d’autres bailleurs sociaux de lancer un deuxième plan d’achat de logements aux promoteurs qui peinent à les vendre aux particuliers. Objectif : relancer les mises en chantier, qui ne cessent de décroître depuis plus d’un an, pour créer du logement social et intermédiaire.
Comme annoncé au Congrès HLM en octobre dernier, le gouvernement veut permettre aux bailleurs sociaux de détenir jusqu’à 20% de LLI aux loyers plus élevés que ceux des HLM. Actuellement, la limite est fixée à 10%. A la clé, de nouvelles ressources pour engager des travaux.
Dunkerque, pas un choix au hasard
Le choix de Dunkerque n’est en rien un hasard : la ville connaît actuellement une réindustrialisation spectaculaire dans les nouvelles filières liées à la décarbonation qui va conduire à la création de 20 000 emplois en dix ans. Les besoins en logements pour accueillir les nouveaux habitants sont donc énormes, de l’ordre de 11 450 sur l’ensemble du territoire de la Communauté urbaine.
La collectivité et ses partenaires se sont emparés du problème bien en amont, notamment à cartographiant les friches commerciales, industrielles et tertiaires à reconquérir. Résultat : 154 sites ont été comptabilisés et 4 460 logements d’ores et déjà programmés (locatif social et accession à la propriété), afin de « construire la ville sur la ville sans aucun mètre carré d’extension urbaine », a martelé Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement, ancien maire de la ville et toujours président de la Communauté urbaine, qui a accueilli Elisabeth Borne à son arrivée.
La Première ministre a d’abord visité un programme en cours, mixant logement social et accession, sur l’ancienne friche industrielle Nicodème, située à deux pas du centre-ville. Puis elle a posé la première pierre d’une autre opération, mêlant social, accession et logements étudiants sur le site des anciens locaux rasés de la CCI Littoral-Hauts-de-France. Preuve de la pression subie par le territoire en la matière : la Première ministre a également signé une convention territoriale avec l’ensemble des acteurs locaux du logement qui les engage dans la production et la rénovation de logements sociaux dans les prochaines années.