Jurisprudence

Maisons individuelles : le devoir de conseil du prêteur n’est pas sans limites

La banque qui finance la construction d’une maison par un prêt immobilier a une obligation de conseil, d’information et de mise en garde à l’égard des emprunteurs. Mais ce devoir est circonscrit par les pièces que ceux-ci fournissent, souligne la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 juillet 2019.

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CCMI
Maison individuelle
Marchés privés

Il est tentant de se retourner vers le prêteur de deniers en cas de problème dans la construction d’une maison individuelle, car le droit en la matière est très protecteur du maître d’ouvrage particulier. Mais la Cour de cassation réaffirme, dans une décision prononcée cet été, que la responsabilité de l’établissement bancaire ne peut être engagée qu’au vu des éléments dont celui-ci disposait !

Un devoir de conseil développé en matière de CCMI

Dans cette affaire, un couple finance l'édification de sa maison d’habitation par un prêt souscrit auprès d’une banque et assigne cette dernière pour manquement à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde.

Il faut rappeler en effet que, lorsque les emprunteurs souscrivent un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec plan tel que défini par l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), le contenu de l'obligation de conseil de l’établissement bancaire est défini par ledit code. Celui-ci doit notamment à ce titre vérifier que les mentions impératives énumérées à l’article L. 231-2 du CCH y figurent, et ne peut débloquer les fonds que sur communication de la garantie de livraison (art. L. 231-10 du CCH).

Qualification du contrat

Mais, pour que le prêteur puisse exercer son devoir de mise en garde, il est impératif que les éléments fournis par les clients correspondent à la « réalité » de l’opération de construction et lui permettent d’apprécier au mieux la situation contractuelle.

En l’espèce, les maîtres d’ouvrage avaient joint à leur demande de prêt, un contrat d’architecte portant sur les études préliminaires, la demande de permis de construire et deux devis (menuiseries extérieures / reste de la construction). Ces pièces n’apportaient aucune précision relative au délai d’achèvement des travaux et ne permettaient pas au prêteur de considérer que l’entreprise chargée de la quasi-totalité des lots avait proposé aux clients un plan de construction.

La cour d’appel a donc considéré, au vu desdites pièces, « que la [banque] avait pu légitimement penser que ses clients s’étaient adressés à un architecte et à deux entreprises avec lesquelles ils avaient conclus des marchés de travaux et qu’il ne s’agissait pas d’un [CCMI] ». L’argument des requérants selon lequel le prêteur de deniers, même s’il n’avait pas l’obligation de requalifier le contrat, aurait dû les informer des risques encourus car le marché conclu avec l’entreprise chargée de la quasi-totalité des travaux ne comportait aucune garantie de livraison, est écarté. Et la Cour de cassation approuve en tous points cette décision.

Confirmation de la jurisprudence antérieure

Le devoir du banquier existe donc bel et bien mais n’est pas absolu… La qualification du contrat de construction n’est pas à sa charge. Ce qui signifie que l’absence de CCMI exclut tout manquement à ses obligations en la matière. Ce faisant, la Haute juridiction confirme la solution déjà établie par le passé (Cass. 3e civ., 9 octobre 2013, n° 12-24900, publié au Bulletin et, avec une approche plus nuancée, Cass. 3e civ., 11 janvier 2012, n° 10-19714, publié au Bulletin).

Cass. 3e civ., 11 juillet 2019, n° 18-10368, publié au Bulletin

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