Un meilleur usage des normes pour encourager l’innovation
L’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp) vous présente le manuel Steppin, un guide de référence sur les normes dans les marchés publics menant à l’innovation.
Le projet a rassemblé, au sein d’un consortium, quatorze partenaires européens dont l’Apasp, issus du monde de la commande publique et d’organismes de normalisation. Pendant deux ans, ces partenaires ont cherché à accorder les différentes approches nationales pour tendre vers un objectif unique. Après avoir étudié les pratiques des acheteurs publics européens en matière d’innovation et d’utilisation des normes, le consortium a proposé des lignes de conduite et des outils adaptés.
Dans la phase d’étude, l’utilisation des normes par les acheteurs publics est apparue très faible dans de nombreux types de marchés. Sans doute les normes pâtissent-elles d’une image souvent négative de document prescriptif, difficile à trouver ou à comprendre. Cet a priori restrictif ne facilite pas non plus la compréhension du lien avec l’innovation. Enfin l’innovation elle-même n’est pas la première préoccupation des acheteurs, davantage tournés vers la recherche d’une solution appropriée plutôt qu’innovante.
Le projet Steppin tente donc de présenter ces problématiques sous un angle nouveau en montrant en quoi les normes peuvent être un outil ouvert à l’innovation et efficace pour les marchés publics.
Cette approche repose principalement sur les instruments juridiques proposés par l’article 23 de la directive 2004/18 CE et l’article 6 du Code des marchés publics. Ces dispositions offrent la possibilité à l’acheteur de définir ses spécifications techniques soit par référence à des normes, soit en termes de performance ou d’exigences fonctionnelles. Ainsi, la norme, sauf dispositions spécifiques, n’est donc plus considérée comme une obligation mais comme une opportunité. Le projet Steppin montre comment cette nouvelle liberté permet de faciliter la définition des besoins tout en ouvrant le marché aux solutions innovantes. Le manuel Steppin commence par présenter le rôle des normes en tant que vecteur d’innovation à travers les marchés publics. Il parcourt ensuite les aspects juridiques liés à ces questions, avant d’aborder l’utilisation des normes par les acheteurs publics et propose enfin une méthode simple accompagnée d’exemples, notamment français.
Ce manuel sera prochainement assorti d’un outil électronique permettant de mettre en concordance le CPV et la classification internationale des normes ICS.
L’Apasp a décidé de traduire ce document afin d’en assurer une diffusion optimale dans les États-membres francophones de l’UE. La version originale en langue anglaise peut être consultée sur le site http://standards.eu-innova.org/Pages/Steppin/Tools.aspx.
Steppin
L’innovation est un des éléments clés de « la Stratégie de Lisbonne ». C’est pourquoi cette thématique concerne aujourd’hui de nombreux pans de l’économie dont, bien sûr, les marchés publics : représentant 16 % du PIB de l’UE, la commande publique, apparaît comme un levier incontournable des politiques économique européennes.
Steppin a été initié au sein du 6e Programme-cadre de recherche et de développement de l’UE, à travers le réseau de normes Europe-Innova. Le projet est fondé sur l’idée selon laquelle une utilisation appropriée des normes permet d’améliorer la démarche d’achat tout en stimulant l’innovation. Cette approche a été notamment réaffirmée dans la récente communication « Vers une contribution accrue de la normalisation à l’innovation en Europe » COM (2008) 133 final du 11 mars 2008.
Le guide Steppin a été présenté dans sa version provisoire lors de l’atelier Steppin France en septembre 2008. L’Afnor y a présenté Sagaweb, outil de recherche des normes appropriées. De plus, des exemples d’utilisation de normes ont été présentés comme la conception d’un bâtiment HQE par le conseil général du Loiret et guides pour l’achat de prestations d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, de moyens pour systèmes d’information multimodale voyageurs et de systèmes ou de composants de billettique interopérable, développés par Monsieur Didier Adda, directeur du cabinet TPC et le Certu.
Lire aussi l’entretien avec Jean-Marc Peyrical, président de l’Apasp, dans le magazine, p.96
SOMMAIRE
Introduction3
Manuel Steppin7
Avant-propos7
Réseaux de normes7
Réseaux de normes d’EUROPE Innova8
Leçons principales des réseaux de normes d’EUROPE Innova8
1. Introduction9
Acheteur public européen9
Innovation9
Norme10
2. Le rôle des normes dans les marchés publics en vue de promouvoir l’innovation10
2.1 Avant l’achat11
2.2 Pendant l’achat12
2.3 Après l’achat13
3. aspects juridiques15
3.1 Terminologie15
3.2 Règles internationales applicables aux caractéristiques et aux normes techniques15
3.3 Droit communautaire applicable au cahier des charges techniques16
3.4 Implications pour l’acheteur public - comment employer des normes afin d’obtenir des résultats innovants et rester conforme aux règles européennes19
3.5 Législation nationale20
4. Les normes pour les acheteurs20
4.1 Normes et innovation20
4.2 À savoir sur les normes21
4.3 L’utilisation des normes21
4.4 Des normes particulièrement appropriées pour les acheteurs22
5. Méthode Steppin : les 7 étapes pour trouver et utiliser des normes22
6. Cas pratiques24
Annexe – Jurisprudence pour le Chapitre 4, aspects juridiques29
CJCE, 22 septembre 1988, 45/87, Dundalk29
CJCE, 3 décembre 2001, C-59/00 Bent Mousten Vestergaard29
CJCE, 14 juin 2007, C-06/05, Medipac-Kazantzidis AE29
CJCE, 7 juin 2007, C-254/05, Commission contre Royaume de Belgique30
CJCE, 3 mars 2005, affaires C-21/03 et C-34/03 Fabricom SA v État belge30
SITES INTERNET UTILES31
Manuel Steppin
Ce document est une traduction du « Steppin Handbook » publié dans le cadre du projet Steppin tel qu’il fut présenté par les responsables du Projet le 13 octobre 2008 lors du « Congrès final Steppin » à Amsterdam (Hollande). Quelques légères adaptations ont été apportées au document original par l’Apasp afin d’en faciliter la compréhension par un public national.
Avant-propos Réseaux de normes Normes et innovation
Les normes jouent un rôle déterminant dans la définition des conditions de marché pour beaucoup de secteurs industriels, au-delà de la haute technologie. L’utilisation des normes accélère le changement technologique et organisationnel, améliorant de ce fait la performance en termes d’innovation. Les normes constituent une infrastructure qui permet l’émergence de processus d’innovation efficaces. Elles jouent un rôle important en favorisant les produits et services innovants, en fournissant des références stables pour le développement de nouvelles solutions innovantes et en créant des marchés à grande échelle.
En tant qu’informations codifiées les normes servent à étendre la connaissance des éléments permettant une acceptation des nouveaux marchés et elles contiennent l’information technique explicite réduisant l’incertitude et à rechercher des coûts des producteurs et des clients. En outre, les normes non-technologiques aident à former de nouvelles formes et modèles de gestion de projets et contribuent à élever la qualité des services et l’efficacité des processus d’entreprises.
Le mécanisme expliquant l’impact des normes sur le processus d’innovation est souvent décrit comme « dépendance de circuit du processus d’innovation ». En bref, quand le cahier des charges est défini, les options pour de futurs développements technologiques sont logiquement diminuées, puisque les solutions alternatives sont exclues du fait des choix techniques opérés par l’acheteur. Cela peut paraître comme un obstacle à l’innovation, bien que celle-ci exige aussi un certain degré de stabilité et de prévisibilité afin que les produits ou services puissent être mis en place plus sûrement. L’intérêt des nouvelles normes réside dans la possibilité de réduire les coûts de transaction impliqués dans le développement et l’application de (nouvelles) technologies. Elles permettent également de produire des extériorités positives de réseau en créant des économies d’échelle. Mais les normes peuvent aussi, dans certaines circonstances, produire des effets négatifs, tels que l’adoption des solutions techniques peu avantageuses, le gel de nouveaux développements technologiques potentiels ou le « blocage » des communautés d’utilisateurs entières dans des produits ou des services figés. Enfin, l’innovation ne favorise pas nécessairement les « meilleures » solutions technologiques mais plutôt celles qui trouvent l’appui du marché.
On peut trouver des preuves de l’effet des normes sur le processus d’innovation et (donc) sur la croissance économique. L’enjeu se situe dans la prise de conscience que la façon dont nous utilisons les normes peut aider des acteurs économiques à développer des produits innovants et services et processus plus efficaces. Une telle information doit être neutre et impartiale afin d’être crédible. Cela offre de nouveaux débouchés pour les services d’information qui évaluent les coûts et les bénéfices des normes de façon à aider les clients à utiliser les normes d’une manière ouverte à l’innovation.
Des normes peuvent donc être considérées comme catalyseur d’innovation. En Europe, de grands investissements sont faits pour développer des normes offrant aux entreprises des avantages concurrentiels potentiels encadrés par le droit. Cependant, des normes dans beaucoup de secteurs industriels ne sont pas suffisamment connues ou utilisées par les développeurs de nouveaux produits ou services. Dans beaucoup de secteurs, les normes paraissent pléthoriques, ce qui rend la décision particulièrement difficile.
Europe innova et les normes
Pour favoriser la prise de conscience de l’existence des normes et de leur potentiel pour stimuler l’innovation, un appel à projet européen a été lancé sous l’initiative d’Europe Innova dans le cadre du FP6 avec l’objectif de compiler les bonnes pratiques d’utilisation des normes, en se concentrant sur trois aspects principaux :
1. Faciliter l’intégration des normes dans la conception de nouveaux produits et de services
Des normes européennes sont largement reconnues en tant que mesures permettant d’augmenter le commerce intra-UE et le développement de la compétitivité. À cet égard, l’objectif était de démontrer les possibilités de promotion des normes existantes dans la conception de nouveaux produits et services en rassemblant des groupements de concepteurs, de développeurs de produits et de consommateurs pour identifier et vérifier les méthodes pratiques d’utilisation innovante des normes.
2. Faciliter l’intégration des normes ouvertes dans des processus d’entreprises
Les normes non technologiques jouent un rôle crucial pour le développement de nouvelles pratiques de travail et de services. Les exemples incluent en particulier les normes de qualité et les normes définissant de nouveaux modes de gestion du flux de travail, comme dans le domaine du e-business. D’un point de politique publique, une utilisation plus large des normes dans ces domaines aiderait à promouvoir la qualité des nouveaux services et à faciliter la création de réseaux d’entreprises, en promouvant les solutions interopérables d’entreprises. Dans ce domaine, l’objectif était d’identifier les normes les plus prometteuses pour le développement de bonnes pratiques et de nouveaux services et de développer des lignes de conduites pour leur mise en œuvre à un niveau sectoriel.
3. Stimuler l’innovation par la référence aux normes dans les marchés publics
Les administrations publiques ont un impact énorme sur l’économie dans leur rôle d’acheteurs de fournitures et services. Les marchés publics sont plutôt des processus formalisés, où les normes sont régulièrement utilisées. Ici, l’objectif était double : d’une part évaluer comment des normes sont actuellement employées dans le processus d’achat public au sein de l’UE et, d’autre part, améliorer leur utilisation, en vue d’aider des entreprises soumissionnaires à devenir plus innovantes dans la conception et la proposition de leurs produits ou services.
Réseaux de normes d’Europe Innova
L’appel à proposition d’Europe Innova a permis la mise en place de six réseaux européens de normes, cinq concernant l’utilisation des normes dans la conception de produits, services et processus d’entreprises avec une approche sectorielle et un se concentrant sur des marchés publics comme levier pour l’innovation :
BIOHEALTH portait sur l’utilisation des normes pour l’interopérabilité dans le domaine de la « e-santé » et s’adressait à toutes les parties concernées : les spécialistes de la santé aussi bien que des patients et des citoyens ; assurances santé, organismes gouvernementaux et l’industrie. Des lignes directrices et des outils d’informations ont été développés pour les utilisateurs de normes relatives à la « e-santé » dans les secteurs tels que le management d’identité, la biométrie, les applications morales, etc.
DEPUIS - Conception de produits écologiques par l’utilisation de normes informatives – est un projet destiné à améliorer la conception écologique de nouveaux produits et services par l’utilisation innovante de nouvelles normes informatives en vue de permettre à plus d’entreprises de penser en termes de Cycle de vie et en évaluant les incidences sur l’environnement dans la conception de nouveaux produits.
EUROMIND, dans le secteur de construction navale, a cherché des solutions sur la façon d’améliorer la collaboration européenne dans la logistique de la construction navale par la connexion des systèmes numériques grâce aux normes. Le projet a identifié les normes les plus prometteuses et documenté leur utilisation dans l’intégration horizontale (coopération des chantiers navals) et l’intégration verticale (dans la chaîne logistique) afin répondre au besoin toujours croissant de coopération entre les chantiers navals, les intégrateurs de systèmes, les fabricants d’équipement, les entreprises d’électrotechnique et autres fournisseurs ainsi que les prestataires de services et les armateurs.
INNOVAFUN - Applying open standards to INNOVAte FUrNiture business processes - visait à établir un consensus industriel sur une solution utilisant la norme innovante funStep, facilitant l’intégration des normes dans l’industrie de mobilier. La norme funStep est reconnue par beaucoup de PME comme vecteur d’innovation dans le secteur. Bien qu’INNOVAFUN vise principalement le mobilier, ses résultats peuvent également être utilisés dans d’autres secteurs industriels.
STAND-INN, visant dans le secteur de construction, s’intéressait à de nouveaux processus de fabrication basés sur les normes IFC dans le but de créer de nouveaux processus d’entreprises plus efficaces, facilitant ainsi le grand potentiel du secteur de construction pour la réduction des coûts et la hausse de la productivité. STAND-INN a rassemblé l’ensemble des normes appropriées pour améliorer l’échange d’information et l’interopérabilité dans le cycle de vie des bâtiments et le projet a également identifié de nouvelles normes pour le développement durable. Ceci devrait par ailleurs aider à améliorer la compétitivité de l’industrie de bâtiment et de construction.
Steppin - Les normes dans des marchés publics européens mènent à l’innovation - explore comment l’utilisation des normes dans des processus européens de marchés publics pourrait mener à des solutions innovantes et cherche à encourager l’utilisation de nouveaux processus et méthodes de stimulation de l’innovation par l’utilisation des normes.
Leçons principales des réseaux de normes d’Europe Innova
L’expérience des réseaux de normes d’Europe Innova montre l’importance des normes pour le développement et la commercialisation de nouveaux produits et services ainsi que pour l’innovation organisationnelle. Ces initiatives exigent un fort soutien des entreprises. En effet, dans bien des cas, les nouvelles normes ne sont pas prêtes à être employées directement par des utilisateurs mais impliquent de nouveaux efforts pour être intégrées dans de nouvelles ou meilleures solutions d’entreprises.
Les réseaux de normes ont aussi relevé que dans beaucoup de secteurs, un grand nombre de normes co-existent et qu’il est souvent difficile pour les PME et les acheteurs de faire leur choix. En conséquence, les PME et les acheteurs publics et privés utilisent seulement exceptionnellement les normes lorsqu’ils souhaitent introduire des solutions innovantes dans les marchés.
Afin de répondre à ces enjeux, les réseaux de normes ont développé un certain nombre d’outils ou de matériaux, qui sont présentés dans une série de manuels et qui informent sur les avantages et inconvénients de l’utilisation des normes, et ce, en vue d’aider les PME et les acheteurs à s’approprier les normes pour qu’elles puissent être mieux adaptées aux solutions innovantes dans des environnements souvent complexes. Ces outils offrent une information spécialisée pour savoir qui contacter, quand utiliser les normes et dans quel contexte le faire. Ils sont vus comme des leviers efficaces pour mener l’innovation vers de nouveaux marchés. Il serait souhaitable que de tels nouveaux outils d’information soient appuyés, autant que possible, par les organismes nationaux et européens de normalisation en vue de favoriser une utilisation plus large des normes.
Les résultats des réseaux de normes d’Europe Innova sont très encourageants. De futurs efforts seront donc entrepris pour faciliter l’utilisation innovante des normes, par exemple avec l’appui de la nouvelle initiative relative aux marchés émergents de la Commission européenne. Des experts en matière de normes sont invités à participer activement également à la prochaine génération d’Europe Innova qui suivra une approche plus thématique et exigera donc la coopération étroite avec d’autres acteurs de l’innovation. Les normes peuvent faire la différence !
1. Introduction
Les marchés publics représentent plus de 15 % du produit intérieur brut de l’Union européenne. Des ressources considérables ont été mobilisées pour développer le droit de la commande publique afin de soutenir le marché unique. La stratégie de Lisbonne (2000) vise à faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive dans le monde d’ici 2010.
Il existe une prise de conscience croissante qu’une bonne stratégie d’achat public, en plus de rationaliser les procédures et de niveler les prix, joue également un rôle déterminant, comme « mécanisme conduit par la demande », en stimulant des activités innovantes d’entreprises dans le marché visé. La révision de cette stratégie en 2004 a confirmé que l’innovation serait un vecteur important de changement économique. Les diverses études menées ces dernières années ont également montré les avantages que pouvait apporter l’utilisation des normes pour soutenir l’innovation. On en trouve un exemple (en langue anglaise pour l’instant) à l’adresse suivante : www. berr. gov.uk/files/file9655.pdf (site visité le 28 juillet 2008).
Trouver les moyens adéquats de stimuler les solutions innovantes dans les marchés publics est un enjeu majeur dans nos vies quotidiennes. Le manuel explique sur un mode pratique et pragmatique comment employer des normes dans la mise en concurrence pour pousser les fournisseurs à proposer davantage que les solutions « prêtes à l’emploi » habituelles. La teneur du manuel propose un ensemble de nouvelles stratégies légalement utilisables pour mieux exploiter les normes dans la recherche de solutions innovantes pour les acheteurs publics dans l’Union européenne et les États tiers.
Les places de marchés décentralisées, les organismes privés et l’ensemble des organismes de normalisation contribuent au développement et à la diffusion des normes. Les acheteurs publics européens ont un rôle important à jouer dans l’utilisation des normes du fait du volume important de marchés publics dans l’Espace Économique Européen.
La compréhension de l’innovation, étant un vecteur important de changement économique, un certain nombre d’initiatives se sont développées pour soutenir les objectifs de la Direction générale « entreprises et industrie » de la Commission européenne.
Le réseau de normes Europe-Innova a été établi pour identifier et favoriser les normes qui soutiennent l’innovation en Europe. Steppin - STandards in European Public Procurement leading to INnovation (Des normes dans les marchés publics européens menant à l’innovation) - est l’un des projets du réseau Innova portant sur les normes et l’innovation, établi sous la bannière d’Europe-Innova et financé par le sixième programme-cadre de la Commission européenne.
Steppin a étudié la façon dont l’innovation au sein des entreprises pouvait être stimulée en améliorant l’utilisation des normes par les acheteurs publics européens dans leurs marchés.
Ce manuel est construit sur l’expertise et la recherche effectuées par les quatorze partenaires du projet Steppin. Il démontre comment les normes peuvent accompagner le développement et la diffusion de solutions innovantes aussi bien qu’assurer la compatibilité, l’interopérabilité, la sécurité et la qualité des produits.
Les définitions suivantes ont été retenues par les partenaires afin d’avoir une base commune de recherche ; ces définitions sont donc celles applicables dans ce manuel.
Acheteur public européen
Un acheteur public européen est tout organisme public dans la zone économique européenne, au niveau national, régional ou local, achetant des marchandises, des services ou des travaux afin d’assurer un service public. Les types d’organisations peuvent varier d’un État Membre à un autre dans l’Union européenne.
Innovation
L’innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré. Cela peut également être une nouvelle méthode de commercialisation ou une nouvelle méthode d’organisation dans des procédures de gestion. Les activités d’innovation sont des étapes scientifiques, technologiques, organisationnelles, financières ou commerciales destinées à l’application de ces innovations. Le terme « innovation » est utilisé en référence à l’impact sur les biens, les services ou les travaux achetés mais ne couvre pas le processus d’achat lui-même.
Norme
Cette définition est basée sur la norme européenne EN 45020 développée par CEN, le Comité européen de normalisation, où les organismes nationaux de normalisation et les parties prenantes se réunissent pour développer des normes européennes. L’ISO, l’organisme de normalisation international adopte une définition similaire : les normes comme ‘des documents établis par consensus et approuvés par un organisme reconnu qui propose, pour un usage répété et commun, des règles, lignes de conduites ou caractéristiques pour des activités ou leurs résultats, visant à atteindre le degré maximum d’ordre dans un contexte donné’.
Il y existe de nombreuses manières de classifier les normes. Les plus utilisées sont les suivantes :
• Du point de vue du contenu :
- Normes fondamentales : Vocabulaire, symboles, signes
- Normes de spécifications : Produits/Services
- Normes de méthodes d’essais : Méthodes d’essais, d’analyse
- Normes d’organisation : Systèmes de management, logistique, maintenance
• Du point de vue structurel :
- Normes de performances (ou de résultats, voire « performantielles »)
- Normes de moyens (ou descriptive)
De manière croissante, d’un point de vue structurel, les normes sont aujourd’hui basées sur la performance, cela signifie qu’elles ne prescrivent pas telle ou telle technologie mais qu’elles indiquent plutôt des détails de la performance exigée. Ce type de norme laisse le soin au marché de développer des solutions sur la façon de réaliser la performance demandée, y compris la solution technologique, les processus mais aussi les matériaux utilisés.
2. Le rôle des normes dans les marchés publics en vue de promouvoir l’innovation
Les acheteurs publics utilisent souvent des normes. En revanche, le consortium Steppin a pu observer que les acheteurs publics ne sont pas naturellement amenés à acheter de l’innovation. Ces derniers ont en effet pour mission d’acheter une solution à un problème. Par conséquent, utiliser les normes comme vecteur d’innovation n’est pas leur première préoccupation.
Exemple : Message de signalisation variable sur les autoroutes au Royaume-UniSeule une gamme limitée de conseils et d’informations sur l’état du trafic pouvait être diffusée sur les panneaux le long des autoroutes car aucune norme ne permettait d’atteindre le flux nécessaire de transmission de données. Après la publication d’une norme, le marché a développé un système de signalisation routière hautement flexible qui est maintenant utilisé dans le monde entier.
Exemple : Une agrafeuse pour ménager de l’espace
Le papier agraffé prend plus d’espace dans les chemises que le papier non agrafé. Le développement d’une agrafeuse économe en espace est un exemple de produit innovant où l’innovation a consisté à améliorer la technique en utilisant jusqu’à 30 % d’espace en moins dans les chemises. Cette innovation a été lancée par un marché public.
Une innovation de produit est l’introduction de nouveaux biens ou services, ou sensiblement amélioré(s), par leurs caractéristiques ou leurs destinations. Cela comprend des améliorations dans les composants et les matériaux, le logiciel incorporé, la facilité d’emploi ou d’autres caractères fonctionnels. Une innovation de processus est l’application des méthodes nouvelles ou sensiblement améliorées de production ou de livraison. Celles-ci comprennent les changements sensibles de la technique, de l’équipement et/ou du logiciel.
Ce manuel a été développé pour sensibiliser les acheteurs à l’idée que des normes peuvent être utilisées pour appuyer l’innovation dans de nombreux cas. Cela ne signifie pas que les normes entraînent systématiquement l’innovation, ni que les solutions innovantes peuvent être obtenues uniquement grâce aux normes. Cependant, quelques groupes de normes, en particulier les normes performantielles, peuvent aider à stimuler de nouvelles solutions et répandre des innovations.
Ce manuel indiquera comment utiliser des normes de la manière la plus profitable, comment améliorer la procédure d’attribution et comment développer des innovations.
La promotion de l’innovation par l’utilisation des normes devrait être encouragée dans tout le cycle de vie du marché public et du contrat. Mais le plus grand potentiel pour que les normes soutiennent l’innovation survient en amont, lors de la définition des besoins. Par l’application d’une seule ou de toute une série de normes, des procédés innovants ont pu être développés par les entreprises soumissionnaires.
De plus l’utilisation à bon escient des normes peut également étendre le nombre d’opérateurs potentiellement soumissionnaires, et l’augmentation du nombre d’entreprises en concurrence aura aussi pour effet d’encourager celles-ci à développer des solutions innovantes pour devancer les concurrents.
Les normes permettent également de réduire les risques pour des entreprises actives en R&D et peuvent ainsi stimuler l’innovation. Mais une innovation réussie passe aussi par la diffusion de produits innovants. Par conséquent, l’utilisation de normes, et menant à l’achat public de produits innovants et justifiée par des perspectives de réduction des coûts ou de diminution des risques, promeut donc également l’innovation.
Dans les marchés publics, les normes peuvent être un outil pour l’acheteur afin de l’aider à définir et communiquer ses besoins, à rédiger ses cahiers des charges ou encore à établir des critères de sélection. L’acheteur peut ainsi utiliser des normes avant que l’achat ait lieu, pendant l’exécution du marché lui-même, ou même après. Des normes peuvent être mises au point sur différents problèmes et challenges auxquels un acheteur peut être confronté lorsqu’il souhaite acquérir des produits innovants.
Le ratio et l’impact économiques résultant de la combinaison de l’achat, de l’innovation et des normes peuvent être bénéfiques à l’acheteur aussi bien qu’à la société et à l’économie dans leur ensemble.
Les normes peuvent être utilisées dans toutes les étapes d’un marché public
L’organigramme suivant est une manière d’illustrer les opportunités liées à l’utilisation des normes dans le processus d’achat en vue de stimuler l’innovation. Celles-ci sont divisées en trois phases, couvrant la période avant l’achat, pendant l’achat et après.
GRAPHIQUE : Phases de la commande publique
2.1 Avant l’achat
Exemple : faire référence aux performances au lieu de décrire un produit
Se référer au nombre de pages imprimées par minute au lieu de définir un produit spécifique
Pour les normes qui n’ont pas été développées par un organisme reconnu et/ou ne sont pas accessibles au public, les droits appropriés de propriété intellectuelle doivent être examinés afin d’éviter toute discrimination qui peut avoir comme conséquence de restreindre fortement le nombre d’offres soumises à l’acheteur. Cette prudence est particulièrement importante dans la mesure où sur un marché monopolistique ou quasi-monopolistique, l’utilisation de cette norme pourrait se traduire par des prix plus élevés par rapport à un marché plus compétitif.
Afin de favoriser les solutions innovantes, c’est-à-dire, tant le développement des produits innovants par les entreprises que la diffusion de ces produits, l’acheteur devrait de préférence utiliser des normes performantielles, en d’autres termes, des spécifications définissant le rendement désiré. On peut par exemple préciser le nombre de pages imprimées par minute, au lieu d’utiliser des normes descriptives de produits.
Après ce procédé préliminaire de sélection, les normes sélectionnées devraient être communiquées aux éventuels candidats avant la publication de l’AAPC. Dans le document de consultation, la référence à des normes servira à définir des conditions de compatibilité et de performance du marché.
Planification à long terme en utilisant des normes et en impliquant des utilisateurs
Un enjeu clé pour l’acheteur est de communiquer des objectifs à long terme à un grand nombre de soumissionnaires potentiels. En assurant une stabilité à long terme au développement technique, les normes peuvent être particulièrement bénéfiques pour la collectivité ou l’établissement qui cherche à acheter stratégiquement sans prendre le risque d’être trop fortement lié à une entreprise définie. En utilisant des normes, l’acheteur peut suivre un circuit technologique déjà établi et choisir un ensemble de technologies résolvant un problème spécifique inclus dans un ensemble de normes. Il obtiendra ainsi les solutions les plus innovantes, évitant le risque d’incompatibilités ou de frictions liées à l’utilisation de nouvelles technologies. Généralement, les acheteurs qui cherchent ces avantages retiennent deux approches.
Ils peuvent, soit sélectionner un ensemble de normes de leur propre initiative en utilisant des outils et des stratégies évoquées dans ce manuel, soit solliciter des parties prenantes très en amont en respectant une pleine transparence, ou encore employer un mélange des deux stratégies pour atteindre un impact positif maximum. Dans certains cas l’acheteur peut utiliser des normes comme outil de marché, notamment lorsqu’il est confronté à des demandes peu communes, de nouveaux types de produits ou d’achats, ou lorsqu’il veut mettre en œuvre une nouveauté technique sans prendre trop de risque.
Plus un marché est problématique, plus la solution pourra être innovante et l’acheteur aura intérêt à faire intervenir l’utilisateur en amont. À la différence de l’implication « régulière » de l’utilisateur, qui pourrait être sujette à l’influence des personnes impliquées au détriment de celles qui ne le sont pas, l’acheteur peut utiliser les normes pour maintenir une concurrence réelle entre les opérateurs et, en même temps, pour rassembler des informations appropriées pour le marché.
En ayant recours aux normes en amont du marché, l’acheteur s’assure que les opérateurs n’essaieront pas de promouvoir à mauvais escient leurs solutions ou produits « propriétaires », privant de ce fait les spécifications de leur propre intérêt. Les normes représentent le résultat d’un procédé de consensus et sont disponibles à coût modéré pour l’ensemble des candidats potentiels. Aux étapes suivantes de la procédure d’attribution, ceci mènera à un marché plus concurrentiel dont l’acheteur tirera bénéfice.
Quelques questions à considérer :
• Si vous êtes confronté à un marché problématique, faites participer les utilisateurs en amont dans le processus. Employez des normes pour recueillir des informations sans distorsion de la concurrence aux étapes suivantes.
• Consultez des opérateurs économiques et les fédérations d’entreprises, par exemple, au moyen de conférences de fournisseurs, pour permettre à ceux-ci de vous guider dans le choix des normes appropriées et vous informer sur la faisabilité et les coûts, cela permettra de vous assurer qu’ils pourront répondre à vos marchés. Comprendre le marché, l’environnement des normes appropriées avec lesquelles il fonctionne, les entreprises impliquées et leurs capacités à répondre aux normes est une démarche importante et encourageante pour l’innovation.
• Comprendre le marché ou connaître les normes qui le concernent ainsi que les entreprises existantes et leurs capacités est un premier pas pour encourager l’innovation du fournisseur.
• Une prudence particulière est nécessaire en ce qui concerne la participation en amont du fournisseur. Il s’agira de traiter de la sélection des normes avec les opérateurs économiques sur une base ouverte et équitable. Afin d’éviter des accusations postérieures de favoritisme, et maintenir une concurrence saine, il faut prendre garde à ne pas enfermer les marchés dans une solution particulière. Tenez bien compte du lien entre les normes et les droits de propriété intellectuelle.
Les acheteurs peuvent également employer d’autres sources pour sélectionner des normes que l’implication des parties prenantes. Si l’acheteur est confronté à un marché avec peu de grandes entreprises dominantes et un nombre élevé de petites et moyennes entreprises, l’utilisation d’autres sources telles que des bases de données de normes peut être avantageuse. Ici, l’acheteur peut se reposer sur le caractère consensuel des normes. Les effets positifs des normes sont semblables à ceux du dialogue en amont. Cette approche est plus recommandée quand le marché est peu problématique, quand la structure de l’industrie et la concurrence sont bien connues de l’acheteur, ou quand celui-ci cherche à augmenter la concurrence. Lorsqu’on souhaite s’ouvrir à un domaine pour lequel un grand nombre de marchés publics sont prévus, la meilleure stratégie est celle qui mêle, d’une part, la participation en amont des utilisateurs et fournisseurs afin de définir un point de départ commun et d’autre part, une utilisation des sources de données externes qui permettront une mise à jour continuelle des normes. Cette stratégie aide également à accélérer les procédés de préparation sur le long terme.
Quelques suggestions pratiques :
• Identifiez un ensemble de normes appropriées. Vérifiez régulièrement les nouvelles normes ainsi que les nouvelles versions des normes utilisées dans vos domaines d’activité.
• Utilisez régulièrement les normes comme indications aux soumissionnaires potentiels. Ceci donnera un signal non seulement aux entreprises dominantes, mais également aux plus petites entreprises innovantes.
• Employez les normes pour établir une stratégie cohérente avec un programme à long terme.
2.2 Pendant l’achat
Après la réception des offres, l’évaluation des propositions peut être réalisée plus efficacement et objectivement en s’appuyant sur les normes référencées. D’une part, si ces normes référencées ne sont pas prises en compte dans les offres, celles-ci ne sont pas sélectionnées. D’autre part, la qualité, ou la rentabilité, des propositions répondant aux exigences minimum imposées par des normes, pourra donc être mesurée plus efficacement en utilisant cette base. L’évaluation pourra bien sûr englober les solutions innovantes surpassant les conditions minimales ainsi établies.
Chaque marché comprend des phases de préparation des cahiers des charges, de publication et de sélection. Dans chaque phase, les normes peuvent être utiles en agissant en tant que guides pour la préparation et l’évaluation des propositions.
Les normes peuvent également engendrer des effets bénéfiques sur la concurrence en facilitant la participation des PME et en même temps en aidant à la gestion des marchés.
Participation des petites et moyennes entreprises (PME)
De petites entreprises innovatrices n’ont pas toujours les moyens de participer à la création d’une norme, mais la référence aux normes peut néanmoins leur offrir l’opportunité de répondre avec succès à un marché.
D’autre part, les PME sont souvent exclues des marchés du fait d’un manque de capacité lié à leur taille modeste, dès lors leur potentiel innovant ne peut pas être exploité. Diviser le marché en lots peut donner aux PME la possibilité de participer. D’autre part, les acheteurs publics peuvent encourager des opérateurs importants à former des alliances avec de plus petites entreprises innovantes. Dans les deux situations, la référence aux normes peut aider à combiner les activités des petites entreprises, ou les consortiums de grandes et petites entreprises, ce qui favorise indirectement l’innovation.
Caractéristiques d’entrée et de rendement
Beaucoup de normes comprennent des indications sur les pièces et composants utilisés, et permettent donc d’ouvrir le marché à des produits bien établis comme à des produits innovants. Cependant, d’autres types de normes définissent des processus et même la performance des produits. Dans une perspective d’innovation, les caractéristiques de rendement et de résultat ou l’émergence d’un problème spécifique, poussent les opérateurs à proposer de nouvelles solutions. Ainsi, la référence aux normes peut jouer un rôle dans un marché conçu dans une logique de résultat.
• Les normes peuvent fournir la base, ou le cadre, pour les solutions innovantes
• Les spécifications de certains composants peuvent engendrer des économies d’échelle, mais n’empêchent pas intrinsèquement les solutions innovantes, par exemple pour un système entier.
• En offrant aux fournisseurs la liberté de soumettre des offres innovantes, les acheteurs devraient indiquer, la conformité à certaines normes le cas échéant, par exemple pour assurer la compatibilité avec les composants ou l’infrastructure existante.
Accepter des variantes
La référence faite aux normes dans les marchés publics peut être vue en tant que base et non pas en tant que spécifications définies et irrévocables. Pour cette raison, les soumissionnaires devraient être activement encouragés à soumettre des variantes aux spécifications proposées. Il s’agit là d’un des moyens les plus simples de laisser la porte ouverte à l’innovation.
Sélection des offres
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent encourager des fournisseurs à être novateurs en suggérant de nouvelles normes, ou des améliorations aux normes initialement référencées dans l’offre.
Les techniques comprennent l’utilisation de plans d’amélioration continue et de plans de suggestion des opérateurs semblables aux « plans de suggestion du personnel » (staff suggestion schemes) tels qu’ils sont largement appliqués. Afin de tenir compte d’une telle flexibilité à l’égard de l’innovation dans le marché, des dispositions doivent être établies dans le DCE dès le départ.
Les considérations économiques ne font pas nécessairement obstacle aux solutions innovantes. C’est également vrai pour les marchés publics dans la mesure où l’attribution se fait en fonction non pas du prix le plus bas mais du rapport qualité/prix qui est défini comme « la combinaison optimale des coûts de durée de vie et de la qualité pour répondre aux exigences des utilisateurs ». Parfois des problèmes émergent dans la définition et l’évaluation de la qualité exigée. Ici encore, une norme peut être utilisée comme base. La meilleure solution pourra même venir d’une innovation basée sur des normes plus ambitieuses. Au début du marché, les spécifications appuyées par des normes peuvent refléter un besoin de solution innovante, sujet aux règles habituelles de rentabilité de la dépense publique. À l’étape de l’attribution, la valeur provenant des aspects novateurs de l’offre peut également être intégrée à l’évaluation finale.
2.3 Après l’achat
Pendant le délai d’exécution du marché, il existe un risque de produits défectueux ou de pannes de systèmes ou blocage de processus. Ces problèmes sont plus facilement résolus si les personnes contractantes peuvent se rapporter à des normes spécifiées dans le marché. De plus, les normes fournissent un degré de certitude souvent invoqué dans les cas où la responsabilité d’un opérateur ou d’un pouvoir adjudicateur est mise en cause.
Généralement, les normes peuvent jouer un rôle important dans le marché en augmentant l’efficacité des procédures, en réduisant le risque pour l’acheteur et les entreprises habituellement associées aux solutions innovantes, en fournissant des critères objectifs de base pour la rentabilité des marchés publics, mais aussi en aidant à développer et diffuser des innovations via les marchés publics.
La Normalisation présente les caractéristiques suivantes :
• Le processus aboutit à la publicité de normes et d’autres documents réunissant un consensus plus restreint, tels que les dispositifs conventionnels élaborés au cours de journées d’études. Les normes sont proposées au public de manière gratuite ou payante. L’application des normes peut être gratuite, ou, dans certains cas, sujette au paiement de redevances aux propriétaires des droits de propriété intellectuelle.
• L'utilisation des normes reste volontaire. Les normes peuvent non seulement aider l'acheteur pendant les procédures, mais elles peuvent également avoir des effets bénéfiques pour l’acheteur après l’exécution du contrat.
Pourquoi les normes stimulent l’innovation, 7 raisons :
1. Les normes peuvent participer à la diffusion de produits innovants, ce qui est très important pour l’impact économique de l’innovation.
2. Les normes nivellent le terrain et promeuvent de ce fait la concurrence et l’innovation.
3. Les normes sont cruciales pour l’innovation dans les industries de réseaux, puisque les normes de compatibilité sont la base pour les réseaux de communication.
4. Les normes sont cruciales pour la substitution d’une nouvelle technologie à une ancienne, car (aussi bien en amont qu’en aval), la compatibilité permet la coexistence d’anciennes et de nouvelles technologies (ex : GSM et UMTS), ce qui est nécessaire pour permettre l’adoption d’une nouvelle technologie.
5. Les normes sont essentielles en ce qui concerne la définition de nouvelles technologies de plateformes, qui sont la base pour la compétition et l’innovation dans les marchés en aval (c’est-à-dire le GSM vu comme une plateforme pour de nombreux services de mobiles)
6. Les normes reflètent également les besoins des utilisateurs et promeuvent dès lors l’achat, c’est-à-dire la diffusion de nouveaux produits par les « pionniers »
7. Les normes établissent des critères minimum sur les aspects environnementaux, de sécurité ou de santé et augmentent dès lors la confiance dans des produits innovants et potentiellement plus risqués. Cela facilite l’utilisation pour les premiers utilisateurs et rend les nouveaux produits plus attrayants pour un large public.
Coûts d’entretien
Dans certains cas, les prix d’achat représentent seulement une petite fraction du coût global d’une technologie. Le coût d’entretien peut de loin dépasser le coût de l’achat sur le long terme et être une charge considérable L’intégration des normes peut aider à réduire les coûts de dépannage et d’entretien. La stabilité à long terme des normes, aussi bien que leurs effets pro-concurrentiels, jouent donc un rôle déterminant. Les deux effets, pris ensemble, peuvent également garantir que la maintenance sera toujours possible mais aussi que la concurrence pourra aider l’acheteur à choisir parmi une gamme de soumissionnaires potentiels. Enfin, cela permettra de mener une stratégie d’achat cohérente en mettant en référence les normes utilisées dès le début du processus. Cela est particulièrement vrai quand l’acheteur a acquis une technologie ayant un long cycle de vie.
Dans certains domaines, ce bénéfice s’appliquera également aux produits ayant des cycles de vie courts. C’est le cas quand un degré élevé de nouvelles améliorations coïncide avec de forts besoins de compatibilité. C’est souvent le cas dans le domaine des TIC mais cela peut également s’appliquer à d’autres activités.
• Les normes peuvent ramener des coûts d’entretien à un niveau stable à long terme.
• On retrouve la même logique pour des produits aux cycles de vie longs : plus les normes sont importantes dans une industrie, plus leur effet sur des coûts d’entretien est important.
Partage des risques et des bénéfices
Conseil :
Pour gérer le risque dans le processus d’achat, les normes d’interopérabilité peuvent vous être utiles.
Le risque doit être raisonnablement réparti et avoir comme contrepartie des bénéfices communs. La récompense de tout « plan de suggestion » est un facteur de motivation pour les opérateurs. D’autre part, la référence aux normes est un instrument efficace pour réduire les risques liés aux solutions innovantes pour l’acheteur public et le fournisseur. L’acheteur public réduit la gamme des qualités possibles dans les offres. Le fournisseur se couvre contre toute mise en cause de sa responsabilité en cas d’accident ou de dommage.
En résumé, la référence aux normes réduit le risque général pour les acheteurs publics et les fournisseurs de solutions innovantes, ce qui offre un espace de liberté supplémentaire pour des solutions bien plus novatrices.
Propriété intellectuelle et effet d’équilibrage des normes
Quand un marché public génère une forte innovation, l’entreprise et l’acheteur souhaiteront protéger cette innovation avec des droits de propriété intellectuelle (DPI). Il s’agit d’un aspect très sensible, mais également ambivalent, dans les marchés publics visant des produits innovants. Généralement les DPI devraient finalement revenir à la partie qui est la mieux à même de l’exploiter. En effet, ces droits ne devraient pas toujours être attribués à l’acheteur. Mais il faut également tenir compte du fait que l’attribution des DPI aux opérateurs peut avoir un effet de réduction de la concurrence. Quoi qu’il arrive, les organismes du secteur public doivent faire attention à ne pas diffuser un produit dont les DPI n’ont pas été achetés par le secteur public, à d’autres entreprises. Cette démarche serait illégale, et découragerait l’innovation dans le futur. L’interconnexion entre le DPI et les normes peut être employée pour fournir des options supplémentaires, qui pourraient être plus efficaces qu’un système sans normes.
Le rôle du DPI dans les normes est plutôt ambivalent et controversé (Blind et autres. 2002). Dans un objectif de diffusion de l’innovation, il est plus efficace de proposer des normes considérées comme des biens publics et donc gratuites – lorsqu’une partie des spécifications est couverte par des brevets ou tout autre DPI. Les normes formelles doivent être qualifiées selon la clause dite « RAND » (raisonnable et non discriminatoire), qui nivelle le terrain pour les concurrents potentiels, mais permet aux détenteurs de brevets - contrairement au système de la gratuité - d’obtenir des revenus de licence en incorporant leurs technologies innovantes dans des normes formelles.
Les normes représentent donc un compromis entre allouer totalement les DPI au fournisseur ou les attribuer exclusivement à l’acheteur public. L’utilisation des normes conformément à la clause RAND est par ailleurs intéressante pour le secteur public, puisque dans d’autres marchés il est probable que d’autres fournisseurs soient en mesure de faire des offres, ce qui ne serait pas le cas si le fournisseur originel maintenait l’exclusivité de ses DPI. Cela prévient donc tout verrouillage du marché par un fournisseur. Au-delà de cet effet d’équilibrage, l’utilisation des normes formelles selon la clause RAND comme base de développement futur des activités innovantes est certainement une meilleure solution que d’accorder l’exclusivité des droits au seul secteur public ou au seul fournisseur. D’une manière générale, le secteur public, soit n’a pas d’intérêt à l’exclusivité, soit fera face à des obstacles juridiques, lors de la commercialisation du DPI au secteur privé. De son côté, le fournisseur possédant les DPI exclusifs, suivrait certainement une stratégie de profit maximum, qui peut mener soit à renoncer à tout système de licence soit à opter pour des licences à coût très élevé.
En conclusion, dans les deux cas, la diffusion de la technologie innovante ou du produit protégé par des DPI sera restreinte et la dynamique innovatrice à long terme du secteur d’activité sera réduite.
2.3.1 Les normes dans le DCE
GRAPHIQUE
Le consortium Steppin a étudié 531 documents de consultation pour identifier si des normes étaient utilisées dans des procédures de marchés publics et, dans l’affirmative, quelles normes avaient été explicitement référencées. Il a été observé que des normes ont été souvent explicitement utilisées dans les procédures de marchés publics, principalement pour décrire les spécifications des produits ou poser des conditions minimum.
GRAPHIQUE
La plupart des marchés étudiés étaient des appels d’offres ouverts, la procédure d’attribution allant de un à neuf mois. Il faut noter que la définition des besoins était réalisée par les services achats des pouvoirs adjudicateurs en question. Dans la majorité de ces organismes, aucun procédé systématique ou régulier n’avait été établi pour contrôler et suivre les développements technologiques ou économiques, ni même le développement de nouvelles normes. En général, la priorité était donnée à des spécifications techniques ou de conformité et non pas à des spécifications performantielles ou fonctionnelles.
3. aspects juridiques
Ce chapitre décrit le cadre des marchés publics, sous l’angle de l’utilisation des normes. Le droit des marchés publics est constitué par l’accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le droit communautaire et la législation nationale.
Dans la dernière partie de ce chapitre, l’accent sera mis sur les opportunités pour les acheteurs publics de favoriser l’innovation par l’utilisation des normes lors des différentes phases de la procédure de marché.
3.1 Terminologie
Les termes « soumissionnaire » et « opérateur économique » sont employés dans tout ce chapitre pour désigner les trois catégories de personnes ou d’entreprises qui peuvent soumissionner à un marché public, qu’il s’agisse d’un marché de fournitures, de travaux ou de services.
Les termes « pouvoir adjudicateur », « acheteur public », « service public » se rapportent à l’entité publique qui se destine à acheter certains produits, travaux ou services.
3.2 Règles internationales applicables aux caractéristiques et aux normes techniques
L’AMP est l’accord de l’OMC qui prévoit l’ouverture à la concurrence des marchés publics dans les États signataires. L’accord réalise cet objectif en étendant les principes de non-discrimination du GATT (la nation la plus favorisée et le traitement national) et de transparence aux procédures de marché par les entités publiques. Puisque c’est un accord plurilatéral, l’AMP s’applique seulement aux parties signataires. Il s’agit d’un ensemble de dispositions négociées bilatéralement et relatives aux entités publiques, aux marchandises et aux services (services y compris de construction) concernés. L’annexe I détermine le champ d’application de l’AMP, en spécifiant les entités publiques couvertes, les marchandises et les services concernés ainsi que les seuils au-dessus desquels l’AMP s’applique. La Communauté européenne (CE) a inclus dans le champ d’application des directives les mêmes entités publiques que celles visées par l’AMP. Par contre, les services mentionnés en annexe II B de la Directive 2004/18/EC sont complètement exclus de l’AMP.
En ce qui concerne l’utilisation des normes dans les marchés, l’AMP indique sa préférence pour des conditions exprimées en termes de performance et pour l’usage des normes internationales. L’article VI 2 relatif aux caractéristiques techniques dispose :
Les spécifications techniques prescrites par des entités contractantes seront, s’il y a lieu,
a) définies en fonction des propriétés d’emploi du produit plutôt que de sa conception ou de ses caractéristiques descriptives ; et
b) fondées sur des normes internationales, dans les cas où il en existe, sinon sur des règlements techniques nationaux, des normes nationales reconnues ou des codes du bâtiment.
La Communauté européenne a inclus ces dispositions dans les directives marchés publics (directive « classique » 2004/18/EC et directive « secteurs spéciaux » 2004/17/EC). Le considérant 7 de la directive 2004/18/CE précise que les pouvoirs adjudicateurs agissent en conformité avec l’AMP lorsqu’ils appliquent les dispositions de la directive aux opérateurs économiques issus de pays tiers signataires. Néanmoins, les opérateurs économiques des pays tiers n’ont pas accès aux instances de recours européennes, car ils ne sont pas couverts par les directives marchés publics. Le considérant 7 dispose également que l’AMP n’a pas d’effet direct, ce qui signifie que les opérateurs économiques des pays tiers ne peuvent pas invoquer les dispositions de l’AMP devant les cours nationales. Le seul recours laissé aux opérateurs économiques des pays hors-UE est le mécanisme de règlement des conflits de l’Organisation mondiale du commerce.
3.3 Droit communautaire applicable au cahier des charges techniques
Le droit européen des marchés publics est principalement constitué par la directive « secteurs classiques » (2004/18/EC) et la directive « secteurs spéciaux » (2004/17/EC). Les directives visent les procédures pour l’achat de fournitures, de services et de travaux par des organismes publics. Ces procédures doivent être respectées pour tout marché dont la valeur excède les seuils prévus dans les directives, à moins qu’une exception soit prévue. Les marchés entrant entièrement ou partiellement hors du champ d’application des directives, doivent encore être conformes au Traité CE. De plus, les dispositions du Traité CE sur la libre circulation et les principes qui en découlent s’appliquent aux marchés qui n’entrent pas dans le champ d’application des directives, dès lors que les directives ne procèdent pas à une harmonisation exhaustive de certains aspects de la commande publique (Hi, C-92/00 ; Coname, C-507/03).
Les directives « marchés publics » encadrent les procédures à suivre pour acheter des fournitures, des services ou des travaux, mais elles ne prescrivent pas les caractéristiques spécifiques des produits ou des services à acheter. Pour certains produits, les « directives Produits » de la Communauté prévoient des conditions obligatoires en rapport avec leurs risques sanitaires, environnementaux, etc. Plusieurs centaines de normes harmonisées ont été développées sur la base de ces conditions. Ainsi, les « directives produits » de la Communauté influencent ce que l’acheteur public peut acheter, d’où l’importance de comprendre l’interaction des règles de marché (procédurales) avec les conditions des « directives produits (matérielles). S’agissant des produits qui ne sont pas couverts par les normes issues des « directives produits », le principe de reconnaissance mutuelle s’applique. Ce principe indique qu’un État Membre ne peut pas refuser des produits ou des services légalement produits et/ou commercialisés dans un autre État Membre, à moins d’arguer d’un motif d’intérêt public.
3.3.1 Législation communautaire sur les spécifications
La restriction au commerce résultant de différentes normes ou spécifications nationales applicables aux produits est l’un des problèmes les plus significatifs que la Commission européenne a rencontré en créant le marché commun européen. En réponse à ce problème, elle a d’abord choisi d’introduire des normes détaillées dans les directives. Cette approche s’est avérée très longue et particulièrement lourde en cas d’amendements. Au milieu des années 80, la Communauté a opté pour une stratégie alternative, appelée la « nouvelle approche ». Désormais, les directives européennes visent seulement des « exigences essentielles », c’est-à-dire des conditions larges de performance, dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la protection des consommateurs, etc. Les directives préconisent l’adoption de normes européennes sur la base de ces « exigences essentielles » par l’intermédiaire des organismes de normalisation européenne (CEN, CENELEC et ETSI).
Le processus de normalisation permet de développer des critères plus détaillés pour chaque produit et les normes contiennent habituellement des éléments supplémentaires agréés par les parties prenantes. Une fois adoptées, ces normes sont éditées dans le JOUE. La date de leur publication marque le point de départ de la présomption de conformité avec la directive.
Les normes ne sont pas obligatoires car elles sont seulement une solution parmi d’autres pour satisfaire aux exigences essentielles. Si une entreprise applique d’autres spécifications techniques pour répondre aux exigences essentielles, elle peut prouver leur conformité en appliquant l’un des mécanismes d’évaluation visés par les directives. Le marquage CE des produits couverts par les directives « nouvelle approche » est obligatoire. Ce marquage garantit la conformité avec les exigences essentielles, indépendamment du fait de savoir si le produit applique la norme prescrite par la directive ou toute autre spécification technique conforme aux exigences essentielles.
Les directives « nouvelle approche » sont des directives d’harmonisation totale. Ceci signifie que les États Membres ne peuvent pas déroger aux conditions essentielles adoptées sur la base de niveaux élevés de protection. D’ailleurs, les États Membres ne peuvent pas refuser des produits ou des services marqués CE pour des raisons d’insuffisance technique, à moins de suivre la procédure prévue par la directive. Il existe aujourd’hui 25 directives « nouvelle approche » et quelques centaines de normes harmonisées, créées dans ce cadre (voir le site www.newapproach.org).
3.3.2 Obligations du Traité en matière de spécifications
L’impact du Traité CE sur les marchés publics dérive de la liberté circulation. Le traité a un impact significatif dans le domaine des marchés publics, pour deux raisons. Premièrement, comme la CJCE l’a suggéré dans la jurisprudence Unix, l’utilisation d’une spécification dans un marché peut engendrer une violation du Traité.
Deuxièmement, la CJCE a confirmé dans sa jurisprudence que le Traité s’appliquait aux marchés publics entrant ou n’entrant pas dans le champ d’application des directives, si ces dernières ne procédaient pas à une harmonisation exhaustive de la matière. Dans la jurisprudence Beentjes, la cour a précisé que les directives marchés publics n’étaient pas un code complet régulant tous les aspects des marchés publics. Les droits nationaux en matière de marchés publics et les pratiques qui en découlent, peuvent venir compléter ces règles à condition qu’ils soient conformes aux dispositions des directives et du Traité. Néanmoins, les obligations issues des directives ne concernent pas les marchés expressément exclus de leurs champs d’application. Ceux-ci n’ont donc pas à respecter les obligations des directives ni celles issues du Traité1. Par exemple, les marchés sans publicité préalable, utilisés pour des contrats hors du champ d’application des directives, sont exemptés de l’obligation de publicité, à condition que cela soit justifié au regard des dispositions des directives. Enfin, il convient de noter que les marchés hors du champ d’application des directives ne peuvent faire l’objet d’un recours qu’« au cas où de tels marchés auraient un intérêt transfrontalier certain ». (Affaire C-507/03, Commission v Irlande)
Au-delà des dispositions du Traité concernant la libre circulation, quelques principes dérivés s’appliquent également aux marchés :
• Le principe de l'égalité de traitement implique que des soumissionnaires dans des situations analogues ne devraient pas être traités différemment alors que des soumissionnaires dans des situations différentes ne devraient pas être traités de la même manière. Par exemple, les spécifications précisées par le pouvoir adjudicateur doivent être appliquées et respectées de la même manière par tous les candidats.
• Le principe de non-discrimination interdit toute discrimination fondée sur l’origine ou la nationalité. Un pouvoir adjudicateur ne peut pas utiliser les spécifications ou les normes pour privilégier une entreprise locale.
• Le principe de reconnaissance mutuelle a été développé dans l’affaire de Cassis de Dijon (C-120/78). Il a été utilisé pour compléter la stratégie de la Commission européenne concernant les spécifications et les normes, pour ce qui est des produits et des services qui ne sont couverts ni par les directives « nouvelle approche » ni par les directives précédentes. Ce principe empêche des États Membres de refuser des biens ou des services légalement produits et commercialisés dans un autre État Membre, à moins que cela ne soit justifié, dans le respect du principe de proportionnalité, par l’art 30 du Traité CE ou par les exceptions développées par la jurisprudence de la CJCE (comme par exemple : l’efficacité de la surveillance fiscale, la protection des consommateurs, l’équité dans les transactions commerciales ou la protection de l’environnement). Le principe a été expressément repris dans les directives marchés publics : le pouvoir adjudicateur doit accepter une preuve équivalente de la conformité établie par un organisme reconnu. En ce qui concerne la formulation des spécifications techniques, la règle générale est que le pouvoir adjudicateur ne peut pas refuser les produits/services qui sont en tout point conformes aux exigences fonctionnelles ou de performance. Il n’est pas clairement indiqué si un pouvoir adjudicateur peut rejeter les produits qui ne satisfont pas tout à fait aux exigences indiquées. D’une manière générale, un cahier des charges, sauf s’il renferme des mesures protectionnistes, ne crée pas d’entraves au commerce et n’a donc pas à être justifié.
• Le principe de proportionnalité signifie que le pouvoir adjudicateur ne doit pas se référer à des exigences plus importantes que celles réellement justifiées par le marché.
• Le principe de transparence a été déduit par la Cour de Justice européenne (CJCE) du principe de non-discrimination. Pour des marchés entrant dans le champ d’application des directives, le principe de transparence concerne l’obligation du pouvoir adjudicateur de fournir aux soumissionnaires potentiels des informations sur le marché et la méthode d’attribution. Pour des marchés hors du champ d’application des directives, le principe de transparence est limité à une obligation de publier les détails essentiels du marché et la méthode d’attribution assortie d’une invitation à contacter le pouvoir adjudicateur2.
3.3.3 Les spécifications dans les directives « marchés publics »
A. Approche
L’objectif initial du droit européen des marchés publics était d’ouvrir les marchés publics nationaux et d’assurer la libre circulation des marchandises et des services dans l’UE. Ainsi, la Commission a d’abord encouragé l’utilisation des normes européennes dans le marché intérieur afin de « niveler le terrain ». Elle préconisait aux pouvoirs adjudicateurs d’acheter des produits ou des services conformes à ces normes. Cependant, la Commission européenne a récemment observé que les marchés publics avaient le potentiel de promouvoir l’innovation. Elle a donc décidé de poursuivre ce nouvel objectif. L’intérêt croissant de la Commission européenne à ce sujet s’est illustré dans les amendements apportés aux nouvelles directives « marchés publics ». Ceux-ci vont dans le sens d’une flexibilité accrue au bénéfice des pouvoirs adjudicateurs.
Les nouvelles directives « marchés publics » offrent aux acheteurs publics une certaine liberté dans l’utilisation des spécifications afin de promouvoir l’innovation, mais elles ne précisent pas comment les normes devraient être utilisées à cette fin. Par conséquent, la responsabilité relative au choix du moment approprié pour sélectionner les normes, au choix de la norme pertinente, au choix de la manière d’utiliser la norme au cours de la procédure de passation du marché, incombe au pouvoir adjudicateur. Celui-ci doit en même temps respecter les principes généraux des marchés publics et le Traité CE. Ce manuel est donc destiné à aider le pouvoir adjudicateur dans ces choix.
B. Dispositions sur les spécifications
Les directives « secteurs classiques » et « secteurs spéciaux » encadrent la formulation des spécifications techniques. Ce chapitre ne traitera que de la première directive.
« Les spécifications techniques « sont les caractéristiques d’un produit ou d’un service que le pouvoir adjudicateur souhaite acquérir. L’annexe VI de la directive, paragraphe 1B fournit une liste non-exhaustive des spécifications techniques possibles :
« les caractéristiques requises d’un produit ou d’un service, telles que les niveaux de qualité, les niveaux de performance environnementale, la conception pour tous les usages (y compris l’accès aux personnes handicapées) et l’évaluation de la conformité, de la propriété d’emploi, de l’utilisation du produit, sa sécurité ou ses dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essais, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, les instructions d’utilisation, les processus et méthodes de production, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité »
Les principes applicables aux spécifications techniques (non-discrimination, égalité de traitement, transparence) sont définis dans la clause 29 du préambule :
« Les spécifications techniques établies par les acheteurs publics devraient permettre l’ouverture des marchés publics à la concurrence. À cet effet, la présentation d’offres reflétant la diversité des solutions techniques doit être possible. Pour ce faire, d’une part, les spécifications techniques doivent pouvoir être établies en termes de performance et d’exigences fonctionnelles, et, d’autre part, en cas de référence à la norme européenne –ou, en son absence, à la norme nationale -, des offres basées sur d’autres solutions équivalentes doivent être prises en compte par les pouvoirs adjudicateurs. »
« Aux fins de démontrer l’équivalence, les soumissionnaires devraient pouvoir utiliser tout moyen de preuve. Les pouvoirs adjudicateurs doivent pouvoir motiver toute décision concluant à la non équivalence. »
« Les spécifications techniques devraient être mentionnées clairement, de façon à ce que tous les soumissionnaires sachent ce que recouvrent les critères établis par le pouvoir adjudicateur. »
et dans l’art 23 :
Le paragraphe 1 indique que des spécifications techniques doivent figurer dans les documents du marché.
Le paragraphe 7 précise l’application du principe de reconnaissance mutuelle : « Les pouvoirs adjudicateurs acceptent les certificats émanant d’organismes reconnus dans d’autres États membres. »
Les règles principales sur des spécifications techniques sont énoncées à l’article 23, paragraphe 3, qui dispose que les spécifications techniques doivent être formulées soit en référence aux normes européennes ou internationales, soit en termes d’exigences fonctionnelles ou de performances. En outre, certaines caractéristiques peuvent être décrites par des normes et d’autres caractéristiques en termes d’exigences fonctionnelles ou de performances. Quand aucune norme européenne ou internationale n’existe, les pouvoirs adjudicateurs doivent formuler des spécifications en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles. Chaque référence à une norme sera suivie des mots « ou équivalent ».
C. Dispositions concernant les moyens de preuves
Le paragraphe 4 de l’art 23 indique que, lorsqu’un pouvoir adjudicateur se réfère à des normes, il « ne peut pas rejeter une offre au motif que les produits et services offerts sont non conformes aux spécifications auxquelles ils ont fait référence, dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre à la satisfaction du pouvoir adjudicateur, par tout moyen approprié, que les solutions qu’il propose satisfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques ».
En cas de référence aux normes, le pouvoir adjudicateur doit accepter les propositions alternatives équivalentes au regard des exigences fonctionnelles décrites par les normes. Cette disposition réitère l’obligation établie par le Traité : les acheteurs doivent accepter les produits/services qui correspondent exactement aux spécifications fonctionnelles ou de performances exigées dans le cahier des charges.
Dans le paragraphe 5, on trouve la situation inverse. Lorsqu’un pouvoir adjudicateur se réfère aux exigences fonctionnelles ou de performances, il ne peut pas rejeter une offre basée sur des normes conformes à ces exigences.
« Dans son offre, le soumissionnaire est tenu de prouver, à la satisfaction du pouvoir adjudicateur et par tout moyen approprié, que les travaux, produits ou services conformes à la norme répondent aux performances ou exigences fonctionnelles du pouvoir adjudicateur ».
Les deux paragraphes 4 et 5 disposent que « peut constituer un moyen approprié, un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essai d’un organisme reconnu ». Dans le paragraphe 7, les organismes reconnus sont définis comme « les laboratoires d’essai, de calibrage, les organismes d’inspection et de certification, conformes aux normes européennes applicables ».
D’après la définition des spécifications techniques dans la directive secteurs classiques, un pouvoir adjudicateur a la faculté et non pas l’obligation d’indiquer des exigences relatives à l’évaluation de la conformité (c’est-à-dire une procédure d’évaluation présentée dans l’offre afin de vérifier la conformité aux spécifications techniques). Cependant, certaines décisions de la CJCE (par exemple, Unix C-359/93) semble tendre vers la solution selon laquelle pour que le critère soit acceptable, il devrait être contrôlable, ce qui impliquerait que le pouvoir adjudicateur exige - par la présentation de certificats par exemple - des éléments lui permettant de contrôler les informations fournies par un soumissionnaire en rapport avec les critères. Cette règle a été confirmée pour les critères d’attribution (Wienstrom C-448/01).
Il découle des paragraphes 4 et 5 qu’un rapport d’essai effectué par un organisme reconnu est une manière recevable mais non pas obligatoire de prouver la conformité aux spécifications techniques.
La directive ne pas donne une liste exhaustive des moyens de preuves d’équivalence acceptables. Ceci implique que chaque pouvoir adjudicateur doit détailler sa propre interprétation afin de s’assurer que le principe d’égalité de traitement est bien respecté.
Par conséquent, le pouvoir adjudicateur peut choisir de vérifier si l’offre répond aux exigences indiquées, à condition qu’il dispose des moyens nécessaires à une telle vérification en respectant le principe d’égalité de traitement. Si le pouvoir adjudicateur n’a pas la compétence ou le matériel adéquats, il peut solliciter les services d’un organisme tiers pour effectuer la vérification.
Si le pouvoir adjudicateur ne veut pas effectuer la vérification pendant l’évaluation des offres, par exemple parce qu’elle prendrait trop du temps, il peut, dans le cahier des charges, demander aux soumissionnaires de fournir la preuve (par une évaluation de conformité), du respect de telle ou telle exigence. Au sens de la norme EN/ISO/IEC 17000, le pouvoir adjudicateur peut exiger soit une attestation, soit une déclaration de conformité ou une certification issue d’un tiers.
Là où des évaluations de conformité sont demandées, le pouvoir adjudicateur doit respecter l’obligation issue des directives de se référer soit à des normes « ou équivalent », soit de formuler ces critères en termes d’exigences fonctionnelles ou de performances.
Il découle de l’article 23, paragraphe 4, qu’un système spécifique d’évaluation de conformité3 ne peut pas être indiqué comme étant obligatoire. Le soumissionnaire peut choisir d’utiliser une autre méthode de preuve, s’il peut prouver ainsi qu’il atteint des résultats équivalents.
Il existe cependant une exception : le marquage CE. Ce marquage est un système formel d’évaluation de conformité qui donne donc une présomption de conformité aux exigences essentielles des directives « nouvelle approche ». Par conséquent, quand le pouvoir adjudicateur décide d’acheter un produit entrant dans le champ d’application d’une directive « nouvelle approche » qui requiert le marquage CE, il n’a pas besoin d’indiquer « ou équivalent ».
3.4 Implications pour l’acheteur public - comment employer des normes afin d’obtenir des résultats innovants et rester conforme aux règles européennes
Ce chapitre traite des marchés publics entrant dans le champ d’application de la directive 2004/18.
3.4.1 Avant la procédure
Cette étape se rapporte à la période précédant la publicité du marché, quand le pouvoir adjudicateur définit ses besoins et établit le cahier des charges ou fait le choix des normes applicables pour les produits/services désirés.
Il est d’une importance cruciale pour le pouvoir adjudicateur de préparer attentivement ses spécifications techniques. Il est recommandé de mener une bonne analyse de l’existence et du contenu des normes appropriées aux produits ou services visés. Le cahier des charges techniques adéquat sera formulé sur la base des résultats de cette analyse.
Si le Pouvoir adjudicateur tire bénéfice de l’aide d’une entreprise dans les travaux préparatoires des documents de marché, il peut ne pas exclure la candidature d’une telle entreprise, ou d’une entreprise liée à celle-ci, s’il est démontré que leurs cas particuliers ne présentent aucun risque pour la concurrence (Fabricom, affaires C-21/03 et C-34/03).
3.4.2 Pendant la procédure - La publicité de l’offre, la sélection, et l’attribution
Les directives donnent la liberté au pouvoir adjudicateur de formuler des spécifications par référence, par ordre de préférence : aux normes nationales faisant application de normes européenne (quand elles existent), normes internationales, ou encore en définissant des niveaux de performances ou d’exigences fonctionnelles (art 23 (3) de directive 2004/18). Cela signifie que quand les normes européennes ou internationales n’existent pas, le PA doit alors formuler ses spécifications techniques en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles. Le pouvoir adjudicateur peut également mélanger les deux approches.
Contrairement aux anciennes directives « marchés publics », le pouvoir adjudicateur ne peut exiger que les soumissionnaires utilisent la norme européenne existante, et il doit accepter toute preuve valable d’équivalence des caractéristiques fonctionnelles ou de performance. C’est la raison pour laquelle le libellé « ou équivalent » doit être ajouté derrière la référence à une norme.
Plus généralement, le pouvoir adjudicateur a en outre la liberté d’utiliser ses propres conditions supplémentaires concernant le produit et non-comprises dans les normes, ou peut également utiliser des exigences de performances issues de différentes normes. Ceci présuppose une bonne connaissance du contenu des différentes normes.
Lors de la phase de sélection, le pouvoir adjudicateur peut demander une preuve de conformité pour les produits, services ou travaux proposés. Cette preuve peut exister sous forme de normes de garantie de la qualité (art 49). Ces systèmes de garantie de la qualité doivent être certifiés par les organismes, conformément aux séries de normes européennes sur la certification, à savoir EN 45000 (art 49 de la directive classique). Dans ce contexte la priorité est donnée aux systèmes de garantie de la qualité basés sur les normes européennes appropriées telles que les séries BS/EN/ISO 9000.
Après avoir sélectionné les soumissionnaires, l’entité doit analyser et comparer les offres à l’étape d’attribution. L’art 53 de la directive secteur public, indique les deux critères d’attribution facultatifs, le prix et l’offre économiquement la plus avantageuse :
Là où le marché doit être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur énoncera dans les documents de consultation ou dans l’AAPC les critères d’attribution qu’il appliquera.
L’utilisation des normes à l’étape d’attribution consiste en l’évaluation des caractéristiques contenues dans la norme. L’étape d’attribution permet de continuer l’approche innovante adoptée dans les phases initiales de la procédure. Par conséquent, les exigences du cahier des charges techniques et les critères d’attribution sont nécessairement liés. Le cahier des charges techniques définit le niveau exigé de la performance. Cependant, un pouvoir adjudicateur peut indiquer dans le cahier des charges techniques que n’importe quel produit ou service ayant un meilleur rendement que celui proposé par la norme peut dès lors se voir accorder des points supplémentaires.
3.4.3 Après la procédure - Clauses de performances
En cas de marchés nécessitant un suivi ou en cas de marchés à long terme, il est important que les clauses de performance imposent une actualisation régulière des normes référencées. Le pouvoir adjudicateur peut également inclure une clause d’analyse de la valeur, afin de stimuler l’innovation. Les clauses d’analyse de valeur exigent de l’opérateur économique qu’il applique pendant la période contractuelle des procédures systématiques, utilisées pour améliorer les performances des produits ou services, en améliorant le ratio entre leur efficacité et les ressources nécessaires à leur fonctionnement4. Ceci revient à stimuler l’opérateur économique continuellement en vue d’innovations incrémentales.
3.5 Législation nationale
Les directives « marchés publics » ont été transposées dans le droit national par les États Membres de l’UE. Les anciens États Membres ont simplement adapté leur législation existante, alors que la plupart des nouveaux États Membres ont transposé le texte exact des directives.
D’ailleurs, dans beaucoup de nouveaux États Membres, les marchés publics et de réseaux sont régis par les règles européennes.
Il est donc important que l’acheteur public comprenne et applique correctement les règles juridiques des marchés publics, y compris dans l’utilisation des normes, afin d’atteindre des résultats efficaces.
4. Les normes pour les acheteurs
Les normes jouent un rôle important lorsque deux parties, ou plus, veulent se comprendre. Elles facilitent la communication en proposant des termes et leurs définitions ; elles décrivent les caractéristiques des parties, leur apparence, de façon à ce que d’autres pièces puissent être produites en concordance. Les normes aident à définir la qualité d’un produit ou d’un service de sorte que les parties sachent ce qu’elles obtiennent et ce qu’elles doivent chercher pour en vérifier la qualité.
Les normes sont également utiles quand deux parties sont liées par un contrat, tel qu’un un marché public. Les acheteurs, aussi bien que les soumissionnaires, veulent être sûrs de comprendre le langage technique de l’autre, et d’avoir la même notion des biens ou des services achetés et proposés.
Utiliser des normes est une manière plus aisée d’y parvenir tant dans les cahiers des charges que dans les offres proposées. Faire référence à une norme permet également de gagner du temps, dans la mesure où une norme peut contenir tout ou partie des informations requises pour un produit ou un service, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de décrire dans le texte les caractéristiques ou la performance. Le risque de faire une erreur en décrivant un produit ou un service est réduit au minimum et les termes utilisés et définis dans les normes aident les parties à bien se comprendre.
Les normes peuvent également permettre d’obtenir la meilleure offre et d’aboutir à solutions innovantes pour un besoin spécifique. La connaissance des normes et de leur utilisation est importante afin d’en tirer un réel avantage.
4.1 Normes et innovation
Les normes et l’innovation peuvent aller de pair. Les acheteurs recherchent la meilleure rentabilité possible. Celle-ci n’est pas seulement déterminée par le prix mais également par la façon dont un produit ou un service remplit les exigences de l’acheteur. Il peut exister des solutions disponibles que les acheteurs ne connaissent pas. Pour accéder à ces solutions, les acheteurs doivent décrire la performance qui leur est nécessaire de sorte que les fournisseurs puissent offrir un produit ou service qui corresponde exactement aux besoins.
De telles solutions innovantes ne sont pas des effets accidentels (les acheteurs peuvent stimuler les fournisseurs même sans risque en employant une norme comme définition de la performance) : l’utilisation intelligente des normes peut mener à des solutions innovantes.
Afin d’atteindre cet objectif, les acheteurs doivent se servir des normes appropriées ; si les critères d’attribution sont liés à la performance indiquée dans les normes, la meilleure performance obtiendra les points plus élevés, les soumissionnaires essaieront donc de proposer la meilleure solution qu’ils sont capables d’offrir. Si les acheteurs veulent encore de meilleurs résultats que ceux que ceux définis par les normes, ils peuvent exiger une amélioration des performances par rapport aux exigences définies par la norme.
4.2 À savoir sur les normes
Les normes existent depuis longtemps. Il existe plusieurs types de normes, plusieurs types d’organismes créateurs de normes ainsi qu’une une grande variété de visions de la norme, de la façon dont elle doit être utilisée et par qui.
Généralement une norme est un document formel, sur un sujet spécifique, qui établit des critères, des processus, des pratiques ou des méthodes uniformes. Une norme est le plus souvent définie par un accord formel de plusieurs parties sur un sujet, mais elle pourrait également se définir comme une coutume, un usage.
En Europe, « les normes européennes », EN en abrégé, jouent un rôle important, car elles appuient de manière significative le Marché unique européen et les échanges mondiaux en général. Leur nombre a énormément augmenté avec l’essor du Marché unique et elles sont une partie intégrante de la politique commerciale commune.
Pour être en mesure d’accomplir ce rôle, les normes européennes doivent avoir certaines caractéristiques. Elles sont développées dans un processus ouvert et transparent basé sur le consensus, les observations publiques sont notamment prises en compte grâce à la participation des acteurs du secteur concerné. Le contenu des normes européennes est le même pour tous les organismes de normalisation chargés de les développer. Les normes créés soit par le CEN, le Comité européen pour la Normalisation, soit par les membres nationaux du CEN, soit par l’ISO s’appellent souvent « les normes formelles ». Il y a également d’autres organismes développant des normes, leurs règles peuvent alors être différentes. Cependant seules les normes européennes sont identifiées pour appuyer les politiques de l’Union européenne et de la Zone européenne de libre-échange détaillées au chapitre 3 (aspects juridiques).
En raison du processus et du consensus ouverts et transparents exigés, une norme européenne propose des conditions de seuil que tous les acteurs d’un domaine économique sont censés utiliser. Par conséquent elle représente un niveau minimum de dispositions. Des normes ne sont développées que lorsque le besoin s’en fait sentir. Par conséquent elles sont développées pour assurer des rôles spécifiques, tels que présenter des termes et leurs définitions pour que l’utilisateur ait une langue technique ; elles peuvent donner des cotes, les décrire ou encore indiquer des méthodes de test ; elles peuvent décrire un produit, un service ou un système afin que des produits d’autres fabricants puissent s’y adapter. Cet aspect est devenu très important dans beaucoup de secteurs pour assurer l’interopérabilité et la compatibilité des produits ou services.
Ces dernières années, et en raison de la nécessité du consensus entre les parties prenantes, les normes européennes ont changé. Tandis que dans le passé les normes pouvaient décrire exactement ce à quoi un bien ou service devait ressembler - de plus en plus, les normes indiquent la performance qui est attendue d’un produit ou d’un service.
Ces normes basées sur la performance permettent diverses solutions tant que les objectifs sont remplis. Par conséquent ces normes sont un outil intéressant pour les acheteurs qui souhaitent obtenir des produits ou des services innovants qui répondent à leurs besoins et à leurs attentes. Un guide de recherche des normes est présenté dans le chapitre 5.
Idée : Laissez le marché proposer les solutions créatrices en utilisant des normes basées sur la performance
4.3 L’utilisation des normes
L’utilisation des normes est volontaire. Il se peut, cependant, qu’une partie oblige une autre à respecter une norme spécifique. Cela peut être le cas dans les marchés bilatéraux privés.
La législation utilise également des normes pour assurer une réponse adaptée à certains besoins spécifiques, par exemple dans le secteur de la santé, dans le domaine de la construction ou dans d’autres secteurs liés à la sûreté ou à la protection des citoyens.
Dans le cadre des directives « nouvelle approche », des normes sont vues comme l’instrument prouvant la conformité à une directive spécifique ; la conformité est prouvée par le marquage CE. Cependant, les normes donnant le marquage CE demeurent volontaires et le fabricant peut trouver une autre manière de prouver la conformité aux exigences essentielles de la directive, sans utiliser la norme elle-même.
Les normes développées dans le contexte d’une directive européenne contiennent parfois des dispositions supplémentaires qui ne conditionnent pas la conformité à la directive. Elles font partie de la norme parce que les rédacteurs ont perçu un besoin dans un domaine spécifique. Ici, il peut être utile que les acheteurs se réfèrent à la norme dans son ensemble plutôt que de se limiter au marquage CE. Ils pourraient ainsi se voir offrir une plus haute qualité car les soumissionnaires essayeront d’atteindre le niveau demandé, tout en ayant à se conformer au marquage CE.
4.4 Des normes particulièrement appropriées pour les acheteurs
Il existe un grand nombre de normes et différents types disponibles. Les normes de produits et les normes de tests peuvent être particulièrement intéressantes pour les acheteurs.
Les normes de management de qualité peuvent également présenter beaucoup d’intérêt lorsqu’elles correspondent bien au produit ou service acheté.
Enfin la référence aux normes d’interopérabilité et de compatibilité peut aussi se révéler très appropriée. Ces normes garantissent que le bien ou le service acheté correspond aux dispositifs existants et qu’il pourra être adapté aux systèmes futurs.
5. Méthode Steppin : étapes pour trouver et utiliser des normes
Trouver la bonne norme à référencer dans un document de marché constitue une démarche indispensable. Il s’agit donc d’adopter une stratégie appropriée. La recherche de la norme appropriée s’opère au regard de sa pertinence économique et des conditions juridiques, mais cela doit aussi s’accompagner d’une bonne compréhension de la nature, du potentiel et de la mise en œuvre des normes ainsi que de l’importance de communiquer sur leur contenu.
Le Steppin a donc développé une méthodologie en sept étapes, facile à suivre, pour rechercher et utiliser des normes dans des marchés publics.
Ces étapes sont expliquées ici et illustrées en utilisant des exemples issus de la pratique.
Étape 1 : Spécifications du bien ou service
Il est essentiel de posséder une idée et un concept clairs de ce que l’on souhaite acheter. Il s’agit également d’avoir une notion précise de la performance qui est exigée du produit ou du service demandé.
Exemple
Un département allemand de police veut acheter des tissus ignifugés et antistatiques pour la fabrication des vêtements confortables et protecteurs.
Concept :
• Vêtements confortables,
• Vêtements protecteurs
• Appropriés aux uniformes de police
Performance requise
• Antistatique
• Ignifugé
(Naturellement, il peut y avoir beaucoup plus de conditions selon les besoins).
Étape 2 : Recherche des normes existantes
Il y a beaucoup de normes disponibles et plusieurs méthodes pour trouver les normes existantes dans des secteurs spécifiques.
Les membres nationaux du CEN (par exemple AFNOR) ont des sites Web disposants d’informations sur l’ensemble des normes éditées. Les recherches s’effectuent aisément par mots-clés.
Conseil : Il existe PERINORM, une base de données disponible sur abonnement, qui énumère toutes les normes éditées par le CEN, l’ISO, membres nationaux du CEN et par les autres organismes de normalisation.
Les acheteurs utilisent très souvent le Common Procurement Vocabulary (CPV) pour catégoriser leurs biens ou services achetés. Ce CPV peut être utilisé comme outil de référencement de la base de données Steppin (hébergées sur le site Web d’Innova Steppin). Cette base de donnée relie le CPV à des informations sur les normes les plus appropriées aux biens ou services demandés.
Exemple
Entrez le code de CPV pour les vêtements de protection dans la base de données. Elle proposera une liste de 72 normes européennes.
Le caractère antistatique était jugé très important pou la police allemande. la série suivante de normes a donc été choisie
Vêtements de protection EN 1149 - propriétés électrostatiques
Si l’on souhaite trouver une norme qui soit liée à une directive européenne, on peut parcourir le site Web « Normalisation Nouvelle Approche dans le marché intérieur », conçut et hébergé par la Commission européenne, en partenariat avec les organisations de normalisation.
www.newapproach.org
Étape 3 : Sélection de la norme appropriée
Si une norme européenne est sélectionnée comme référence il n’y aura, en principe, aucune norme nationale contradictoire. Selon la directive européenne de marché, s’il y a aucune norme européenne disponible, une norme de ISO peut être choisie. S’il n’en existe pas non plus, alors une norme nationale éditée par un organisme identifié de normalisation peut alors être utilisée.
Bien que des normes éditées au niveau national, européen ou international soient révisées tous les cinq ans, il est important d’identifier et de sélectionner la version en vigueur. Ces informations peuvent être trouvées sur les sites Web des membres nationaux du CEN, dans la base de données PERINORM et sur le site Web de la « Nouvelle approche ».
Puisque les normes performantielles peuvent appuyer l’innovation mieux que les normes descriptives, il est donc important d’identifier ces normes dans cette étape.
Conseil : Nouvelle approche ; Normes liées aux directives. Il existe un site Web fournissant l’accès aux informations sur les normes et les conduites à suivre dans le processus de normalisation
Exemple
La police allemande a décidé d’utiliser la version allemande des normes requises parce qu’elles sont en allemand, sachant qu’elles sont équivalentes aux normes, avec le même numéro, dans n’importe quel pays qui est membre du CEN.
Quatre parties de la norme EN 1149 intéressaient la police allemande :
DIN EN 1149-1 Vêtements de protection - propriétés électrostatiques - partie 1 : Méthode d’essai pour la mesure de la résistance extérieure : Version allemande 1149-1 : 2006.
DIN EN 1149-2Vêtements de protection - propriétés électrostatiques - partie 2 : Méthode de test pour la mesure de la résistance électrique d’un matériau (résistance verticale) ; Version allemande 1149-2 : 1997.
DIN EN 1149-3 Vêtements de protection - propriétés électrostatiques - partie 3 : Méthodes d’essai pour la mesure de l’affaiblissement de charge ; Version allemande 1149-3 : 2004.
DIN EN 1149-5 Vêtements de protection - propriétés électrostatiques - partie 5 : Conditions matérielles de performance et de conception ; Version allemande 1149-5 : 2008
La police allemande a décidé de faire référence à quatre normes dans le marché car les trois premières permettaient d’établir un niveau de performance - plus spécifiquement, elles permettaient de tester la performance d’une solution innovante. La partie 5 était importante parce qu’elle se rapportait au confort du vêtement, la taille, les mouvements…
Étape 4 : Accéder aux Normes
Les sites Web du CEN et de ses membres nationaux du CEN, peuvent être utilisés pour rechercher des informations sur une norme.
Parfois il peut être utile de contacter un membre national du CEN directement pour avoir des informations dans la langue nationale. Les adresses de tous membres peuvent être trouvées sur www. cen.eu
Les normes du CEN, ou ISO et de leurs membres nationaux sont soumises à des droits de publication, et seules des sources originales devraient être utilisées ; ceci permet également de s’assurer que la dernière version est disponible
Les normes sont habituellement payantes. Par conséquent il est important de connaître autant que possible une norme avant de la commander.
Exemple
La police allemande a utilisé la version nationale d’une norme et s’est également assurée qu’elle disposait bien de la dernière version. La partie 4 de la norme EN 1149 n’était pas encore disponible, ainsi a-t-il été décidé de ne pas la prendre en considération.
Étape 5 : Recherche des informations appropriées dans une norme
Cette cinquième étape se consiste à rechercher les éléments appropriés tels que définis dans tout le document. La plupart des normes suivent un plan-type :
• Domaine d'application : la partie « domaine d’application » définit sans ambiguïté le sujet et les aspects couverts par la norme, ainsi que ses limites.
• Références normatives : c’est une liste de documents référencés cités dans la norme et qui lui sont indispensables. Certaines des références ont également des dates spécifiques (par exemple EN 1149 :2006). Ce sont les versions des normes. Si aucune date n’est mentionnée, c’est la dernière version référencée qui devrait être utilisée.
• Dispositions/Prescriptions : ce chapitre ou ces chapitres contiennent toutes les caractéristiques concernant les aspects, les processus des produits ou services couverts par la norme, explicitement ou en référence à une autre norme. Ils peuvent également donner les valeurs limites des caractéristiques quantifiables et indiquer comment déterminer ces valeurs.
• Annexes : ces annexes donnent des dispositions supplémentaires. Dans les normes européennes, les conditions nationales spéciales sont données en annexes, tout comme les avenants des normes internationales et des autres documents de référence.
Conseil : Une norme est le résultat d’un processus de consensus, elle ne fait pas un état des lieux ou ne présente pas une technologie. Elle contient cependant tous les paramètres essentiels d’une technologie, ce qui peut être très utile dans le cadre d’un marché public.
Exemple
La partie 5 de la Norme EN 1149 a été identifiée par la police allemande pour décrire la performance du matériau.
Dans la table des matières on note que les chapitres sur des prescriptions comprennent des conditions de performance électrostatiques pour le matériau et la conception.
Un chapitre spécifie les informations que le fabricant doit apporter pour le vêtement. Par exemple, les notices doivent indiquer la manière dont le vêtement s’attache ou se porte.
Cette méthode laisse donc le fabricant libre de développer une nouvelle solution.
Étape 6 : Interprétation des prescriptions dans les normes
Les normes orientées vers la performance n’indiquent pas comment une prescription doit être réalisée ; elles décrivent la performance à réaliser dans certaines conditions.
Puisque les normes sont volontaires, certaines dispositions peuvent en être modifiées. À noter cependant que les modifications peuvent entraîner la perte du marquage CE, ce qui signifie que la commercialisation de ce bien ou service hors des frontières nationales ne serait plus possible. Par conséquent, aucune modification ne devrait aller en dessous de la performance exigée par une norme conditionnant le marquage CE.
Exemple
Les prescriptions de la norme EN 1149, y compris celles concernant les exigences matérielles, laissent le fabricant libre de choisir le matériau choisi pour le vêtement. Ceci offre notamment l’opportunité d’utiliser des matériaux innovants…d’une manière également innovante.
Étape 7 : Référence aux normes dans les documents de consultations
La référence aux normes devrait se limiter à celles nécessaire à la réalisation de la performance exigée.
Exemple
La police allemande a choisi des normes, a sélectionné des prescriptions basées sur la performance et a décidé d’ajouter ses propres conditions. Ceci peut être une bonne stratégie pour pousser l’innovation tout en mixant des conditions spécifiques de l’utilisateur et des normes. Mais cette stratégie comporte un risque puisqu’elle peut aussi limiter le nombre de soumissionnaires potentiels. Pour atteindre un nombre maximum de soumissionnaires, il est plus efficace de se contenter d’employer les conditions définies dans une norme.
6. Cas pratiques
Le manuel de Steppin vise à être un guide de référence pour les acheteurs publics. Ce chapitre détaille des cas pratiques où des normes ont été employées dans des marchés publics pour favoriser l’innovation.
Cas 1. Utilisation de la norme EN 1149 par la Police allemande
Ce cas pratique a déjà été présenté dans le chapitre 5 de ce manuel illustrer la façon de trouver les normes pertinentes.
Un service de police allemand voulait lancer un appel d’offres portant sur des vêtements de police confortables et protecteurs. Pour cela, un cahier des charges fut élaboré et décrivait le produit qu’ils avaient décidé d’acheter et son niveau de performance. Ils voulaient acheter des tissus ignifugés et antistatiques pour la fabrication de vêtements de police confortables et protecteurs.
Le département de police a sélectionné la norme EN 1149 Vêtements de protection - Propriétés électrostatiques.
Il s’agit d’une norme basée sur la performance. Elle décrit en effet des niveaux de mesure de la dissipation de la charge électrostatique sur la surface des matériaux des vêtements.
En vérifiant les parties suivantes de la norme, le département allemand de police pouvait avoir une idée claire de la norme :
• Le domaine d’application
• les références normatives,
• les dispositions ou les prescriptions,
• les annexes normatives.
Le département allemand de police s’est ainsi référé à la norme dans le document de consultation des entreprises :
‘Le vêtement de police devrait être constamment antistatique et ne pas être un conducteur direct. La décharge de 10 % de la tension existante originelle doit être < 0.5 seconde. En plus des propriétés antistatiques, aucun risque ne doit exister durant un travail avec un équipement électrique et des câbles. L’électricité statique doit respecter la proportion fixée par la norme EN 1149 ‘.
La norme EN 1149 donne à un fournisseur l’opportunité d’innover. En raison des caractéristiques de performances de la norme, un fournisseur a la possibilité d’offrir différentes solutions de tissus.
Normalement, les fournisseurs dans ce cas proposent un tissu de série habituellement utilisé pour la confection de vêtements légers, ignifugés, confortables et conformes à la norme EN 1149. Mais par le jeu de cette norme, une entreprise peut également proposer une solution plus innovante, équivalente ou supérieure au produit de série. L’entreprise proposera, par exemple, une solution issue de sa propre gamme de produits.
Néanmoins, dans ce cas précis, aucune entreprise n’était en mesure de proposer une solution innovante : la police allemande avait ajouté, à côté des normes déterminées par la performance, des conditions techniques spécifiques portant sur la nature des matériaux textiles.
Ceci porte atteinte aux opportunités offertes par la norme EN 1149 et par conséquent réduit la possibilité pour une entreprise de proposer des produits innovants sur la base de performances.
De plus, en exigeant un matériau spécifique dans les spécifications techniques, le cahier des charges ne pouvait aboutir à une solution innovante. La police allemande voulait de plus que les tissus soient proposés dans les couleurs de la police allemande (couleurs mousse-vert, vert-foncé et bleu-foncé). Le produit susceptible de remplir les conditions spécifiées par la police allemande n’était disponible que dans la couleur or naturel et ses fibres ne pouvaient pas être teintes.
La norme EN 1149 aurait pu donner la possibilité à un candidat de proposer une solution innovante au département allemand de police si, et seulement si, la police n’avait pas exigé une matière et des couleurs de tissu spécifiques dans leur cahier des charges. Ce cas pratique illustre l’une des difficultés susceptibles d’apparaître lorsque des spécifications basées sur la performance et des éléments descriptifs spécifiques sont utilisés en même temps. Dans certaines situations, des éléments descriptifs doivent être intégrés à la spécification technique, comme dans ce cas où la couleur du vêtement était une donnée pertinente. Quelques conseils généraux pour faire face à des problèmes analogues :
• Si possible, maintenez les prescriptions à un niveau minimal et utilisez davantage des critères basés sur la performance.
• Faites participer les candidats potentiels en amont de la procédure pour identifier les solutions innovantes. Utilisez les normes comme point de référence pour définir des conditions minimales.
• L'utilisation d'éléments descriptifs spécifiques pose moins de difficultés si le destinataire du produit final ayant participé à la procédure en amont a considéré qu’il s’agissait d’une question mineure.
Cependant ‘utilisation de valeurs fonctionnelles spécifiques peut également mener à des solutions innovantes comme il le sera montré dans le cas pratique suivant.
Cas 2 - Police allemande- Utilisation de la norme ISO 105-B02
Dans le cas pratique 3, il était question d’un appel d’offres européen portant sur des vêtements. La mention des couleurs traditionnelles des forces de police (vert, bleu) a eu un impact restrictif sur les normes fonctionnelles utilisées, de même que la référence à la composition du tissu.
Dans cet exemple, un autre aspect relatif aux vêtements de police fait débat ; la référence à certaines valeurs concernant de nombreux éléments caractéristiques des vêtements de police.
Lorsqu’on traite les aspects innovants d’un appel d’offres, il peut être important de porter une attention particulière aux valeurs marginales. Dans ce nouveau cas, l’appel d’offres européen d’un autre service allemand de police renvoyait à un tableau dans lequel les valeurs étaient décrites.
L’appel d’offres se référait notamment à la norme ISO 105-B02 Textiles- essais pour la stabilité de couleur - Partie B02 : Stabilité de couleur à la lumière artificielle : test de décoloration à la lampe à arc Xénon. Cette norme porte sur la manière dont l’intensité et les tonalités de couleurs changent sous l’influence de la lumière. Le service allemand de police avait demandé une stabilité de couleur de niveau 5. Si le niveau maximal, le niveau 8, signifie que les couleurs sont à peine influencées par la lumière (conservation à 100 % des couleurs).
La question principale était de savoir si la valeur 5 pouvait entraîner une réponse suffisamment innovante à l’appel d’offres du département de police. Cette valeur avait probablement été déterminée par l’expérience.
Dans cette affaire, le niveau d’exigence a effectivement conduit à l’innovation. Pour atteindre une grande stabilité de couleur, le fournisseur aurait dû employer des fibres pré-teintes. Les fibres pré-teintes d’un tissu d’une marque spécifique sont néanmoins très onéreuses. Le même tissu teint après-coup n’atteint pas la valeur 5.
Une entreprise proposa un tissu présentant une stabilité de couleur de valeur 5 et cela, à bon marché. La solution adoptée était de mélanger des fibres déjà teintes onéreuses avec des fibres non teintes moins coûteuses. En utilisant cette méthode de production, la couleur du tissu donnait un meilleur résultat de stabilité qu’un tissu teint après coup. On notera que d’un point de vue technique, le pouvoir adjudicateur pouvait aussi accepter des offres où la stabilité de couleur du produit aurait une valeur plus élevée (6, 7 ou 8).
Dans ce cas précis, il y avait un avantage à utiliser conjointement des normes et une valeur explicite. Contrairement au cas pratique précédent, une entreprise pouvait innover en utilisant une méthode de production différente. En utilisant une méthode explicite de mesure, l’acheteur public pouvait faire en sorte que la qualité minimale requise soit garantie et contrôlable.
• Des normes de mesures peuvent être utilisées avec des normes de qualité.
• Les normes de mesures peuvent fixer la qualité minimale et réduire le risque pour l’acheteur, car une validation exacte est possible si elle est exigée.
• Généralement, faire référence à des normes de mesures présente de nombreux avantages dans les cas où des éléments techniques doivent être compatibles avec d’autres, comme les écrous doivent être compatibles aux boulons.
• À très peu d’exceptions près5, les normes de mesures sont neutres et ne faussent donc pas l’égalité de traitement dans la procédure de passation du marché.
• Les normes de mesures permettent un contrôle indépendant au cas où un marché serait divisé en plus petits lots et que les produits achetés aient plus tard à interagir les uns avec les autres ou avec des infrastructures techniques existantes.
Cas 3 : L’utilisation de spécifications fonctionnelles normalisées pour des systèmes de gestion de la circulation routière en Allemagne
Dans les années 80, le système de gestion de la circulation routière s’est fortement étendu en Allemagne. Le matériel était fourni par plusieurs fabricants qui utilisaient leurs propres normes techniques. Ceci a mené à des systèmes incompatibles et à des blocages pour les services publics. Pour assurer une passation de marché transparente et ouverte, il a été décidé de préparer des lignes directrices techniques et des normes relatives aux fonctions et interfaces des panneaux de signalisation. La première version complète de la norme appelée Spécification Technique pour les Panneaux de signalisation (TLS) a été établie en 1993 et son utilisation a été rendue obligatoire pour l’équipement de contrôle de la circulation routière, et ce, pour l’ensemble de la voirie fédérale.
L’utilisation de la norme TLS dans les marchés publics a eu les effets suivants :
• La concurrence sur ce marché est devenue une réalité et les prix ont diminué de 50 % entre les années 90 et aujourd’hui
• La norme TLS a donné aux fabricants la « garantie » que de nouveaux produits pouvaient être développés et ce qui fut effectivement le cas
• De nouveaux fabricants sont entrés sur le marché
Les fabricants avaient été fortement impliqués dès le début de l’établissement des spécifications. Ceci a également abaissé la part d’inconnu dans le développement des produits.
Il y avait également moins de risques du côté de l’acheteur. La norme a rendu la procédure de passation du marché moins compliquée car les références à la norme simplifiaient la rédaction des spécifications. La préparation du DCE était donc relativement rapide.
Généralement, il était fait seulement référence aux spécifications TLS. Les parties « hardware » étaient considérées comme des « open sources ». Cependant le maniement et l’apparence des gestionnaires de périphériques étaient définis dans les spécifications et leur utilisation était obligatoire. L’utilisation de la norme TLS a permis une mise en œuvre plus rapide car les produits sont à aujourd’hui produits en série.
Bien qu’elle n’ait pas été développée par un organisme de normalisation identifié, la norme TLS est maintenant reconnue, puisqu’elle est utilisée et acceptée par tous les fournisseurs potentiels. ASFINAG en Autriche utilise également la norme TLS. L’Allemagne et l’Autriche ont commencé à coopérer s’agissant de son contrôle et de la certification. La Slovaquie envisage de faire la même chose. BAST, l’Institut fédéral allemand de recherche, a été sollicité pour gérer le processus de certification.
Les normes TLS actuelles sont seulement disponibles en allemand, la prochaine version sera également disponible en anglais. Cette prochaine version sera une norme germano-autrichienne commune qui comprendra quelques dispositifs autrichiens spécifiques. Les représentants de l’ASFINAG participent en tant membres officiels au groupe de travail.
Pour les fabricants, ces développements ont permis d’ouvrir le marché aux produits conformes à la norme TLS. D’un autre côté, les acheteurs peuvent s’attendre à l’avenir à une plus grande variété de produits innovants dans le cadre de la norme TLS et à des prix inférieurs.
Pour évaluer si les effets supposés sur l’innovation ont été perçus d’une manière semblable par le marché, trois représentants d’industrie impliqués dans la création de la norme TLS ont été interviewés. Ils ont commenté comme suit :
Influence sur l’innovation
Bien que leurs entreprises soient sans cesse en train d’innover, l’introduction de TLS les a stimulés pour innover. Ils rencontraient auparavant beaucoup de problèmes avec les anciennes normes et d’autant plus que pour beaucoup d’aspects, il n’existait aucune norme ou réglementation.
Prendre part au processus de normalisation leur a permis de développer de nouveaux produits et de devancer leurs concurrents. L’une des personnes interrogées a rappelé qu’en fait TLS est une innovation. D’une manière générale, TLS a principalement conduit à innover en matière de communication, en fixant des normes d’interopérabilité.
Type d’innovation
Cette innovation a porté sur le développement d’une nouvelle technologie et l’amélioration du processus de fabrication. Les nouvelles normes d’interopérabilité ont rendu nécessaire le changement des logiciels de communication et des logiciels médiateurs. Un nouveau système d’équipement informatique a été développé, permettant ainsi l’échange de plus de données, à un meilleur coût. Ce développement a également permis d’inclure davantage de composants industrie standardisés, et d’abaisser de ce fait les coûts. Maintenant que la norme a été fixée, la vague initiale d’innovation est passée et l’innovation « normale » apparaît. Cependant TLS a facilité l’ajout de nouveaux produits en raison des interfaces normatives.
Concurrence
L’acquisition de nouveaux projets est devenue beaucoup plus facile avec TLS. Il n’est plus nécessaire de convaincre les clients au sujet des normes. La vente dans un autre Länder allemand ou à l’étranger est également devenue beaucoup plus facile. Leur marché s’est en effet agrandi et certains des fabricants existants sont de nouveaux venus sur certains marchés plus anciens.
D’autres nouveaux venus sur le marché, se sont concentrés principalement sur les systèmes de détection. Certains des fournisseurs existants utilisant TLS qui n’étaient pas actifs sur ce marché, le sont à présent.
Des solutions basées sur TLS sont également proposées alors qu’aucune norme n’est spécifiée. Il s’est avéré qu’elles étaient attrayantes pour des acheteurs publics dans des pays hors-TLS. Le fait qu’ils pouvaient toujours se fournir auprès d’un autre fournisseur ou intégrer des produits d’autres fournisseurs, a rassuré les clients.
La vente de solutions normalisées basées sur TLS est devenue rentable.
Prix
Tout le monde n’est pas d’accord avec l’observation selon laquelle les prix auraient chuté grâce au TLS.
On estime qu’il y a deux raisons principales à cela. La première raison est que les prix d’équipement électronique et des composants a considérablement diminué ces dernières années (selon une estimation, de 30 %), ce qui s’est répercuté dans le coût de ses systèmes. La seconde raison est que l’importance des marchés publics a augmenté, ce qui a favorisé la concurrence. Toutefois, la plupart de ces marchés n’aurait pas été possible sans TLS donc il y a au moins un effet secondaire considérable. Dans le passé, les projets étaient basés sur des solutions spécifiques chères.
Effet sur le volume de ventes
Un fabricant (très grand) a déclaré qu’il avait vendu plusieurs projets parce qu’il pouvait maintenant offrir TLS dans les pays TLS. Dans d’autres pays (non-TLS), il a vendu ses solutions techniques parce qu’elles étaient basées sur une norme libre et plus sur des solutions propriétaires. Les ventes de ses produits sur le marché allemand ont été fortement influencées par des événements sportifs. Une très grande partie des dépenses a porté sur des panneaux d’information.
En général, les personnes interrogées estiment que le TLS a eu des effets positifs sur leur volume de vente et qu’il a permis d’ouvrir le marché à la concurrence. Il y a donc à présent plus de concurrence.
Participation dans le développement de la norme TLS
Chacun des acteurs du marché a participé au processus de normalisation. L’un était le premier associé au processus issu de l’industrie, un autre a également fait partie des initiateurs du processus.
TLS dans les offres
L’ensemble des représentants d’industries disent être souvent confrontés au TLS. Dans 99 % marchés publics d’équipement routiers, TLS est référencé. L’utilisation à l’étranger augmente également (la Suisse, l’Autriche, la Slovénie, la Slovaquie).
D’autres normes ayant un effet similaire.
D’autres normes ont été créées sur la base de TLS, par exemple celles relatives au matériel d’équipement pour tunnels. Elles sont aussi utiles en suggérant des orientations sur la façon de développer les produits.
D’autres normes sont par exemple MARZ pour les systèmes (secondaires) de contrôle de la circulation routière. Les spécifications néerlandaises MTM en matière de signalisation en bord de route et de plateformes de surveillance sont également utilisées comme une norme dans les pays scandinaves.
Conclusions
• La norme TLS a stimulé l’innovation des systèmes routiers en Allemagne. De nombreuses parties prenantes ont investi du temps et des ressources dans son développement, parce qu’ils étaient convaincus qu’elle était indispensable.
• La norme TLS a stimulé la concurrence. L’utilisation de TLS est maintenant obligatoire dans l’ensemble des Länders allemands. Ceci a ouvert le marché allemand pour les fournisseurs en TLS qui étaient « cantonnés » à de plus petites régions dans le passé. Cependant, les entreprises font maintenant face à une plus grande concurrence. Et c’est d’ailleurs parce qu’elles sont devenues plus compétitives que ces entreprises réussissent mieux dans les autres pays.
• La norme TLS est également devenue plus concurrentielle parce que les prix ont baissé, du fait que les nouveaux fournisseurs peuvent à présent offrir des systèmes normalisés contenant davantage de composants conformes aux normes industrielles.
• La norme TLS offre au client la garantie qu’ils pourront toujours s’approvisionner auprès d’un autre fournisseur et intégrer des produits d’autres fournisseurs.
• En raison de ces avantages, d’autres pays envisagent d’utiliser la norme TLS.
Cas 4 : Exemple d’un marché public de construction – HQE
Présentation de l’opération
Face au contexte environnemental et économique actuel, le Conseil Général du Loiret a pris la décision de lancer une opération de construction de bureaux en démarche HQE.
La démarche HQE est l’application du développement durable au bâtiment. Elle vise à maîtriser les impacts du bâtiment sur son environnement, tout en créant un intérieur confortable et sain offrant de plus, un bâtiment pensé en coût global. Cette démarche se base sur 14 cibles organisées en 4 grandes familles : Eco Construction (choix des matériaux, chantier à faibles nuisances…), Eco Gestion (énergie, eau, déchets…), Confort (visuel, acoustique…) et Santé (qualité de l’air, qualité de l’eau…). La qualité environnementale du bâtiment (QEB), choisie pour chaque opération, consiste donc à hiérarchiser ces 14 cibles suivant trois niveaux de performance (base, performant et très performant). Cette hiérarchisation aboutie à ce que l’on appelle un profil environnemental. Enfin, afin d’atteindre ce profil, le deuxième volet de la démarche HQE porte sur la définition d’un système de management d’opération (SMO).
Cet immeuble sera situé sur une parcelle de 1920 m² à l’entrée de la ville d’Orléans. Il accueillera plusieurs Directions Départementales aujourd’hui éparpillées autour de l’Hôtel du Département, sur 4 680 m² de SHON (Surface Hors Œuvre Nette), répartis en trois étages complets et un quatrième partiel ainsi que trois niveaux de sous-sol.
Les objectifs du Département pour cette opération sont :
- de concevoir un bâtiment faiblement énergivore
- d’assurer une gestion efficace de la maintenance
- de réduire les impacts du bâtiment (environnement, santé)
- de réduire les coûts différés (en phase exploitation)
Face à ces attentes, le Département a décidé de demander la certification « NF Bâtiment Tertiaire-Démarche HQE » ainsi que le label énergétique BBC-Effinergie. Pour la première fois en France, un bâtiment tertiaire public sera à la fois certifié HQE et labellisé BBC-Effinergie, par l’organisme de certification CertiVéa.
La certification HQE et le label Effinergie
Pour répondre à la certification HQE, la maîtrise d’ouvrage doit choisir au minimum 3 cibles Très Performantes, 4 cibles Performantes et au maximum 7 cibles en Base ainsi que respecter les référentiels de certification associés aux exigences de chacune des cibles et au SMO.
Pour ce qui est du label, la consommation globale d’énergie à atteindre est fixée à - 50 % par rapport à la réglementation en vigueur.
Trois audits permettront de s’assurer du respect de ces exigences en phase : Programmation, Conception et Réalisation.
Cette démarche de certification et labellisation présente plusieurs atouts aux yeux de la maîtrise d’ouvrage qui est également exploitant du futur bâtiment :
- une réduction maximale des écarts pendant le projet
- une réduction des coûts différés
- une réduction des impacts du bâtiment au profit de l’environnement, du confort et de la santé des usagers (ouvriers, riverains, futurs utilisateurs…)
- une manière de fédérer les acteurs autour d’un objectif commun qu’est l’atteinte du profil
- un moyen de communication pertinent et reconnu sur la politique engagée par le Département.
Retour d’expérience
Dans la pratique, une fois le profil de l’opération déterminé : GRAPHIQUE
Les exigences du référentiel ont été traduites cible par cible dans le programme de l’opération en terme de performance à atteindre (consommation d’énergie globale inférieure de 50 % par rapport à la RT 2005…), d’utilisation de labels tels que NF Environnement, Eco label, GUT… ou encore PEFC pour le bois, ou le respect de la norme NF P01-10 pour les Fiches de Déclaration Environnementales et Sanitaires demandées pour justifier des impacts environnementaux et sanitaires de certains matériaux. Cette norme étant choisie pour garantir la fiabilité de la mesure et comparer équitablement les produits.
Sur la base du programme, et des critères de candidatures et de jugement des offres intégrant la démarche HQE et le coût global, un concours a été organisé pour sélectionner une équipe de maîtrise d’œuvre.
En définissant des performances à atteindre au travers de labels et normes, le Département a ainsi laissé aux différents candidats la possibilité de proposer diverses solutions innovantes pour répondre à ces objectifs. La créativité et l’innovation n’ont pas du tout été brimées par cette démarche, au contraire.
Sur les cinq projets du concours, tous présentaient une architecture, et des solutions techniques différentes et novatrices par rapport à une opération classique, pour répondre aux exigences fixées.
Pour exemple, le projet retenu propose pour l’atteinte des objectifs de réduction de la consommation d’énergie :
- une conception bioclimatique basée sur l’orientation du bâtiment en fonction du soleil, sur l’usage de végétation à feuilles caduques, sur la compacité du bâtiment ou encore sur le dimensionnement et le positionnement des baies vitrées et la création d’un espace tampon avec une serre pour limiter les déperditions thermiques ;
- le recours aux énergies renouvelables que sont le photovoltaïque en toiture et brises soleil et la géothermie comme mode de chauffage ;
- l’usage d’équipements performants énergétiquement comme les lampes basse consommation ou encore une ventilation double flux qui permet de récupérer les calories de l’air vicié pour préchauffer l’air neuf.
La stratégie d’économie d’énergie proposée pour l’hiver, en phase concours est donc la suivante :
- isolation renforcée et façade végétalisée pour limiter les déperditions thermiques
- entrée d’apports solaires naturels du fait de l’orientation du bâtiment et de l’inclinaison des brises soleil photovoltaïques
- récupération de chaleur de la terre par la géothermie pour alimenter un plancher chauffant
- récupération de chaleur par la serre et la ventilation double flux
De même, à l’inverse, la stratégie de rafraîchissement proposée pour l’été, en phase concours est la suivante :
- isolation renforcée et façade végétalisée pour limiter l’entrée de chaleur
- inclinaison des brises soleil photovoltaïques pensée pour limiter les apports solaires l’été
- récupération de la fraîcheur de la terre par la géothermie (pompe à chaleur réversible) pour alimenter le plancher rafraîchissant (réversible)
- évacuation de la chaleur de la serre par ventilation forcée et surventilation nocturne avec la ventilation double flux afin de stocker l’air frais de la nuit
- cloisons avec des matériaux à changement de phase pour rafraîchir les locaux dès que la température dépasse 23 °C.
Ainsi, ce cas montre les avantages de l’utilisation des normes et labels dans une opération de construction publique, et ce dès la phase programmation. Ceux-ci permettent à la maîtrise d’ouvrage d’atteindre un niveau de performance et de qualité souhaitée tout en laissant à la maîtrise d’œuvre sa liberté d’expression sur ses choix techniques et architecturaux.
Annexe – Jurisprudence pour le Chapitre 4, aspects juridiques CJCE, 22 septembre 1988, 45/87, Dundalk
Le conseil du district urbain de Dundalk a lancé un appel d’offres pour l’attribution d’un marché relatif à la construction d’une canalisation.
Les documents du dossier d’appel d’offres comportaient une clause selon laquelle les conduites en amiante-ciment pour canalisation sous pression devaient être certifiées conformes à une norme irlandaise. Une entreprise irlandaise a répondu à l’appel d’offres en soumettant une offre comportant l’utilisation de conduites fabriquées par une entreprise espagnole, non certifiées selon la norme irlandaise, mais conforme à la norme ISO (160 : 1980). Les autorités irlandaises ont répondu à l’entreprise que son offre ne serait pas acceptée.
Par conséquent, la commission a introduit un recours contre l’Irlande pour manquement à l’obligation de libre circulation des marchandises (article 28 CE) de la directive 71/305/CEE concernant l’attribution de marchés publics de travaux.
Premièrement, la CJCE a rejeté le recours pour manquement à la directive sur les marchés publics 71/305/CEE, car le marché n’appartenait pas au champ d’application de la directive. Le fait que le gouvernement irlandais avait publié l’avis de marché dans le Journal Officiel, soit par erreur, soit parce qu’ils avaient l’intention de demander une contribution de la communauté pour financer les travaux, ne faisait pas non plus entrer le marché dans le champ d’application de la directive.
Deuxièmement, la CJCE a noté que la référence à la norme irlandaise dans le cahier des charges peut conduire les opérateurs économiques qui ont produit ou ont utilisé les conduites équivalentes mais non certifiées conformes aux normes irlandaises, à ne pas soumissionner. En outre, le fait que seule une entreprise irlandaise ait été certifiée pour appliquer la norme irlandaise a renforcé la conclusion que cette pratique a eu un effet restrictif sur le commerce intracommunautaire.
La CJCE n’a pas accepté la justification du gouvernement irlandais lié aux difficultés techniques au cas où d’autres conduites auraient été achetées, parce que l’objet de l’affaire actuelle était le refus des autorités irlandaises de vérifier si les conduites certifiées conformes à d’autres normes répondait aux exigences de l’offre.
Par conséquent, en stipulant que les conduites de pression d’amiante-ciment devaient être certifiées comme se conformant à la norme irlandaise, l’Irlande avait manqué à ses engagements en vertu de l’article 28 du Traité CE.
CJCE, 3 décembre 2001, C-59/00 Bent Mousten Vestergaard
L’organisme public d’habitations à loyers modérés danois, Spøttrup Boligselskab avait lancé un appel d’offres dans le cadre d’une procédure ouverte portant sur la construction de vingt logements sociaux, dont la valeur était en dessous du seuil européen. Pour le lot de menuiserie de chaque site, les documents contractuels contenaient une clause demandant que les fenêtres et les portes des maisons soient d’une certaine marque. M. Vestergaard, maître charpentier, avait soumis les offres les plus basses pour deux des lots de menuiserie et celles-ci avaient été retenues. Son offre était cependant basée sur une marque différente de celles demandées dans la clause de marché. M. Vestergaard avait finalement utilisé la marque requise dans le marché, ce qui avait conduit à des coûts supplémentaires. Il formait donc un recours devant une cour nationale pour le paiement du supplément de prix.
Dans cet arrêt, la cour nationale demandait à la CJCE si un pouvoir adjudicateur agit contrairement aux règles fondamentales du Traité CE en incluant une clause exigeant l’utilisation d’un produit déterminé, sans inclure les mots « ou équivalent », dans un marché public de travaux qui tombe en dehors du champ d’application des directives étant donné que le marché n’atteint pas les seuils requis.
Le CJCE souligna que les marchés ayant une valeur inférieure aux seuils européens doivent être conformes aux règles fondamentales du Traité, parmi lesquelles la libre circulation des marchandises (art. 28 CE). La Cour statua que le fait de ne pas ajouter les mots « ou équivalent » après la nomination dans les documents contractuels d’un produit particulier peut avoir un effet restrictif sur le commerce intracommunautaire, contrairement à l’article 28 du Traité.
Par conséquent, l’article 28 CE exclut qu’un pouvoir adjudicateur mentionne dans les documents contractuels une clause exigeant l’utilisation d’un produit d’une marque déterminée, sans ajouter les mots « ou équivalent ».
CJCE, 14 juin 2007, C-06/05, Medipac-Kazantzidis AE
L’hôpital grec Venizelio-Pananio avait lancé un appel d’offres pour la fourniture de sutures chirurgicales avec (d’une) une valeur de 131,500 e, sur la base du prix le plus bas comme critère d’attribution. Dans l’avis de marché, il était exigé qu’elles soient conformes à la monographie européenne de pharmacopée de la directive « nouvelle approche » 93/42/CEE sur les dispositifs médicaux (en tant qu’équivalent à la norme harmonisée développée sur la base de cette directive), et qu’elles disposent du marquage CE. Neuf entreprises ont répondu à l’offre, parmi lesquelles Medipac.
Dans cet arrêt, une cour grecque posait la question de savoir si l’hôpital pouvait rejeter un produit marqué CE en raison de ses insuffisances techniques (les chirurgiens de l’hôpital ont considéré que les types de sutures fournis par Medipac se refermaient prématurément, ne s’étaient pas suffisamment maintenus et que les aiguilles s’étaient fréquemment brisées ou déformées). Dans le cas où la CJCE jugeait que l’hôpital devait mettre en œuvre la procédure de sauvegarde de la directive 93/42/CEE, la cour grecque demandait si le résultat de cette procédure s’imposait à l’hôpital. La CJCE commença (tout d’abord) par préciser que le marché en question n’entrait pas dans le champ d’application des directives mais que le pouvoir adjudicateur devait se conformer aux principes généraux du Traité CE, tels que l’égalité de traitement et la transparence. Ensuite, la CJCE statua que le conseil d’administration ne pouvait pas trancher seul qu’un produit certifié selon la directive « nouvelle d’approche » (donc marqué CE) et conforme avec une norme harmonisée, puisse constituer un risque pour la santé publique. Le conseil d’administration devait suspendre la procédure de passation du marché et attendre le résultat de la démarche de sauvegarde prévue dans l’art et 18 de la directive 93/42 (procès-verbal au service d’hygiène national l’insuffisance des matériaux) et devait respecter la décision prise par la Commission suivant la démarche.
Néanmoins, en vertu de l’objectif de protection de la santé publique, l’hôpital serait autorisé, sur la base du traité de CE, à se fonder sur une exigence impérative d’intérêt général. Dès lors, il pouvait obtenir les dispositifs médicaux nécessaires à son fonctionnement continu, à condition que les mesures prises soient conformes au principe de proportionnalité
CJCE, 7 juin 2007, C-254/05, Commission contre Royaume de Belgique
Dans cette affaire, la Commission européenne avait engagé une action contre la Belgique, pour manquement à ses obligations au regard de l’art. 28 CE relatif à la libre circulation des marchandises. La Belgique avait adopté une législation nationale, ainsi qu’une pratique administrative, consistant à exiger la conformité des dispositifs de détection de feu avec la norme belge S21-100, sujet à la certification par l’organisme belge pour la certification de la sécurité (BOSEC). D’ailleurs, BOSEC ne reconnaissait pas les essais déjà effectués dans d’autres États Membres ce qui engendrait des coûts disproportionnés et des retards pour les opérateurs économiques.
La Commission considérait que la législation belge et la pratique administrative visée constituaient une entrave à la libre circulation des dispositifs de détection de feu, légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État Membre et garantissant un niveau équivalent de protection par rapport aux dispositifs conformes aux normes belges. La Commission s’inquiétait en particulier du niveau de détail des exigences imposées par la norme Belge concernant certains composants des dispositifs de détection de feu. Ces conditions impliquaient que les opérateurs économiques modifient leurs produits afin de les commercialiser sur le marché belge. La norme NBN S21-100 fonctionnait donc comme une norme obligatoire pour les producteurs qui souhaitaient commercialiser leurs systèmes de détection de feu sans le marquage CE sur le marché belge.
Les marchandises concernées par cette affaire (à savoir les systèmes de détection de feu automatiques) n’avaient pas encore été harmonisées au niveau européen au moment de ce contentieux. Mais l’harmonisation était en cours, dans le cadre de la directive 89/106/EEC concernant des produits de construction, alors que les normes européennes harmonisées (EN-54), développées sur la base d’un mandat émanant de la directive, couvraient seulement quelques composants des dispositifs de détection de feu. Par conséquent, le principe de reconnaissance mutuelle s’est appliqué aux produits en question, selon lequel la Belgique ne pourrait pas refuser les dispositifs de détection de feu qui ont été légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État Membre et qui garantissaient des niveaux équivalents de protection.
Le CJCE précisa que la norme belge n’était pas une simple répétition de la norme européenne harmonisée, car il n’y avait aucune harmonisation complète au niveau européen pour des dispositifs de détection de feu. La CJCE donna ensuite raison à la Commission en reconnaissant que la norme belge avait effectivement eu pour conséquence d’imposer aux opérateurs économiques d’autres États Membres d’adapter leurs appareils à certaines conditions spécifiques. Ces opérateurs devaient ainsi supporter les coûts supplémentaires liés à une telle adaptation, s’ils voulaient entrer dans le marché belge. Par conséquent, cela constituait une mesure ayant un effet restrictif sur les importations, interdite par l’article 28 CE. La CJCE rejeta la justification de la Belgique invoquant une exigence d’intérêt général (basée sur l’article 30 CE) car aucune preuve concrète n’avait été fournie pour appuyer cette revendication. La CJCE en concluait donc que l’obligation de certification constituait également un obstacle à la libre circulation des marchandises et était disproportionnée.
Selon la CJCE, la Belgique n’avait donc pas respecté ses engagements en vertu de l’article 28 CE.
CJCE, 3 mars 2005, affaires C-21/03 et C-34/03 Fabricom SA v État belge
L’entreprise Fabricom avait engagé une procédure devant le Conseil d’État belge afin d’annuler certaines dispositions légales belges qui excluaient toute personne ayant mené des travaux préparatoires relativement à un marché public ou toute entreprise connectée à une telle personne, de participer à ce marché. La cour belge faisait référence à la directive 92/13 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’application des règles communautaires sur les procédures des marchés publics des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, de transport et de télécommunications.
La CJCE rappela que le principe de l’égalité de traitement est au cœur des directives marchés publics, qui ont pour objectif de favoriser la concurrence effective dans les domaines auxquels elles s’appliquent. Une personne qui a participé à certains travaux préparatoires peut être favorisée en formulant son offre, mais cette personne devrait néanmoins avoir la possibilité de démontrer que sa candidature ne risque pas de fausser la concurrence. En conclusion, la disposition belge dépassait donc ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif de l’égalité de traitement pour tous les soumissionnaires. Elle était donc contraire aux règles de la Communauté européenne. Ainsi, la CJCE estimait qu’un pouvoir adjudicateur ne pouvait pas refuser, à une entreprise liée à toute personne qui a mené des travaux préparatoires relatifs au marché public, de participer à la procédure ou de soumettre une offre, quand l’entreprise démontrait qu’elle n’avait pas de ce fait obtenu un avantage susceptible de fausser la concurrence.
SITES INTERNET UTILES
Site internet du projet
http ://www.europe-innova.org/
Organismes de normalisation
Niveau européen :
http ://www.cen.eu
Organismes nationaux de normalisation
Allemagne www.din.de
Autriche www.on-noem.at
Belgiquewww.nbn.be
Bulgarie www.bds-bg.org
Chypre www.cys.org.cy
République Tchèque www.cni.cz
Danemark www.ds.dk
Espagne www.aenor.es
Estonie www.evs.ee
Finlande www.sfs.fi
France www.afnor.org
Grèce www.elot.gr
Hongrie www.mszt.hu
Irlande www.nsai.ie
Italie www.uni.com
Lettonie www.lvs.lv
Lituanie www.lsd.lt
Luxembourg www.see.lu
Malte www.msa.org.mt
Pays-Bas www.nen.nl
Pologne www.pkn.pl
Portugal www.ipq.pt
Roumanie www.asro.ro
Slovaquie www.sutn.gov.sk
Slovénie www.sist.si
Suède www.sis.se
Royaume-Uni www.bsi-global.com
Perinorm http ://www.perinorm.com/
Site internet sur la nouvelle approche de la normalisation : http ://www. newapproach.org/
Directives
2004/17/EC :
http ://eurlex.
europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:134:0001:0113:EN:PDF
2004/18/EC :
http ://eurlex.
europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:134:0114:0240:EN:PDF
2007/66/EC :
http ://eurlex.
europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2007:335:0031:0046:EN:PDF
COM (2005), 488 final, 12-10-2005 :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2005:0488:FIN:EN:PDF
Journal Officiel de l’Union européenne :
http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/standardization/harmstds/reflist.html
Steppin Project Partners :
Virage B.V (coordinator) www.virage.nl
Corvers Procurement Services : www.corvers.nl
NEN, Nederlands Normalisatie Instituut : www.nen.nl
FIR www.fir.rwth-aachen.de
AENOR www.aenor.es
DIN www.ebn.din.de
DS www.ds.dk
Pleon UK Ltd www.pleon.nl
Fraunhofer ISI www.isi.fraunhofer.de
CEN www.cen.eu
Consip S.p.À, Research Unit www.consip.it
BME e.V www.bme.de
CIPS www.cips.org
Apasp www.apasp.com