En décembre dernier, la Cour des comptes européenne remettait un rapport retentissant sur les marchés publics dans l’Union européenne (UE). Avec une conclusion catégorique : la directive de 2014 est inefficace pour garantir la concurrence, les rapporteurs faisant état d’une baisse du niveau de concurrence entre 2011 et 2021. Constat appuyé notamment par deux éléments : l’augmentation du nombre de marchés à candidat unique et un fort taux d’attribution directe des marchés.
Une possible révision des directives
Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes, la Commission européenne reconnaissait la nécessité d’un nouveau « cadre juridique moderne, plus ciblé et numérisé, prévoyant des procédures simplifiées et une utilisation plus stratégique des marchés publics ». Un rapport et une réponse qui ont conduit le Conseil de l'Union européenne a publié le 3 juin dernier ses recommandations.
Il ouvre lui aussi la porte à une révision des directives au cours de la prochaine mandature (2024-2029). Il demande ainsi à la Commission européenne de procéder à une analyse approfondie de la réglementation en vigueur, laquelle « pourrait donner lieu à l'établissement d'un diagnostic, au lancement d'une analyse d'impact réglementaire et, sur la base de ses conclusions, à une éventuelle proposition de règles nouvelles favorisant des marchés publics durables et une concurrence équitable et effective tout en parvenant, dans la mesure du possible, à la suppression des obstacles administratifs excessifs et inutiles et à la rationalisation des dispositions réglementaires actuelles ».
Pas de concurrence à tout prix
Il est à cet égard attendu de la Commission qu'elle joue les équilibristes. Tout en reconnaissant l’importance de « préserver une économie ouverte », le Conseil insiste sur « la nécessité pour le cadre juridique des marchés publics de veiller à ce que les pouvoirs adjudicateurs et les entités puissent tenir dûment compte de la résilience, de la sécurité d’approvisionnement et de la concurrence équitable pour répondre au besoin essentiel d’autonomie stratégique de l’Union. »
Préférence européenne
Des objectifs déjà au cœur des derniers travaux de Bruxelles. Le règlement sur l’instrument relatif aux marchés publics internationaux du 23 juin 2022 (règlement UE 2022/1031) a par exemple instauré un principe de réciprocité avec les pays tiers quant à l’accès aux marchés publics. Celui du 14 décembre 2022 sur les subventions étrangères (règlement UE 2022/2560) permet d’exclure des candidats ayant bénéficié de contributions financières provenant d’un Etat tiers et leur procurant un avantage indu.
Quant au règlement Net Zero Industry Act, adopté par le Parlement européen fin avril, il contient l’obligation pour les acheteurs de prévoir des critères de durabilité et de résilience dans les marchés portant sur des technologies renouvelables. Enfin, le règlement « matière première critique », actuellement en phase de trilogue, prévoit, lui, l’obligation de prendre en compte le contenu recyclé de l’offre dans les marchés relatifs aux matières premières stratégiques (comme les terres rares ou les métaux).
Renforcer la professionnalisation des acheteurs
Pour autant les directives ne seraient pas nécessairement à l’origine des difficultés soulevées dans le rapport de la Cour des comptes. Le Conseil insiste aussi sur le rôle des Etats membres et des acheteurs pour favoriser la concurrence et l’achat durable. Ainsi si les procédures de passation restent trop lourdes selon la Cour, ce pourrait être en raison de mauvaises pratiques des pouvoirs adjudicateurs. Le Conseil invite dès lors la Commission et les États membres « à prendre des initiatives ou à développer celles visant à renforcer leur professionnalisation ».
De la même façon, si le prix reste prédominant dans le choix des acheteurs publics, il revient avant tout aux Etats de « déterminer dans quelle mesure les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent ou non utiliser uniquement le prix ou le coût comme seul critère d'attribution ». Pour inciter les pays qui n’auraient pas adopté de normes favorisant la prise en compte d’autres critères, le Conseil fixe comme objectif à la Commission de promouvoir l’achat public durable.
Ne pas trop contraindre
Le Conseil demande aussi à veiller à ce que « les acheteurs conservent une certaine flexibilité pour définir la nature de considérations stratégiques et déterminer s’ils les incluent dans leurs procédures ». Une recommandation qui ne va pas dans le sens de la réglementation française qui, pour rappel, prévoit l’obligation au plus tard à partir d’août 2026 de prévoir une considération environnementale dans tous les marchés publics (article 35 de la loi Climat et résilience de 2021).
Enfin, le Conseil souhaite que l'ensemble de ces objectifs soit concilié avec celui de favoriser l’accès des TPE-PME à la commande publique.








