Vous souhaitez mettre fin à la commercialisation de véhicules neufs thermiques en 2035. Comment, d’ici là, couvrir la France de bornes de recharges pour les véhicules électriques ?
Il est effectivement insensé, comme l’a fait le Président sortant, d’avancer vers des obligations et des interdictions sans entreprendre en parallèle une politique d’équipement massif en bornes de recharge ! En effet, on assiste à une croissance importante des ventes de véhicules électriques, mais où sont les 100 000 bornes publiques promises par le gouvernement pour 2021 puis pour 2022 ?
Notre calendrier de référence est le suivant : arrêt de la vente des véhicules thermiques en 2035, à l'exception des hybrides rechargeables neufs autorisés jusqu'en 2040. Nous travaillerons également à des obligations anticipées pour les flottes professionnelles. Je demanderai aux loueurs de voitures de ne plus acheter que des véhicules électriques à l'horizon 2030, pour que le marché de l'occasion soit alimenté par les reventes des loueurs.
Je veux un déploiement massif de bornes électriques puissantes sur les grands axes routiers et un plan de couverture du territoire en bornes électriques piloté par les Régions, avec un objectif de 200 000 bornes d'ici à la fin du quinquennat. Parmi les freins à l’achat, la peur de ne pouvoir recharger facilement son véhicule pour les déplacements domicile-travail et a fortiori pour les déplacement en vacances ou le week-end reste forte et doit être rapidement levée en s’appuyant sur des entreprises et start-up françaises de premier plan dans ce secteur. Il faut aussi poursuivre le déploiement des bornes dans les copropriétés et les futures bornes
« plug and charge » qui fonctionnent sans cartes.
Vous ne développerez l'éolien terrestre qu'avec l'accord de la population. N'est-ce pas une manière de condamner cette source d’énergie ?
Le Président sortant a indiqué repousser à 2050 l'objectif de 2030 pour l'éolien terrestre, reconnaissant que le rythme d'installation à marche forcée qu'il avait imposé a atteint les limites de l'acceptabilité. Dans certains territoires, elles sont même dépassées. Je rendrai aux élus et aux populations le pouvoir de dessiner leurs territoires. Aucun projet ne sera mis en oeuvre contre leur volonté et les projets non consensuels seront réexaminés.
Vous entendez laisser aux maires la possibilité d’adapter localement l’objectif national de zéro artificialisation nette (ZAN). Puisque personne n'ira au-delà, cela ne signifie-t-il pas y renoncer ?
A mes yeux, le zéro artificialisation nette doit rester un objectif à l’échelle nationale. Mais j’insiste sur le « net » qui suppose de faire émerger des projets qui viendront compenser l’artificialisation. La loi Climat et résilience de l’été dernier a fait l’impasse sur ce point, et aujourd’hui encore les experts se déchirent sur la qualification même de l’artificialisation à la faveur des décrets d’application mis en consultation. Nous aurons à terme de belles opportunités de compensation à grande échelle, à l’image de la forêt de Pierrelaye en Ile-de-France, cette forêt du Grand Paris de plus de 1350 hectares qui se développera sur d’anciens terrains pollués. Il n’y a donc pas lieu de renoncer à l’objectif national.
En revanche, compte-tenu du flou artistique actuel entretenu par le gouvernement sortant, la philosophie du ZAN est interprétée comme l’arrêt pur et simple de toute artificialisation des terres. Donc, les projets dont le pays a tant besoin sont bloqués, voire remis en question.
A ce stade, le gouvernement sortant ne prévoit qu’une approche descendante, chaque document d’urbanisme depuis les Sraddet jusqu’aux PLU devant interpréter à son échelle l’objectif ZAN. Tant que ce travail ne sera pas terminé, ce qui prendra des années, les projets resteront bloqués de peur d’être plus tard annulés.
En outre, cette approche va figer les capacités de développement de nos territoires, en contradiction avec la liberté que je veux laisser aux Français de pouvoir se loger et travailler là où ils le souhaitent et là où ils le peuvent, pour bien vivre partout en France. C’est dans cette logique que, en fonction des besoins, nous allègerons la contrainte posée par la pratique actuelle du ZAN pour les communes qui n’ont pas de capacité suffisante en renouvellement urbain. Ma méthode consiste à faire confiance aux maires de ces territoires qui seront au coeur de la relance de la construction que je porte. Je veux donc une approche du ZAN intelligente et concertée, non pas imposée aux territoires mais travaillée avec eux.
Si vous êtes élue, les maires pourront décider de l’affectation de 60% des logements sociaux. Ne prenez-vous pas le risque du clientélisme ?
Je ne partage bien évidemment pas votre défiance à l’égard des maires ! Comme les Français, j’ai confiance en eux ! Les Français sont très largement attachés à leur maire qu’ils n’hésitent pas à solliciter pour répondre à leurs difficultés, y compris de logement. Parmi leurs grands mérites, ils ont notamment celui de très bien connaître leur population et ses besoins.
Les élus m’ont fait part de situations ubuesques : alors qu’ils ont des familles mal logées dans leur commune répondant aux critères des nouveaux logements sociaux, ce sont bien souvent des ménages venus d’autres communes, intercommunalités voire départements, qui bénéficient de ces logements.
L’approche actuelle contribue en outre à augmenter le temps de trajet entre domicile et travail pour les bénéficiaires de ces nouveaux logements sociaux. Je veux donc mettre un terme à cette logique inefficace.
Vous souhaitez régionaliser les politiques du logement. Quels dispositifs seront concernés ?
Notre ambition consiste effectivement à faire mieux coïncider les politiques du logement et les réalités locales des marchés immobiliers. Nous allons donc en partie décentraliser les différents outils d’aide à l’accession, en particulier le PTZ généralisé que je porte.
Je souhaite également rapprocher du terrain les politiques publiques portées aujourd’hui par des agences nationales. Cette régionalisation permettra aussi de faire le lien avec les filières professionnelles et la formation. Cela vaut pour la rénovation énergétique autour de l’Anah, mais aussi pour la rénovation urbaine qui est à l’arrêt depuis sept ans. C’est l’équivalent d’une mandature municipale qui a été perdue pour l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers populaires. Nous allons donc relancer la politique de rénovation urbaine. Nous allons l’accélérer, l’intensifier et surtout la simplifier autour de cette régionalisation : il faut que l’Anru et l’Etat fassent plus confiance aux élus de terrain, il faut débureaucratiser toutes ces procédures où s’enlisent les projets.
Vous entendez fusionner Livret A et LDDS pour financer la rénovation énergétique. Pouvez-vous détailler ce dispositif et ses objectifs ?
En effet, nous fusionnerons le livret A et le livret développement durable en un livret vert doté de 470 milliards de ressources, dont 120 pourront être utilisés pour de nouvelles applications de la transition énergétique que la Caisse des Dépôts n'est pas autorisée à financer aujourd'hui, comme les infrastructures ferroviaires et les bornes de recharge électrique.
Notre série d’interviews des candidats
A l'approche du premiers tour de l'élection présidentielle, « Le Moniteur » a sollicité les six candidats les mieux placés dans les sondages afin de les questionner sur les thématiques du logement, de l’énergie et de l’aménagement du territoire. Nous les avons interrogés sur des points précis de leur programme, afin qu’ils détaillent leurs propositions. Ces réponses nous sont parvenues par écrit.
L’équipe de Marine le Pen a répondu ne « pas pouvoir prendre le temps de répondre à [nos] questions ». Celle d’Eric Zemmour n’a jamais donné suite malgré nos relances.