Jurisprudence

Permis de construire : la régularisation joue les prolongations

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Pour le Conseil d'Etat, une autorisation illégale peut être examinée hors délais par le juge.

 

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Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2020/10/02N°438318
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2021/03/17N°436073
Conseil d'Etat (CE)Décision du 1973/03/23N°80513
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2014/06/18N°376760

Le régime du sursis à statuer prévu à l' est une nouvelle fois affiné par le Conseil d'Etat. Grâce à cette disposition, le juge administratif peut, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, surseoir à statuer s'il estime qu'un vice entraînant l'illégalité d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé. Il doit au préalable « avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux ». Pour rappel, ce régime a été créé par l' relative au contentieux de l'urbanisme, puis modifié par la loi Elan du 23 novembre 2018.

Dans un arrêt du 16 février 2022 (n° 420554, publié au recueil Lebon), la Haute juridiction administrative apporte des précisions, d'une part, sur ce délai de régularisation, et d'autre part sur le délai pour contester la mesure de régularisation ainsi que sur l'étendue du contrôle du juge sur celle-ci.

Une jurisprudence abondante. L'application de ces dispositions fait régulièrement l'objet de précisions de la part du Conseil d'Etat. Parmi les plus récentes et importantes, figurent l'encadrement des hypothèses dans lesquelles le juge administratif est contraint d'y recourir, la distinction opérée avec le champ d'application du permis de construire modificatif (, publié au Recueil) ou encore l'articulation avec les dispositions de l' qui permet de prononcer une annulation partielle en cas de vice n'affectant qu'une partie du projet en cause (, mentionné aux Tables). La décision du 16 février dernier est la dernière illustration de ces précisions prétoriennes.

Dans cette affaire, une association contestait huit permis de construire délivrés par un préfet de région à une société pour l'implantation de six éoliennes et deux postes de livraison. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat a jugé que le vice de procédure selon lequel l'avis de l'Autorité environnementale ne répondait pas aux exigences de la alors en vigueur, était régularisable. Il a ainsi, par une décision avant dire droit, sursis à statuer et laissé à la société un délai de trois mois - ou six mois en cas de nouvelle enquête publique -, à compter de la notification de sa décision, pour régulariser.

Régularisation possible au-delà du délai fixé par le juge

Conformément à l'article L. 600-5-1 précité, le juge administratif qui met en œuvre le sursis à statuer doit fixer un délai pour la régularisation. Or, en l'espèce, si plusieurs permis de régularisation avaient bien été notifiés au Conseil d'Etat, ceux-ci l'avaient été bien au-delà du délai imparti par le juge dans sa décision avant dire droit. Toutefois et c'est le premier apport de l'arrêt du 16 février 2022, la Haute juridiction administrative a considéré que « si, à l'issue du délai qu'il a fixé dans sa décision avant dire droit pour que lui soient adressées la ou les mesures de régularisation du permis de construire attaqué, le juge peut à tout moment statuer sur la demande d'annulation de ce permis et, le cas échéant, y faire droit si aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée, il ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu'il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué ». Autrement dit, une régularisation notifiée au-delà du délai fixé par le juge doit être prise en compte si la décision n'a pas encore été rendue et que l'instruction n'est pas close.

« Un délai couperet » vide de sens. Cette solution, déjà appliquée par certaines juridictions du fond () est justifiée au regard de l'objectif poursuivi par l'article L. 600-5-1. Comme le relève Stéphane Hoynck, rapporteur public, dans ses conclusions sous l'arrêt, l'instauration d'un « délai couperet » apparaîtrait vide de sens dès lors qu'« il serait paradoxal de placer un écran de plexiglas entre le juge qui n'a pas encore statué et la régularisation qui est à portée de jugement, en lui opposant le délai de régularisation qu'il a fixé ». Il se réfère notamment aux travaux de la commission Maugüé préfigurant la loi Elan, laquelle soulignait que le but des techniques de régularisation était de « donner une chance supplémentaire au pétitionnaire de réaliser son projet sans aucune annulation contentieuse ».

   Il s'agit de donner une nouvelle chance au pétitionnaire de réaliser son projet sans annulation contentieuse.

Pas de condition de délai pour contester la mesure de régularisation

Le Conseil d'Etat s'est également prononcé sur le délai dont dispose la partie adverse pour contester le permis de construire de régularisation une fois celui-ci notifié. En effet, dans cette affaire, le bénéficiaire des permis de construire litigieux invoquait le fait que les moyens dirigés contre la mesure de régularisation étaient tardifs puisqu'ils avaient été présentés au-delà d'un délai de deux mois à compter de la notification de ladite régularisation. Le requérant se fondait sur une jurisprudence de 1973, dite « Compagnie d'assurance l'Union », dont l'analyse précise que « le délai de recours ouvert contre un permis de construire remplaçant, en cours d'instance, le permis de construire attaqué ne court à l'égard de la partie demanderesse qu'à compter de la notification qui lui en aura été faite » (, publié au Recueil). Par transposition, la société soutenait qu'un délai de deux mois était imparti pour contester le permis de régularisation à compter de sa notification aux parties.

Avant le jugement au fond. Telle n'est pas la solution retenue par le Conseil d'Etat. Suivant les conclusions de son rapporteur public, il a considéré que « les requérants parties à l'instance ayant donné lieu à la décision avant dire droit sont recevables à contester la légalité de la mesure de régularisation produite dans le cadre de cette instance, tant que le juge n'a pas statué au fond, sans condition de délai ».

A noter que si les parties peuvent donc immédiatement contester la mesure de régularisation produite, les dispositions de l' relatif au contentieux restent néanmoins applicables : les parties à l'instance ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à l'encontre du permis de régularisation passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense le concernant.

L'étendue du contrôle du juge sur l'autorisation régularisée

Enfin, le Conseil d'Etat a apporté des éléments concernant les vices invocables après la production du ou des permis de régularisation. Dès 2014, la Haute juridiction avait considéré qu'« à compter de la décision par laquelle le juge fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre le permis modificatif notifié, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier » (, publié au Recueil). Dans sa décision du 16 février dernier, le Conseil d'Etat complète ce considérant de principe, après avoir remplacé la notion de « permis modificatif » par celle d'« acte de régularisation ». Une nuance qui permet de ne pas appliquer au permis de régularisation le régime applicable au permis de construire modificatif. Ainsi, « les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation ».

Par conséquent, et dans la continuité de la jurisprudence antérieure, seuls les vices propres à la régularisation et ceux révélés par la procédure de régularisation - comme la production d'un plan faisant apparaître une non-conformité au PLU qui ne ressortait pas des plans initialement produits - peuvent être invoqués.

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Date de réponse 21/10/2025