Recouvrer les pénalités de retard avant l'établissement du décompte général et définitif

En principe, la règle d’unicité du décompte général et définitif (DGD) s’oppose à ce que le maître d’ouvrage public puisse émettre un titre de recettes exécutoire pour le recouvrement des pénalités de retard avant l’établissement du DGD. Mais un arrêt récent montre que le contrat peut déroger à ce principe.

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Recouvrement des pénalités de retard

La plupart des maîtres d’ouvrage publics ont le privilège de pouvoir émettre des titres de recettes exécutoires leur permettant, telle une décision de justice, de constater et poursuivre l’exécution forcée de leurs créances.

De ce fait, le recours au juge leur est même en principe interdit, excepté notamment en matière contractuelle (1).

Bien entendu, un tel pouvoir s’exerce sous le contrôle du juge. Le débiteur peut en effet former un recours en annulation contre le titre de recettes, un tel recours ayant du reste un effet suspensif.

Sur le fond, la légalité du titre de recettes est notamment subordonnée au caractère liquide et exigible de la créance en cause.

La créance doit être liquide et exigible

En pratique, le montant des acomptes restant dus à l’entrepreneur n’est pas toujours suffisant pour que le maître d’ouvrage puisse précompter l’intégralité des pénalités de retard éventuellement encourues par celui-ci au fur et à mesure de l’exécution du marché. Dans ce cas, plutôt que d’attendre l’établissement du décompte général et définitif (DGD), le maître d’ouvrage peut être tenté d’émettre un titre de recettes exécutoire.

Mais selon une position commune à plusieurs cours administratives d’appel (2), une telle démarche encourt la censure. En effet, les pénalités de retard ainsi mises en recouvrement par le maître d’ouvrage ne peuvent être regardées, eu égard à la règle d’unicité du DGD, comme étant liquides et exigibles avant l’établissement dudit décompte (3).

Au demeurant, le Conseil d’Etat précise que le caractère liquide et exigible de la créance du maître d’ouvrage relative au solde débiteur du marché, qui peut donc en principe seule donner lieu à l’émission d’un titre de recettes exécutoire, suppose que le décompte général ait été régulièrement établi (4).

Toutefois, par exception à la règle d’unicité du DGD, les stipulations particulières du marché (CCAP) peuvent autoriser le maître d’ouvrage à émettre un titre de recettes exécutoire pour le recouvrement des pénalités de retard.

A force d'être répétée, et compte tenu de l’abstraction qu’elle semble faire des stipulations du marché, la formule jurisprudentielle précitée d’où se déduit la règle d’unicité du DGD (cf. note de bas de page n° 3) pouvait apparaître comme l’expression d’un principe d’ordre public.

Le Conseil d’Etat a toutefois récemment confirmé  que l’unicité du DGD est une règle de nature contractuelle, en jugeant que si les parties à un marché public peuvent toujours convenir d’en solder les comptes dans un décompte général et définitif, elles n’y sont pas tenues (5). Mais pour ce qui est des marchés publics de travaux, la pratique, issue notamment du CCAG travaux, est systématiquement de convenir de solder les comptes du marché dans un décompte général et définitif.

Cela correspond du reste à une obligation tirée des dispositions réglementaires interdisant les règlements partiels définitifs, auxquelles sont soumis, par exception, la plupart des marchés publics de travaux ; seuls sont alors possibles des aménagements ponctuels à la règle d’unicité du décompte compatibles avec cette interdiction.

Tout dépend du CCAP

Précisément, ainsi que la cour administrative d’appel de Nancy vient de l’admettre dans un arrêt du 9 juin 2016, le CCAP du marché peut tout à fait prévoir, par dérogation à la règle d’unicité du DGD, que les pénalités de retard peuvent donner lieu à l’émission d’un titre de recettes exécutoire en cours d’exécution du marché (6).

Toutefois, sauf précision contraire, il nous semble que le maître d’ouvrage n’est pas pour autant dispensé de reprendre la créance correspondante dans le décompte général si, au moment de le signer, le titre de recettes n’est toujours pas à l’abri de toute contestation de la part de l’entrepreneur (7), sous peine d’être considéré comme ayant définitivement renoncé à ladite créance, ce qui constituerait alors un motif d’annulation du titre de recettes.

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