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Refonte des CCAG marchés publics: ce qu’envisage la DAJ

Des groupes de travail se réuniront dès septembre pour aboutir début 2020 à une réécriture des cinq cahiers des clauses administratives générales (CCAG) utilisés par les acheteurs publics. Une consultation vient d’être menée par Bercy pour établir la feuille de route de ces ateliers. Au menu : conditions financières plus avantageuses pour les entreprises, démat' de bout en bout, renforcement des clauses sur les déchets et le travail illégal...

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Le ministère de l'Economie et des Finances à Paris Bercy

Les grandes orientations de la révision des CCAG marchés publics commencent à se dessiner. La Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy a en effet adressé début mai aux acteurs de la commande publique un questionnaire détaillé - 21 pages - afin de recueillir leur avis sur les CCAG actuels et leur utilisation, ainsi que sur des propositions d’évolution de ces documents.

Cette phase de consultation est à présent terminée. Reste pour la DAJ à analyser les retours afin d’alimenter les groupes de travail qui commenceront à plancher en septembre sur les nouvelles moutures des cinq CCAG : travaux ; fournitures courantes et services (FCS) ; prestations intellectuelles (PI) ; marchés industriels (MI) ; et techniques de l’information et de la communication (TIC).

Des documents très utilisés

Pour mémoire, ces cahiers de clauses établissent les stipulations administratives applicables à chaque catégorie de marchés publics, à condition toutefois que les acheteurs s’y réfèrent expressément dans leurs pièces contractuelles. Selon Bercy, leur usage est très courant : « Près de 70 % des marchés publics [recensés] passés par l’Etat et plus de 99 % de deux passés par les acteurs locaux font référence à un CCAG ».

Mise à jour et coup de jeune

Leur dernière mouture date de 2009. Et leur refonte était annoncée de longue date, car il est devenu nécessaire de mettre ces CCAG à jour notamment de l’entrée en vigueur du Code de la commande publique le 1er avril dernier, mais aussi des autres évolutions législatives, réglementaires (RGPD, loi Pacte, etc.) ou jurisprudentielles intervenues en dix ans. La DAJ souhaite aussi en profiter pour opérer une modernisation des documents.

La lecture du questionnaire, support de la consultation, permet de voir quelles sont les principales évolutions envisagées.

Bercy étudie tout d’abord la possibilité d’ajouter une annexe à chaque CCAG, qui répertorierait tous les points sur lesquels un acheteur doit ou peut apporter des précisions ou des dérogations aux stipulations du CCAG, au sein de son cahier des clauses administratives particulières (CCAP). Tout est en effet modulable, sous réserve de respecter bien entendu les règles de la commande publique...

Besoin de nouveaux CCAG ?

Au passage, le questionnaire interroge les acheteurs sur le point de savoir si les champs respectifs de chaque CCAG mériteraient d’être revus, ou s’il serait nécessaire de créer de nouveaux CCAG. C’est ainsi, lors de la réforme de 2009, que le CCAG TIC était né. Certains praticiens aimeraient aujourd’hui disposer d’un CCAG conception-réalisation ou encore d'un CCAG marché global.

La Mission interministérielle pour la qualité dans les constructions publiques (Miqcp) avait, de son côté, en 2010, proposé un cahier des clauses administratives applicables aux marchés de maîtrise d’œuvre dans la construction, élaboré à partir du CCAG PI. Bercy demande aux personnes consultées si elles souhaiteraient que soit créé un tel CCAG maîtrise d'oeuvre.

Politiques publiques

De nombreuses modifications concerneront l’ensemble des CCAG. Tout d’abord, il faudra les nettoyer des références et termes obsolètes pour les remplacer par des renvois aux articles du Code de la commande publique et par le nouveau vocabulaire. Bercy soulève aussi la question de poursuivre l’harmonisation du tronc commun des différents CCAG menée lors de la refonte de 2009.

Mais la démarche ne se cantonne pas à la forme. La révision des CCAG pourrait aussi venir appuyer les politiques d’accès des PME et TPE à la commande publique, en réécrivant les clauses relatives à l’exécution financière des marchés. Les acheteurs sont ainsi invités à donner leur avis sur la fixation à titre supplétif, dans les CCAG, d’un montant d’avance supérieur au taux minimal fixé par la réglementation, et à indiquer quel taux leur semble envisageable. De même, sont-ils favorables à l’indication supplétive d’un taux de retenue de garantie plus faible que le taux maximal imposé, ou d’un délai de remboursement de la retenue plus bref qu’exigé par le code ? La question est posée.

Les préoccupations de développement durable, quasiment absentes des actuels CCAG, pourraient aussi venir teinter les nouvelles moutures. « La réforme sera l’occasion de donner un nouvel élan à la promotion du développement durable dans les marchés publics en devenant un outil incitatif soutenant les comportements écoresponsables ou en faveur du développement social », annonce la DAJ. Le dispositif imaginé consisterait à introduire une clause par laquelle l’acheteur imposerait au titulaire du marché et, par ricochet, à ses sous-traitants, « d’adopter un comportement écoresponsable ou à devenir un acteur du développement social ». Un peu flou, pour l’heure. Mais il est également envisagé de revoir les articles du CCAG travaux relatifs au travail dissimulé et à la gestion des déchets.

Vers des relations apaisées

Sont aussi soumises à réflexion les clauses relatives aux assurances, à la révision des prix ou encore aux pénalités de retard, dans le but d’apaiser les relations entre acheteurs et opérateurs économiques. Par exemple, la DAJ propose d’augmenter la dose de contradictoire dans les CCAG afin que la prise de décision unilatérale de l’acheteur soit moins ressentie comme un couperet arbitraire :  « Il pourrait être envisagé d’instaurer un mécanisme de mise en demeure préalable afin de permettre au titulaire de faire valoir ses observations sur les éventuelles raisons qui ont conduit le maître d’œuvre à constater un retard dans l’exécution des prestations. »

Le CCAG travaux, source d'inspiration

Sur plusieurs sujets, le CCAG travaux est présenté comme un modèle dont certaines dispositions pourraient être reprises dans les autres CCAG, parfois en les améliorant au passage. Concernant par exemple le traitement des litiges, le questionnaire suggère d’étendre aux autres cahiers la fixation d’un délai de recours contentieux - tout en complétant le CCAG travaux en la matière pour y ajouter un tel délai pour les réclamations autres que celles portant sur le décompte général et définitif (DGD).

Les modifications propres à chaque cahier sont par ailleurs détaillées par Bercy. Concernant le CCAG travaux, elles sont substantielles.

* Fin des ordres de service à zéro euro et facturation électronique

Tout d'abord, le CCAG travaux devrait incorporer la nouvelle disposition introduite par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« Pacte ») dans le Code de la commande publique, visant à mettre fin à la pratique nuisible des ordres de service à zéro euro.

Autre difficulté qu’entend régler cette réforme : celle liée à la facturation électronique. Il est envisagé de préciser le rôle du maître d’œuvre, qui - pour rappel - est tenu de récupérer les demandes de paiement des entreprises via Chorus Pro et de les déposer, avec son visa, dans le circuit dématérialisé. Or, des blocages peuvent survenir, quand le maître d’œuvre refuse d’intervenir dans Chorus Pro, n’étant lui-même pas (encore) concerné pour ces propres factures de par son statut de TPE.

* Inscription de deux jurisprudences

Plusieurs décisions faisant jurisprudence pourraient également être traduites dans le CCAG travaux. Tout d’abord, celle relative à la levée des réserves une fois le DGD notifié par le maître d’ouvrage (CE, 20 mars 2013, n° 357636).

Puis, celle relative à l’indemnisation de l’entreprise titulaire en cas de retard dans l’exécution d’un marché à forfait, dite "Région Haute-Normandie". Pour mémoire, en 2013, le Conseil d’Etat (CE, 5 juin 2013, n° 352917) indiquait que « les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ». Autrement dit, il ne peut y avoir de présomption de responsabilité du maître d'ouvrage pour les retards révélant une coordination défectueuse des travaux.

* Faire face aux aléas en cours d’exécution

La réforme du CCAG travaux sera également l’occasion de clarifier certaines clauses permettant aux acheteurs publics de faire face aux aléas qu’ils sont susceptibles de rencontrer dans les différentes phases d’exécution du marché. Tout d’abord, viala création d’une hypothèse d’acceptation implicite de la réfaction sur les prix. Cette réfaction remplacerait alors les réserves soulevées lors des opérations de réception lorsque des imperfections mineures seraient constatées.

Toujours dans cette optique de faire face aux aléas, il est envisagé l'introduction d’une hypothèse de défaillance d’un mandataire dans un groupement conjoint d’opérateurs économiques. Concrètement, pour éviter une situation de blocage à la suite de la défaillance du mandataire, il pourrait être envisagé de prévoir que le cocontractant énuméré en deuxième position dans l’acte d’engagement devienne par défaut le nouveau mandataire. A noter que cette solution existe déjà dans le CCAG FCS.

Démat’ toujours

La réécriture des CCAG pourrait aussi, air du temps oblige, prolonger le processus de dématérialisation de la commande publique. Si la phase de passation des marchés a basculé dans le zéro papier le 1er octobre dernier, seule la phase de facturation est ensuite soumise à cette obligation. Pourquoi ne pas prévoir dans le CCAG la dématérialisation du contrat lui-même, des bons de commande et ordres de service, etc. ? Les praticiens sont aussi invités à donner leur avis sur la pertinence de fixer, pour cela, le recours aux profils d’acheteur comme support de démat’.

Et, un an après l’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données personnelles, la question de la « RGPDisation » des CCAG se pose inévitablement. Le questionnaire fait appel à l'inventivité des acheteurs pour la rédaction d’une clause spécifique visant à encadrer dans les marchés le traitement des données à caractère personnel et à prévoir, le cas échéant, des sanctions en cas de manquements.

Début 2020

Le courrier adressé par la Direction des affaires juridiques aux personnes consultées vise « le début de l’année 2020 » comme objectif pour la rédaction de nouveaux CCAG. Un délai qui semble bien court au vu du temps mis en 2009 pour opérer un travail similaire...

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