Rénovation énergétique : la chasse à la fraude aux aides publiques s’intensifie avec la loi Cazenave

Après examen par le Conseil constitutionnel, la loi contre toutes les fraudes aux aides publiques a été publiée au « Journal officiel » ce mardi 1er juillet. Elle s'attaque notamment au sujet de la rénovation énergétique, créant de nouvelles obligations d'information des consommateurs, et limitant la sous-traitance en cascade.

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Travaux de rénovation énergétique
Rénovation énergétique

Contrer « l’inflation de l’écodélinquance, qui touche particulièrement MaPrimeRénov’ et le dispositif des CEE », c’était l’une des ambitions de Thomas Cazenave, député (Ensemble pour la République) de Gironde, avec la proposition de loi (PPL) renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques qu’il a déposée en octobre 2024. Le texte – qui a lui aussi connu l’inflation, passant de 4 à 35 articles – a été promulgué ce 30 juin et publié le lendemain. Décryptage des principales mesures intéressant le secteur de la construction.

« En 2023, la rénovation énergétique était le deuxième secteur le plus pourvoyeur de signalements sur SignalConso, la plateforme de réclamation de la DGCCRF ».

Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat

Suspension et restitution des aides

La loi (art. 1er) crée un dispositif de suspension des aides en cas d'indices de fraude. Il permettra aux agents d’une administration ou d’un établissement public chargé de distribuer des aides publiques (telle l’Anah) de suspendre l’octroi ou le versement de la subvention pendant trois mois, renouvelables une fois pour la même durée, en cas d’indices sérieux de fraude.

Le texte augmente aussi le taux des majorations que le bénéficiaire d’une aide obtenue indûment devra appliquer à la somme à restituer : il passe de 40 à 50 % en cas de manquement délibéré, et de 80 à 100 % en cas de manœuvres frauduleuses (art. 2).

L’article 4, lui, facilite les échanges d'informations entre administrations pour lutter contre la fraude.

Haro sur le démarchage téléphonique

L’interdiction du démarchage téléphonique est renforcée (art. 13) puisqu’elle touchera désormais, outre la rénovation énergétique des logements et la production d’énergies renouvelables, les travaux d’adaptation au vieillissement ou au handicap. Elle est également étendue à d’autres moyens de communication : SMS, réseaux sociaux, courriels…

Information des clients sur la réno énergétique

Un encadrement de la publicité sur tout support et sur les sites internet des entreprises est introduit (art. 14). Dès qu’il s’agira de proposer des travaux de rénovation énergétique, référence devra être faite au service public de la performance énergétique de l’habitat ou SPPEH (avec un lien de redirection pour les sites internet), sous peine d’amende administrative jusqu’à 15 000 euros pour une personne physique, 75 000 euros pour une personne morale.

La loi impose aux professionnels un nouveau devoir d’information des consommateurs concernant les aides liées à la détention d’un label ou signe de qualité (type RGE) relatives à des prestations de service, ventes d’équipements ou réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergie renouvelable (art. 13). Et ce, sous peine d’amende administrative (pouvant atteindre les montants précités). Ainsi, avant de conclure le contrat, l’entreprise devra indiquer par écrit au consommateur si elle détient ou non un tel label. Et, dans la négative, elle devra de plus informer son prospect des conséquences de la non-détention dudit label sur l’obtention des aides financières. A l’inverse, si elle est labellisée, elle fournira avant la signature du contrat un justificatif officiel.

Pour ces mêmes contrats, le professionnel devra également informer son futur client de son recours éventuel à la sous-traitance totale ou partielle, mais aussi de l’identité des sous-traitants qui interviendront et de leur possession ou non d’un label ou signe de qualité, justificatifs à l’appui.

Ces deux obligations d’information entraînent la nullité du contrat si elles ne sont pas respectées.

Suspension des labels

Dans la même veine, le texte (art. 13 toujours) autorise les services de la DGCCRF à suspendre, pour six mois renouvelables une fois, les labels ou signes de qualité conditionnant les aides pour les prestations et travaux précités et l’agrément Mon Accompagnateur Rénov’, en cas de mauvaises pratiques (pratique commerciale trompeuse ou agressive, abus de faiblesse, etc). Le député Cazenave soulignait toutefois que selon la loi, « le consommateur conserve le bénéfice de l'aide si l'entreprise a perdu son label en cours de travaux. Un décret d'application précisera les modalités d'application de ce principe. »

La sous-traitance limitée à deux rangs

Voici une disposition (art. 26) qui « a tenu en haleine l’Assemblée nationale en première lecture », selon Thomas Cazenave : celle qui vient restreindre la sous-traitance en chaîne, sujet poussé de longue date par la FFB et la Capeb. Elle aboutit enfin, avec la limitation, à partir de 2026, du recours à la sous-traitance à deux rangs au maximum, mais dans un périmètre restreint aux travaux de performance énergétique donnant droit à des aides (MaPrimeRénov’, éco-PTZ, certificats d’économies d’énergie…). Un plafond à deux rangs de sous-traitance est également prévu pour l’accès aux aides de l’Anah s’agissant de travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie.

Le même article 26 prévoit en outre qu’à compter de 2027, l’entreprise qui facture ce type de travaux devra disposer elle-même du label RGE, même si elle sous-traite à un acteur labellisé.

La fraude aux CEE dans le viseur

L’article 28 de la loi est consacré à la sécurisation des contrôles et des sanctions concernant les certificats d’économies d’énergie (CEE). La navette parlementaire a fonctionné à plein en la matière. Comme le restitue Thomas Cazenave, « le Sénat a consolidé le travail de l'Assemblée nationale sur la lutte contre la fraude aux CEE. En particulier, [il] a introduit la possibilité de pondérer les CEE en fonction du temps de retour minimal sur l'investissement, en plus du reste à charge minimal. » Ce qui permettra d’exclure en amont les opérations les plus sujettes aux fraudes.

Autre mesure adoptée : « Les sanctions seront renforcées, d'une part, en faisant référence au volume de l'opération, plutôt qu'au volume du manquement, dans l'ensemble des infractions recherchées et, d'autre part, en appliquant ces sanctions aux nouveaux dispositifs d'attestation et de vérification », déroulait lors de la commission mixte paritaire sur le texte, Olivier Rietmann (sénateur LR de Haute-Saône), rapporteur pour la chambre Haute.

L’Assemblée nationale a « en revanche supprimé l'ajout du Sénat sur l'encadrement des mandataires, qui conduirait à désorganiser la chaîne de responsabilités qui s'applique aujourd'hui en matière de fraude aux CEE », ajoutait le député Cazenave… même si son collègue du Sénat indiquait que le sujet n’est pas définitivement clos et entend « y revenir dans le cadre d’un prochain texte ».

Des contrôles visuels à distance pour certaines opérations dans le cadre des CEE sont introduits par l'article 29 de la loi. Ils prendront la forme de photographies horodatées et géolocalisées ou de vidéos, que le demandeur de certificats devra conserver pendant au moins six ans pour les mettre à disposition des agents chargés du contrôle.

Les DPE mieux surveillés

Mentionnons enfin qu'un accès aux données de l'Observatoire des diagnostics de performance énergétique (DPE) sera ouvert à divers acteurs, dont les organismes de contrôle et de certification et la DGCCRF. « Un mécanisme de traçabilité qui permet de vérifier le lieu d'intervention des diagnostiqueurs » et leur identité a également été introduit (art. 22), indiquait Thomas Cazenave.

Loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques

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