Pour les membres de l'association « équilibre des énergies », dont EDF est pour l'instant le seul fournisseur d'énergie à y adhérer, le chauffage électrique serait victime, dans le cadre de la RT 2012, de « rupture d'égalité ». Lancée officiellement ce mardi 21 juin, elle fédère, parmi d'autres, autour de l'idée que l'électricité est la grande perdante de la future réglementation thermique, l'Union des maisons françaises, l'Union sociale pour l'habitat, ou encore le groupe Atlantic. Pour appuyer sa défense de l' «effet joule», son président, Jean Bergougnoux, ancien directeur général d'EDF, prend l'exemple d'une maison individuelle, dont le Ubat est de 0,59, et dans laquelle l'installation d' une chaudière gaz double service (Chauffage et ECS) permet d'être, en simulation, en dessous du seuil des 50kWh d'énergie primaire par m² et par an (consommation maximale imposée par la future RT 2012 pour les 5 postes réglementaires); alors que des équipements électriques, chauffe-eau thermodynamique et panneaux rayonnants, font monter la consommation bien au-delà de ce que la future réglementation thermique autorisera. Cela s'explique principalement par le coefficient de passage de l'énergie finale (celle consommée par les occupants) à la primaire (celle réellement nécessaire en amont) qui pour l'électricité est de 2,57. Alors que pour le gaz il est de 1.
Mise en avant des émissions de CO2
Mais ce n'est pas sur ce coefficient que l'association semble vouloir concentrer son action pour rétablir l' « égalité » entre les énergies. «Equilibre des énergies» aimerait que soit introduite une nouvelle modulation au seuil des 50kWhep/m²/an, en plus de celles déjà existantes dans le décret définissant la RT 2012 (localisation géographique, altitude, surface moyenne des logements du bâtiment, besoin de climatisation active, bois et réseaux de chaleur). Pour Jean Bergougnoux, de la même façon que le bois et les réseaux de chaleur utilisant des énergies renouvelables permettent de moduler la consommation maximale autorisée de manière à l'élever, par exemple en la faisant passer à 65 pour l'installation d'un chauffage bois, le chauffage électrique devrait également autoriser un rehaussage du seuil. "Alors que le choix de panneaux rayonnants et d'un chauffe-eau solaire thermodynamique, offrent un plus faible coût d'exploitation et moins d'émission de CO2 (qu'une solution gaz), on ne pourra pas le faire" explique-t-il. Regrettant qu'avec la RT 2012, on parle trop en énergie primaire, les membres de l'association comptent mettre en avant les émissions de CO2. Jean Bergougnoux évoque sur ce thème l'objectif de diviser par 4 les émissions de dioxyde de carbone d'ici 2020. Rappelant que les émissions dues au résidentiel "représentent un quart des émissions actuelles et n'ont quasiment pas baissé depuis 20 ans", il pointe la difficulté qui se pose de baisser de 25% les émissions totales, et la nécessité d'agir fortement sur le bâtiment existant. Il laisse ainsi entendre le rôle que pourrait avoir le chauffage électrique, "équipement bon marché et peu émetteur de CO2", pour atteindre cet objectif.
Mais l'équivalent C02 ne sera pas la seule unité que les membres de l'association mettront en avant. Jean Bergougnoux annonce qu'il "compte parler souvent en euros". L'association, qui compte des associations de consommateurs au sein de ses membres, se positionne également comme défenseure des primo-accesseurs. Pour Jean-Jacques Barreau, consultant technique auprès de l'Union des maisons françaises et membre du comité scientifique de l'association « Equilibre des énergies », la RT 2102 obligera les futurs propriétaires à s'équiper d'une PAC là où des chauffages électriques suffiraient, nécessitant donc un investissement supérieur. Pour Jean Bergougnoux, il s'agit de défendre "un effet joule de qualité", des panneaux rayonnants dont le fonctionnement serait par exemple piloté en fonction de l'hygrométrie. Mais ce dernier est conscient que le chauffe-eau électrique classique, non thermodynamique, a fait son temps.
"Des émissions de CO2 par kWh électrique sous-estimées"
L'association compte rapidement démontrer le bien-fondé de sa défense de l' « effet joule » auprés de Nathalie Kosciusko-Morizet et même du président de la République. Si on attend la RT 2020, "la filière électrique risque de mourir" dit Jean Bergougnoux. L'association a notamment demandé à la ministre de l'Ecologie de bien vouloir l'accepter à la table ronde qu'elle a récemment lancée sur le thème de la performance énergétique.
Raphaël Claustre, Directeur de l'association Comité liaison énergies renouvelables (CLER), invité lui à la table ronde, n'a pas souhaité y participer. Il considère que des discussions sur la performance énergétique, "il y en a déjà eu assez" et qu'"il s'agit maintenant de respecter les engagements déjà pris". Il juge "absolument irresponsable" la volonté d' «Equilibre des énergie» de favoriser le chauffage électrique, tout comme le bois ou les réseaux de chaleur. Pour Raphaël Claustre, "il n'y a qu'en France qu'il soit possible de voir ça". Si l'administration n'a pas souhaité moduler les 50kWhep/m²/an pour le chauffage électrique c'est, selon lui, que les émissions de CO2 par kWh d'électricité produit ne sont pas aussi faibles que le laisse entendre l'association. Le directeur du Cler considère que la nécessité de faire appel, chaque hiver, pour les pointes de consommations électriques dues à l'utilisation massive du chauffage électrique en France, à des centrales à fioul ou à charbon, en plus de la production d'origine nucléaire, augmente significativement les émissions de CO2 de l'énergie électrique. Des pointes de consommation sous-estimées selon lui par les défenseurs du chauffage électrique.