SRU, loyers HLM, préemption : le détail du projet de loi pour développer du logement abordable

Envoyé la semaine dernière au Conseil d’État, le projet de loi visant à développer l’offre de logements abordables comporte 15 articles répartis en quatre chapitres visant à donner de nouveaux outils pour inciter les élus locaux à construire, à simplifier les procédures d’urbanisme, à améliorer l’accès au logement et à susciter de nouveaux leviers de production pour les bailleurs sociaux.

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Le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, prend la parole à Cannes, lors du Mipim.
Le projet de loi, qui vise essentiellement le monde HLM, sera présenté par le ministre du Logement Guillaume Kasbarian en Conseil des ministres le 7 mai prochain.

Outils pour les élus locaux, simplification des procédures, mobilité résidentielle et nouveaux leviers financiers pour les bailleurs sociaux… tels sont les quatre piliers qui structurent le projet de loi visant à développer l’offre de logements abordables, dont AEF info a obtenu copie, le 16 avril.

Attendu en Conseil des ministres le 7 mai prochain, le texte sera d’abord examiné par le Conseil national de l’habitat (CNH) le 24 avril, puis le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) dès le lendemain.

Logement intermédiaire et loi SRU

Le texte s’ouvre sur l’une des mesures les plus attendues et qui a le plus nourri les débats ces dernières semaines, à savoir la prise en compte du logement intermédiaire dans le décompte SRU. Comme l’avait déjà indiqué le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, ce mécanisme concernera le flux de rattrapage sur une période triennale, et non le stock.

Il est ainsi précisé dès l’entame de l’article premier que le cumul des logements intermédiaires et des PLS ne peut dépasser 40% des logements sociaux à produire sur le triennal. Un article qui vient ouvrir le chapitre consacré aux nouveaux outils octroyés aux élus locaux, en vue de les inciter à construire des logements, notamment sociaux.

Toutes les communes en retard par rapport à leurs objectifs de rattrapage ne seront pas éligibles à cette mesure. Pour y prétendre, elles devront afficher un taux de logements sociaux inférieur, au maximum, à dix points du taux SRU qui leur avait été assigné. Autrement dit, elles devront disposer d’au moins 10% de logements sociaux si leur objectif SRU est fixé à 20%, et de 15% de logements sociaux si l’objectif est fixé à 25%.

Dans le cadre d’un dialogue entre préfet et collectivités locales, le ratio de LLI arbitré sera retranscrit dans le contrat de mixité sociale, mais ne devra pas dépasser 25% de la production triennale de logements sociaux.

Droit de véto des maires

Mesure également annoncée par Gabriel Attal dans sa déclaration de politique générale, la primo-attribution des logements sociaux accordée aux maires est détaillée dans l’article 2. Celui-ci s’inspire grandement de la proposition de loi de la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas (Les Républicains), qui confie la présidence des Commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol) au maire ou au président de l’intercommunalité. Cette commission intégrera également un représentant du conseil départemental, doté d’une voix consultative.

Dans le cadre d’une primo-attribution, l’article octroie aux maires la faculté de proposer en Caleol « l’ordre de classement des candidats présentés pour l’attribution de chaque logement par les réservataires ou l’organisme de logement social ». Ils peuvent, en outre, s’opposer au choix d’un candidat, par l’usage d’un droit de veto qui doit être motivé et qui ne peut poser sur plusieurs candidats pour un même logement.

L’Etat peut aussi, dans ce même cadre, déléguer à la commune les réservations de logements dont il bénéficie dans le cadre du contingent préfectoral, excepté les logements réservés aux agents civils et militaires de l’Etat.

En outre, si un bailleur social fait obstacle aux attributions formulées par le représentant de l’Etat, un délégué spécial peut être désigné pour une durée d’un an (après conciliation puis mise en demeure) afin de « prononcer les attributions de logements au nom et pour le compte de l’organisme », en concertation avec les élus et conformément à la Convention intercommunale d’attribution (CIA) ou aux conventions de réservation.

Maîtrise du foncier

L’article 3 vise à améliorer la maîtrise du foncier par les collectivités, en introduisant parmi les objets du droit de préemption « la régulation des marchés foncier et immobilier lorsque le niveau excessif constaté des prix de vente de biens immobiliers risque de compromettre la réalisation des objectifs en matière d’accès au logement ou de mixité sociale fixés dans le programme local de l’habitat ». Et ce, durant sept ans après la promulgation de la loi.

Ce droit de préemption ne peut être délégué qu’à l’Etat, aux collectivités, à un Etablissement public foncier (EPF) d’Etat ou local ou à un Etablissement public foncier et d’aménagement (EPFA), et doit être motivé par une délibération de la collectivité compétente, qui doit définir les secteurs concernés sur la base des prix de vente constatés.

La rétrocession ne peut être effectuée qu’au bénéfice d’un bailleur social, d’un office foncier solidaire ou d’une entité exerçant la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d’hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation d’une société foncière solidaire pour un prix n’excédant par le prix d’achat par le titulaire du droit de préemption majoré de ses frais.

Un décret en Conseil d’Etat doit préciser les modalités d’application de ce nouveau droit de préemption urbain, réclamé par les acteurs.

Autre nouveauté en matière de foncier, le projet de loi rallonge à dix ans après sa création (contre six actuellement) la durée du droit de préemption dans une zone d’aménagement différé.

Densification pavillonnaire

Le volet urbanisme du texte se concentre sur les trois articles du chapitre II « Simplifier et accélérer les procédures » (articles 4 à 6). Il prévoit de raccourcir les délais de recours, dans le prolongement des évolutions législatives introduites par la loi Elan de 2018, avec notamment une réduction à un mois du délai de contestation d’une décision de non opposition à une déclaration préalable ou d’une autorisation d’urbanisme (avec application du principe du silence gardé vaut rejet).

Autre sujet maintes fois abordé par le gouvernement : la densification douce des zones pavillonnaires, qui se voit facilitée, comme celles des zones d’activité, par l’introduction dans le code de l’urbanisme d’une définition des opérations de renouvellement urbain. Celles-ci ont pour objet d’intervenir dans ces secteurs « pour y favoriser l’évolution ou la requalification du bâti existant et l’optimisation de l’utilisation de l’espace ».

Elles sont définies par une délibération de la collectivité compétente en matière d’urbanisme, qui en fixe les objectifs, la durée et le périmètre, et fixe le programme prévisionnel et les conditions de financement des opérations.

Elles peuvent également faire l’objet d’une orientation d’aménagement et de programmation annexée au PLU pour définir les « besoins supplémentaires en matière de stationnement, de desserte par les transports en commun et en équipements publics » et « garanti[r] la qualité environnementale, l’insertion architecturale, urbaine et paysagère » du secteur.

Le projet de loi allège enfin la procédure de modification des documents de lotissements (règlement et cahier des charges) dans ce but.

Le permis d’aménager multi-sites,jusque-là limité aux périmètres en Projet partenarial d’aménagement (PPA) et en Opération de revitalisation de territoire (ORT), est généralisé à l’ensemble des secteurs, si le demandeur de l’autorisation est unique et que le projet « constitue un ensemble unique, ayant un lien et fonctionnel ».

Capacités de production des bailleurs sociaux

Le chapitre III vise à « renforcer les capacités de production des bailleurs sociaux ». D’abord en faisant passer, comme annoncé au dernier Congrès HLM, le ratio autorisé de logements intermédiaires (dont les loyers sont plus élevés que ceux des logements sociaux) de 10% à 20% dans la production globale des organismes HLM (article 7).

Puis, pour « permettre aux bailleurs sociaux de mieux financer leurs investissements », l’article 8 propose « d’optimiser » la politique des loyers, en permettant que les loyers jusqu’ici révisés chaque année sur la base de l’IRL puissent « être augmentés, dans la limite des loyers maximaux qui auraient été pratiqués pour ces mêmes logements s’ils avaient été neufs, dans des conditions fixées par décret » (modifiant ainsi le L. 353-9-2 du CCH).

« Diversifier les ressources des bailleurs »

Afin de « diversifier les ressources des bailleurs », l’article 9 prévoit notamment que les OPH, les ESH et les coopératives HLM pourront acquérir, à titre subsidiaire et à titre transitoire, des logements locatifs intermédiaires auprès d’une société civile immobilière dans laquelle ils détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel « ou commercial » - précise le projet de loi - et d’habitation en vue de leur vente, à la condition que cette société réalise « au moins 25% des surfaces de plancher » à destination de logements. La durée de constitution de la SCI est portée de 10 à 20 ans maximum.

La participation des bailleurs sociaux au capital de la SCI ne peut pas excéder le rapport entre la surface de plancher à destination, d’une part, des logements sociaux et des logements locatifs intermédiaires et, d’autre part, la surface de plancher totale produite. Les organismes HLM qui détiennent au moins 5% du capital SCI peuvent lui accorder des avances en compte courant, issues des activités ne relevant pas du Service d’intérêt économique général (SIEG), respectant les conditions du marché et donnant obligatoirement lieu à remboursement.

Ils peuvent réaliser pour le compte de la SCI des prestations de services, notamment des missions de programmation et de conception des ouvrages, à un prix qui ne peut être inférieur au prix de revient et doit faire l’objet d’une convention réglementée.

L’acquisition par un bailleur social de parts ou d’actions dans des sociétés pouvant réaliser des opérations d’aménagement ou conclure une convention de projet urbain partenarial ne sera plus soumise à l’approbation du préfet. Lorsqu’il consent une avance en compte courant, un organisme HLM ne sera plus tenu d’en informer la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), s’il exerce une activité locative, ou la Société de garantie des organismes HLM, pour les activités d’accession.

Cession de nue-propriété

Ce même article 9 propose que, pour les logements faisant l’objet d’une convention d’usufruit, les bailleurs sociaux puissent soit conserver la nue-propriété ou réserver à leur profit l’usufruit au sein d’immeubles qu’ils réalisent en vue de la vente de l’usufruit ou de la nue-propriété à des personnes physiques ou morales en Vefa, soit acquérir seulement la nue-propriété ou l’usufruit d’immeubles réalisés et vendus en Vefa.

Un organisme d’habitations à loyer modéré peut déjà vendre des logements à une personne privée, dès lors que ces logements font partie d’un programme de construction composé majoritairement de logements sociaux. À l’avenir, cette vente pourra aller jusqu’à « 50% » du programme, au lieu de « 30% ».

Action Logement sollicité pour les Dalo

Lorsqu’un accord a été signé entre Action logement services (ALS) et le préfet au sujet des modalités d’attribution de logements sociaux à des ménages prioritaires relevant du Droit au logement opposable (Dalo) ou à défaut bénéficiant d’autres critères de priorité, le préfet peut, par convention, déléguer à ALS « tout ou partie des réservations de logements dont il bénéficie […] à l’exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l’État » (article 10).

Les attributions effectuées dans ce cadre viennent alors s’ajouter aux 25% d’attributions aux ménages prioritaires qu’ALS doit réaliser chaque année.

Par ailleurs, les logements réservés par les organismes pour les fonctionnaires et agents de l’Etat ne seront plus fixés « par décret en contrepartie d’une majoration de prêt définie également par décret », mais « en contrepartie de subventions ou de prêts bonifiés ».

Loyers HLM

Comme annoncé par le ministre Guillaume Kasbarian, les conditions de maintien dans le parc social des locataires dépassant les plafonds de revenus sont durcies par l’article 11 : le non-respect de l’obligation de mettre fin à un bail pour cette raison devient un motif de sanction des bailleurs sociaux par l’Agence nationale de contrôle des organismes de logement social (Ancols) avec une sanction couvrant entre douze et dix-huit mois du loyer du bien en question, tout comme la non-transmission à la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements des informations concernant ses locataires. La sanction ne peut excéder 1000€ par logement concerné.

Le dépassement des plafonds de ressources justifiant la fin du droit au maintien dans les lieux pour les locataires situés dans des zones géographiques « se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements », est abaissé de 150% à 120% (à l’exception des locataires âgés de plus de 65 ans ou présentant un handicap).

Enfin, les organismes HLM peuvent mettre fin au bail, après un préavis de six mois, d’un locataire « propriétaire d’un logement adapté à ses besoins » et disposant de « capacités ou susceptible de générer des revenus suffisants pour accéder à un logement du parc privé », sauf pour les personnes de plus de 65 ans, présentant un handicap ou vivant dans un Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Ce critère devient également un motif de transmission du dossier du locataire devant la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements. Celui-ci peut alors être dirigé vers l’accession sociale à la propriété ou le logement intermédiaire.

L’ensemble de ces sujets doivent être intégrés au bilan annuel réalisé par les organismes HLM à destination de leur conseil d’administration et du préfet.

Actualisation des ressources de locataires HLM

Pour faciliter cette prise en compte des revenus des locataires, l’article 12 introduit le principe d’un échange d’informations entre le groupement d’intérêt public qui gère le système national d’enregistrement et l’administration fiscale, pour la transmission des données fiscales (notamment la liste des propriétés immobilières) des demandeurs de logement HLM ou des locataires du parc, dans le cadre des enquêtes de revenus et au bénéfice des bailleurs sociaux.

Ces derniers peuvent également demander à leurs locataires leur numéro d’identifiant fiscal, numéro qu’ils peuvent être amenés à communiquer à l’Ancols en cas de contrôle. Les modalités d’application de ces mesures doivent être précisées par un décret en Conseil d’Etat. Le comité d’orientation du Système national d’enregistrement (SNE) est, par ailleurs, supprimé.

D’après le projet de loi, les locataires du parc HLM sont désormais concernés par le Supplément de loyer de solidarité (SLS) dès que leurs revenus excèdent les plafonds de ressources (et non plus au-delà de 20% des plafonds comme aujourd’hui), sauf pour les personnes résidant dans une « résidence à enjeu prioritaire de mixité sociale », dans une zone de revitalisation rurale ou un QPV. Il n’est, en revanche, plus question de dérogation à l’application d’un SLS dans le cadre d’un Programme local de l’habitat (PLH).

Bail mobilité dans le parc social

L’article 13 étend aux bailleurs sociaux la possibilité de conclure un bail mobilité. Ainsi, les organismes HLM pourront louer des logements meublés, dans le cadre de ce bail d’une durée d’un à dix mois destiné à des locataires soumis à des plafonds de ressources, et considérés comme occupants temporaires. Ces derniers ne bénéficieront pas du droit au maintien dans les lieux.

Les conditions d’attribution des logements sociaux ne s’appliqueront pas à ces locations, de même que les modalités de hausse et de révision des loyers. En cas de nouvelle location, le bailleur sera libre de fixer le loyer, dans la limite des plafonds applicables aux logements sociaux.

Location-accession

Pour favoriser l’accession à la propriété par le logement intermédiaire, l’article 14 étend le taux réduit de TVA à 10% aux logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession, à condition que le loyer n’excède pas certains plafonds, et que la période de location dure au moins cinq ans. Le bénéfice de ce taux réduit cesse lorsque le logement est cédé.

Des conditions particulières s’appliquent entre la sixième et la dixième année du contrat de location-accession. Pendant cette période, si l’acquéreur souhaite revendre son logement, il doit en informer l’organisme auprès duquel il a acquis le logement, qui peut se porter acquéreur en priorité, sous réserve de le louer comme logement social.

Si l’organisme ne se porte pas acquéreur, le propriétaire ne peut vendre qu’à une personne physique dont les ressources sont soumises à plafond. Si le propriétaire décide de louer son logement, le loyer ne doit pas excéder les plafonds mentionnés au b du 1 du I de l’article 279-0 bis A du code général des impôts.

La vente HLM « encouragée »

Destiné à « encourager la vente directe aux locataires dans le parc social », l’article 15 assouplit certaines dispositions du code de la construction et de l’habitation. Il supprime notamment l’obligation de recueil de l’avis du préfet et du maire, dans les communes SRU déficitaires, lorsqu’un bailleur social souhaite vendre en bail réel solidaire (BRS) certains logements.

Lorsqu’un organisme HLM souhaite vendre des logements non mentionnés dans la convention d’utilité sociale, ou dont l’autorisation de vendre est devenue caduque, la demande d’autorisation ne serait plus adressée au préfet, mais au maire de la commune d’implantation des logements. Le texte prévoit en outre que la convention d’utilité sociale devra préciser, parmi les logements susceptibles d’être vendus, ceux qui le seraient en BRS ou dans le cadre de l’application différée du statut de copropriété.

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