Quelles conséquences peuvent avoir la suppression de cette niche fiscale sur le GNR pour les entreprises de TP ?
La hausse du prix du GNR représente environ la marge des entreprises de TP, qui ne peuvent donc absolument pas absorber ce surcoût. La vraie question est donc qui va payer pour cette hausse ? La mesure, évoquée à l’automne, avait été abandonnée en fin d’année par le gouvernement. Si on nous la ressort aujourd’hui, elle ne peut pas être remise telle quelle sur la table, reste donc à discuter des conditions de réalisation et des mesures de compensation.
Nous ne sommes pas obtus et pouvons nous adapter mais nous avons besoin de temps et de savoir quel est l’objectif du gouvernement ? S’il est environnemental ou simplement budgétaire les solutions à mettre en place ne sont pas les mêmes. Si l’objectif est environnemental, il n’existe aujourd’hui pas de solution technique de repli immédiate.
Ne pourrait-on pas utiliser d’autres types de carburants moins polluants ?
Il existe bien aujourd’hui des engins électriques mais seulement de petites tailles, pour les gros engins nous n’avons pas d’alternatives. Electricité, GNV, hydrogène, plusieurs solutions pourraient êtres envisagées mais pour l’instant aucune filière n’existe. Il faudrait que le gouvernement donne une directive claire vers telle ou telle énergie avec des mesures accompagnement pour compenser les surcoûts d’investissements.
De plus, la filière de production de matériel aura besoin de plusieurs années pour se structurer et, pour une entreprise de TP, le renouvellement d’un un parc de matériel se fait en 7 à 8 ans minimum.
« Comment nous pouvons-nous répercuter les augmentations de prix sur le client ? »
Et si l’objectif est avant tout financier ?
Nos positions sur ce point n’ont pas changé. Il s’agit de savoir, à la fin, qui paie pour le surcoût et, donc, comment nous pouvons répercuter les augmentations de prix sur le client ? Pour les marchés publics, qui sont généralement révisables et qui représentent environ 60 % de notre activité, il sera possible de répercuter le surcoût sur le donneur d’ordre. Mais comme leur budget est contraint, les donneurs d’ordre risquent de devoir réduire la quantité de travaux.
Or, en matière d’entretien des infrastructures, les investissements sont déjà trop faibles. Et, cette réduction des quantités de travaux va entraîner du chômage.Ce report ne se fera pas sans conséquences négatives, il faut en être conscient.
Pour les 40 % de marché privés de la visibilité et du long terme sont par ailleurs indispensables pour laisser finir ces marchés et pouvoir passer les nouveaux marchés avec des prix adaptés. C’est-à-dire que la mesure ne peut pas s’appliquer avant le début de 2021.
« Certains agriculteurs font aussi du TP, il existerait alors de la distorsion de concurrence »
Quelles autres questions soulèvent la suppression de cet avantage sur le GNR pour les TP ?
La question de la non-suppression de cet avantage pour l’agriculture est par exemple incompréhensible, que ce soit pour des objectifs environnementaux ou financiers. De plus, certains agriculteurs font aussi du TP. Il existerait alors de la distorsion de concurrence. La question des vols de carburant sur les chantiers pourrait aussi apparaître rapidement.
Jusqu’à présent la coloration rouge du carburant nous protégeait assez bien de ces vols, qui peuvent être d’autant plus problématiques sur des régions frontalières comme la nôtre.
Enfin, il faut bien souligner que l’entretien des infrastructures va poser problème, alors que l’on est déjà limite. Il y a eu, après la catastrophe de Gênes, une prise de conscience sur les ponts et leur besoin d’entretien mais depuis la pression est retombée. Pour s’adapter nos entreprises ont besoin de lisibilité sur le long terme.
Une facture plus salée de 80 millions d’euros pour le canal Seine-Nord Europe
Alors que le budget des travaux du canal Seine-Nord peine encore à être bouclé : « Reste à savoir comment l’état finance son milliard », a rappelé Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France lors de l’assemblée générale de la FRTP régionale le 6 mai 2019, la suppression de l’avantage fiscale sur le GNR alourdirait encore la facture. « Sur les 4,5 milliards d’euros de travaux prévus, la hausse serait d’au moins 80 millions d’euros », estime le président de la FRTP, Bernard Duhamel. « Nous avons prévu une clause avec l’État pour nous prémunir de tout changement de réglementation. Nous ne pourrons pas signer la convention de financement si cette clause est oubliée », a, par ailleurs, rappelé Xavier Bertrand, prédisant, de plus, une levée de boucliers générale de la part des élus locaux face à cette hausse des coûts des travaux.