C’est sans doute le premier mouvement citoyen qui va dans le sens des professionnels du bâtiment. Son nom : Dernière Rénovation. Comprenez : ne ratons pas le dernier train pour éradiquer les bâtiments énergivores (logements, bureaux, commerces…) au nom du climat et de la justice sociale.
« Nous ne sommes pas une association avec un fichier d’adhérents mais une campagne qui a attiré 1200 personnes dans des réunions publiques organisées principalement dans les métropoles », présente Nicolas Turcev, chargé des relations presse et par ailleurs journaliste indépendant.
Soutien de députés de gauche
Créé en février 2022 par une dizaine de militants franciliens issus du mouvement international Extinction Rebellion et de la société civile (policier, médecin, étudiante…), le collectif désormais composé de 500 personnes formées aux actions non-violentes s’est fait connaître à partir d’octobre dernier : blocage d’une autoroute, interruption d’une représentation théâtrale, « sit-in » devant l’Assemblée nationale…
Soutenus ce jour-là par les députés écologistes Julien Bayou et Sandrine Rousseau ou encore Alma Dufour (LFI), les militants souhaitaient que les 12 Mds€ en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments, adoptés contre l’avis du gouvernement, soient maintenus dans la version finale du projet de budget 2023 de l’État. En vain.
Dernière Rénovation ira-t-il jusqu’à saboter une usine, comme celle du cimentier Lafarge accusé de polluer par des activistes non identifiés ? « Ce n’est pas dans le registre de nos actions, mais nous ne pouvons rien exclure à condition que ce soit non-violent, assure Nicolas Turcev. Notre marque de fabrique reste le blocage de la circulation, que nous reprendrons en janvier prochain. »
Ces « actions perturbatrices non-violentes » visent à stimuler le législateur afin d’appliquer les idées de la Convention citoyenne pour le climat : « rénover l’intégralité du parc français d’ici 2040 à raison de 13Mds€ d’aides publiques par an, avec zéro reste à charge pour les foyers modestes », résume-t-il.
Eviter 2200 décès par an
Pour Dernière Rénovation, la priorité est d’éradiquer les habitations étiquetées F et G. « Il s’agit de sauver des vies. L’inefficacité énergétique des logements, c’est 2200 morts par an », insiste Nicolas Turcev. Ce dernier s’appuie sur un rapport de mars 2022 du ministère de la Transition écologique (dont le résumé est à lire ici) concluant que la rénovation de ces 1,3 million de logements énergivores « permettrait d’éviter le décès de 2 200 personnes chaque année et apporterait un gain annuel brut total de près de 10 Mds€ », car le froid et la mauvaise ventilation peuvent engendrer ou aggraver « des maladies cardiovasculaires et respiratoires ».
Le « coût annuel moyen de santé lié aux températures intérieures basses par logement occupé par un ménage sous le seuil de pauvreté » est par exemple estimé à 33 656 € : pertes de bien-être liées à la maladie, dépenses médicales…
Dernière Rénovation fait partie du réseau international A22, pour « April 2022 », date de lancement d’un mouvement pro-rénovation thermique dans onze pays : Allemagne, Italie, Suède… « C’est au Royaume-Uni que la campagne est la plus populaire si on se fie aux 2000 arrestations. En France, il y en a eu plusieurs centaines », observe-t-il. Porté aux deux-tiers par des jeunes sensibles à la question climatique, le mouvement français souhaite toucher davantage les ménages modestes vivant dans des passoires thermiques, en première ligne.
En contact avec le CSTB
D’où ces rapprochements avec d’autres réseaux citoyens comme l’Alliance citoyenne d’Aubervilliers. Dernière Rénovation est également entré en contact avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), l’Initiative Rénovons (qui fédère Schneider Electric, le réseau associatif Soliha...), la Fondation Abbé Pierre ou encore le Secours Catholique pour obtenir des conseils, voire rédiger des tribunes communes dans la presse.
Le collectif ne compte pas se rapprocher du monde HLM, à la pointe sur le sujet, et des organisations professionnelles, capables de stimuler les troupes. « C’est plus une mobilisation par le bas qu’une coalition des grands acteurs de la rénovation énergétique que nous voulons mener pour cibler le gouvernement », explique Bertrand Caltagirone, responsable des partenariats et ancien agent de la fonction publique.
Sollicités, le CSTB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Fédération française du bâtiment (FFB) et l’Union sociale pour l’habitat (USH) n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.