Emeutes : les contrats d'assurance des collectivités territoriales vont aussi souffrir

Les conditions de prise en charge en cas d’émeutes vont se dégrader pour les collectivités territoriales. Crainte confirmée par Smacl Assurances, principal assureur des collectivités, qui indique avoir déjà revu ses conditions de couverture.

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Les franchises en cas d'émeutes vont augmenter considérablement pour les collectivités.

Dommage collatéral des émeutes qui ont touché la France au début de l'été : les difficultés d’assurance des collectivités territoriales vont encore s'accentuer. « Des communes ont déjà reçu des avenants qui modifient considérablement la couverture en cas d’émeutes » alerte Corinne de la Mettrie, directrice adjointe de l’Association des maires de France (AMF), quand d’autres voient leur contrat directement résilié. C’est le cas de la commune du Petit-Quevilly (Seine-Maritime). Son assureur, Helvetia, l’a informée dès le 7 août de sa volonté de mettre fin au contrat. A la suite de la forte médiatisation de cette affaire, l’assureur a finalement décidé d’engager des échanges pour envisager de nouvelles conditions afin de maintenir le contrat. Mais d’autres collectivités sont toujours concernées par des résiliations, selon l’AMF.

Durcissement des conditions de prise en charge

« Nous n’avons pas fait le choix de la résiliation » indique Patrick Blanchard, directeur général de Smacl Assurances, l’un des principaux assureurs des collectivités locales ; « en revanche, nous devons durcir nos conditions de prise en charge ». Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue jeudi 14 septembre, l’assureur a confirmé que plus de 150 de ses clients ont déjà reçu « une proposition d’avenant augmentant de façon forte la franchise en cas d’émeutes ». Cette décision s’inscrit dans un contexte de fortes difficultés économiques pour la Smacl, que les émeutes aggravent encore.

La solvabilité de la Smacl en danger

« L'impact des émeutes menace la solvabilité de la Smacl », indique Patrick Blanchard. Pour faire face à ces difficultés, la société va émettre une dette subordonnée souscrite par ses actionnaires (dont le principal est la Maif à hauteur de 86 %). Une augmentation de capital, pour un montant compris entre 45 et 65 millions d'euros, est également à l'étude. Avec ces solutions, "la Smacl va passer l'année" rassure le directeur général.

La Smacl en première ligne

L’assureur est touché de plein fouet par les violences urbaines survenues entre fin juin et début juillet. 75 % des collectivités territoriales ayant subi des dégâts pendant les émeutes sont assurées auprès de la Smacl. Cela représente plus de 600 dossiers, dont 86 % pour les seuls dommages aux biens, pour un montant total d’environ 65 millions d’euros. Dans le dernier bilan des émeutes communiqué par France Assureurs le 6 septembre, les dommages aux biens des collectivités représentent 27 % du coût des sinistres (sur un total d’environ 730 millions d’euros).

Pour Patrick Blanchard, « la Smacl ne peut pas faire face à des événements exceptionnels de cette ampleur ». Les envois d’avenants pour augmenter le coût de la franchise « émeutes » vont se poursuivre en 2024, prévient Elodie Alleau, directrice indemnisation du groupe. « Et les nouvelles conditions s’appliquent aux contrats "dommages aux biens" en cours de souscription ».

Augmentation exponentielle des franchises

La proposition d’avenant de la Smacl reçue par la ville d’Arcueil (Val-de-Marne) dès le 7 août, que « Le Moniteur » a pu consulter, établit le nouveau montant de la franchise en cas d’émeutes, applicable à partir du 1er janvier 2024, à 2 millions d’euros. Christian Métairie, maire (EELV) de la commune, nous précise que le montant actuel de la franchise est seulement de 1 500 euros. « Nous avons jusqu’à maintenant des niveaux de franchise très bas » confirme Elodie Alleau. Pour l’assureur, un tel écart s’expliquerait par l’absence d’événements de ce type depuis dix-huit ans, les dernières émeutes remontant à 2005.

A Arcueil, l’avenant est fraîchement accueilli, d’autant plus que la ville n’a pas subi énormément de dégâts pendant les violences urbaines du début de l’été (environ 35 000 euros de dommages aux biens, alors que la Smacl fait état de dossiers allant jusqu’à près de 7 millions d’euros de dégâts). « Nous avons jusqu’au 15 octobre pour nous prononcer, mais si nous refusons, l’assureur a la possibilité de résilier », constate l’édile. Le courrier accompagnant l’avenant précise en effet que le contrat d’assurance de la ville est résilié à titre conservatoire à partir du 31 décembre 2023, sauf en cas de signature des nouvelles conditions par la commune dans le délai fixé (1).

L'Etat à la rescousse ? 

Du côté de la Smacl, Patrick Blanchard a conscience que « les collectivités n’ont pas les moyens de faire face seules à ce transfert de charges ». Il en appelle à l’Etat pour trouver des solutions de financement. Or « le gouvernement ne dit rien sur ce sujet » déplore Corinne de la Mettrie. « C’est très bien d’avoir pris des ordonnances, notamment pour faciliter le financement des opérations de reconstruction [ordonnance publiée le 14 septembre], mais à la fin il restera pour les communes une facture importante », conclut-elle.

(1) Le droit des assurances prévoit la faculté pour l'assureur de résilier unilatéralement le contrat à l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois (article L. 113-12 du code des assurances). Une décision récente du Conseil d'Etat est venue préciser que ces dispositions sont applicables aux marchés publics d’assurance mais que la personne publique peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont elle a la charge, s’y opposer et imposer à l'assureur de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s’avère infructueuse (Conseil d’État, 12 juillet 2023, n° 469319, aux tables du recueil Lebon)

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