Europe et BTP (épisode 4/6) : « Nous proposons un service public européen de l’eau », Raphaël Glucksmann

Le Moniteur a interrogé les têtes de liste aux élections européennes des grandes formations politiques. Eau, énergie, rénovation, mobilité… Découvrez les réponses du candidat PS-Place publique.

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Marseille: Raphael Glucksmann campaign meeting
Raphaël Glucksmann en meeting à Marseille.

Intermodalité

« En 2022 le secteur des transports représentait plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. 72% de ces rejets de carbone proviennent du transport routier. Ce que ces données nous démontrent, c’est que nous n’avons pas le choix : pour préserver l’avenir de la planète et des générations futures, il faut aujourd’hui changer nos façons de nous déplacer.

Cela passe à la fois par la décarbonation de la route (en arrêtant à moyen terme de construire de nouvelles voitures thermiques, comme cela a été voté par les eurodéputés de gauche au Parlement Européen dans le cadre du Pacte Vert) et par un basculement vers de nouveaux modes de transports décarbonés comme le train, qui compte pour moins de 0,4% des émissions liées aux transports.

Pour encourager ce “basculement modal” vers le train, il faut investir massivement dans le développement d’une offre ferroviaire adaptée et abordable et donc penser en effet une nouvelle répartition des financements. Entre 1995 et 2018, les investissements dans le réseau routier ont été supérieurs de 66 % à ceux dans le réseau ferroviaire. Sur la même période, la France a dépensé deux fois plus pour ses routes que pour le rail.

La conséquence de la répartition actuelle des investissements, c’est que la route représente encore environ 75% du transport de marchandises dans l’UE contre 18 % pour le rail, c’est que la longueur du réseau autoroutier en Europe a progressé de 60 % entre 1995 et 2020 quand le réseau ferroviaire a, lui, diminué de 6,5 %.

Il faut changer cela : nous voulons augmenter les fonds pour développer les infrastructures et les lignes du transport quotidien et les lignes de train reliant les grandes villes et villes moyennes européennes - notamment les trains de nuit. Nous voulons réinvestir le fret ferroviaire, en favorisant la multimodalité en connectant les lignes de fret ferroviaire aux ports fluviaux et maritimes et en investissant dans les infrastructures dédiées. Nous relancerons les petites lignes qui désenclavent nos territoires ruraux et nous investirons dans les RER métropolitains, les Intercités, les trains de nuit.

Pour rendre le transport ferroviaire plus accessible et accélérer le report modal, nous mettrons en place un Ticket climat pour accéder à tous les transports en commun. Enfin face à la concurrence chinoise exacerbée nous voulons renforcer notre industrie ferroviaire en la protégeant davantage contre la concurrence déloyale. Nous financerons cela notamment en taxant les transports polluants : nous voulons instaurer une taxe sur le kérosène dans le secteur de l’aviation. »

Aller plus loin que la vision des 10 ou 15 projets de RER métropolitains mise en avant par le gouvernement

—  Raphaël Glucksmann

Grands projets d’infrastructure

« Il faut absolument que les investissements de l'Union européenne soutiennent les mobilités du quotidien. C’est une urgence écologique: il faut réussir à développer le plus rapidement possible un maximum de projets pour offrir des solutions alternatives à l’usage de la voiture individuelle à un maximum de personnes.

Cela implique d’aller plus loin que la vision des 10 ou 15 projets de RER métropolitains mise en avant par le gouvernement français actuel, qui laisse de côté les territoires plus petits. Nous devons offrir des solutions aux habitants de ces périphéries pour qu’ils puissent continuer de venir travailler, étudier et accéder aux services publics qui ont souvent disparu de leur environnement immédiat. Ces solutions doivent être centrées autour du ferroviaire mais doivent également inclure le développement de bus à haut niveau de service, et les logiques de rabattements vers ces transports plus lourds (covoiturage, autopartage, vélo).

L’Union Européenne a un rôle important à jouer pour soutenir le développement de ces offres de transports du quotidien : une majorité de gauche au Parlement Européen soutiendra la mise en oeuvre d’une stratégie européenne pour lutter contre le manque d’options de transport bas carbone, ou leur manque de fréquence ; elle soutiendra également la mise en oeuvre d’un ticket climat pour développer des offres de billets de train à bas coûts et favoriser l’usage des trains régionaux et de proximité, sur le modèle de ce qui a été fait en Occitanie, en Allemagne ou en Espagne.

Pour autant, ces investissements accrus dans la mobilité du quotidien ne veulent pas dire qu’il faut abandonner les projets à l’échelle européenne, qui sont également cruciaux pour répondre à nos objectifs climatiques, notamment pour développer une offre alternative à l’avion pour se déplacer en Europe: entre Paris et Barcelone, le train émet près de 100 fois moins d’équivalent CO2 que l'avion. Or, les services transfrontaliers de nuit ont par exemple diminué de 65% entre 2001 et 2019; les billets de train sont en moyenne deux fois plus chers que les billets d'avion; les billetteries ne sont pas assez harmonisées et digitalisées.

L’heure n’est donc pas à la diminution des projets d’infrastructure européens: nous voulons au contraire soutenir les projets visant à mieux relier et desservir les villes moyennes européennes - notamment les trains de nuit, tout en investissant dans la mobilité du quotidien. »

Biodiversité

« Nous partageons résolument cet objectif de restauration de 20 % des terres et espaces marins d'ici 2030. La biodiversité comprend non seulement le nombre d'espèces mais aussi leur variation génétique et leurs interactions au sein d'écosystèmes complexes. Face à un déclin alarmant des populations de vertébrés et la disparition des habitats naturels, la protection et la restauration de la biodiversité sont plus que jamais cruciales.

Aussi, nous nous opposons fermement à la position de certaines forces politiques qui rejettent ou atténuent ces mesures essentielles sous prétexte d'un excès de normes. Leur approche, qui vise à réduire les régulations environnementales pour favoriser un libéralisme économique débridé, a prouvé ses limites et ses défaillances, sacrifiant bien souvent le bien-être social et écologique pour un profit à court terme.

Pour renforcer la protection de la biodiversité nous rendrons les sanctions contre les crimes d’écocide réellement dissuasives, en engageant l’UE à atteindre l’objectif “30 x 30” : protéger 30% des espaces terrestres et 30% des espaces maritimes de l’UE d’ici à 2030.

La préservation de nos ressources en eau est cruciale, et les données récentes soulignent l'urgence de la situation. Avec une diminution des débits moyens annuels des cours d'eau en France prévue entre 10 à 40% d'ici 2050 et 72% des nappes phréatiques sous leurs normales habituelles en août 2023, la disponibilité de l'eau devient de plus en plus préoccupante. De plus, le traitement insuffisant des eaux polluées et la dégradation des infrastructures d'eau sont également alarmants. En France, par exemple, le taux de perte d'eau dû à la qualité des canalisations atteint 20%, ce qui indique des fuites importantes et un besoin urgent de rénovation.

Pour répondre à ces défis, nous proposons la création d'un service public européen dédié à la gestion stratégique des ressources en eau. Ce service aurait pour missions principales de coordonner et de renforcer les efforts pour garantir un accès universel à une eau propre et sécurisée à travers l'Europe. En consolidant la gestion des ressources en eau au niveau européen, nous pourrions mieux planifier et répondre aux crises hydriques, optimiser l'utilisation des ressources en eau de manière durable, et soutenir les efforts pour maintenir la qualité et la sécurité de l'eau pour tous les citoyens. Ce service public veillerait également à la mise en oeuvre de pratiques de gestion de l'eau plus rigoureuses, réduisant les pertes et améliorant l'efficacité de l'utilisation de l'eau à travers le continent.

La mise en place d'un tel service public européen représente une étape cruciale vers une gestion plus responsable et durable des ressources en eau, essentielle pour la survie et le bien-être des générations actuelles et futures en Europe. »

Production d’énergie

« L’Europe ne pourra pas, à court terme, se passer totalement du nucléaire dans son mix énergétique. Il faudra maintenir une part responsable pour assurer la transition. La priorité c’est de développer massivement les énergies renouvelables. Nous nous donnerons les moyens d’atteindre 75 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique d'ici 2040.

Nous devons donc engager la seconde phase du Pacte Vert en investissant, notamment via un fonds souverain pour les énergies renouvelables. Mais c’est également un impératif géopolitique et sécuritaire : nous devons construire notre souveraineté énergétique et libérer l’Europe de sa dépendance aux énergies fossiles. Nous devons sortir de la dépendance au gaz russe, et aux pétroles des pétromonarchies. »

Rénovation énergétique

« Nous voulons mettre fin aux passoirs thermiques en engageant un plan européen de rénovation énergétique des bâtiments et des logements, en commençant par les écoles.

Accélérer la rénovation énergétique accessible à tous est un enjeu déterminant et c’est en effet nécessaire à l'échelle européenne, de s’inspirer des réussites de modèles nationaux, notamment l'approche française. Ce modèle combine efficacement incitations fiscales, subventions directes, et un accompagnement technique, ce qui s'avère être un levier puissant pour l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et publics.

Cette approche ne se contente pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais aide également les ménages à économiser sur leurs factures énergétiques. Nous envisageons donc d'intégrer ce modèle dans la stratégie européenne de rénovation énergétique. En s'appuyant sur des dispositifs déjà en place, comme ceux du plan de relance et du cadre financier pluriannuel de l'UE, nous pouvons étendre ces bénéfices à un plus grand nombre de citoyens européens. L'adaptation de ce modèle permettra de cibler efficacement les ménages à faible et moyen revenu, qui sont les plus affectés par la précarité énergétique, en leur offrant des solutions adaptées aussi bien dans les zones urbaines denses que dans les régions rurales.

Cette approche, en plus d'être économiquement avantageuse, est essentielle pour garantir que la transition énergétique soit juste et inclusive, permettant à chaque ménage européen. »

Souveraineté industrielle

« Le projet que nous portons vise à construire une véritable puissance écologique européenne.  L'autonomie de l'Europe sur l'extraction des ressources critiques essentielles à la décarbonation est cruciale pour notre sécurité et notre indépendance stratégique. Pour y parvenir, l'Europe doit investir massivement, et soutenir, via la commande publique, des entreprises européennes. Par conséquent, il est essentiel de soutenir de manière accrue la recherche et le développement.

L'Europe doit massivement investir dans le recyclage pour réduire sa dépendance aux importations. En sortant de la société du « tout jetable », en combattant l'obsolescence programmée, et en créant un droit à la réparabilité, nous pouvons significativement augmenter la durée de vie des produits et la quantité de matériaux récupérables. Le développement d'une filière européenne de la réparation et du recyclage permettra de conserver au sein de l'Europe une plus grande part des ressources critiques déjà extraites.

Ces mesures, combinées à des politiques de soutien à l'innovation dans les technologies de recyclage avancées, aideront à créer une économie circulaire robuste où moins de ressources neuves sont nécessaires et plus de matériaux sont réutilisés. Cela contribuera à une plus grande souveraineté européenne dans le domaine des ressources critiques, essentielle pour notre transition vers une économie décarbonée. »

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