Près de 50 acteurs de la logistique, dont vous faites partie, ont signé la semaine dernière avec l’Etat une charte d’engagements environnementaux, sobriété foncière incluse. Comment y parvenir sur fond de fort développement de la logistique, dopée par le e-commerce ?
Un tiers de nos transactions se font sur de l’existant ; les deux-tiers, sur des constructions neuves. Ce rapport va forcément s’équilibrer petit à petit, en raison du manque du terrain. Mais la part de la construction va encore rester importante, autour de 50 %. Le ZAN (NDLR : zéro artificialisation nette, prônée par le gouvernement) deviendra une réalité dans cinq ans.
Pourquoi si tard ?
Faute de trouver des solutions dans les marchés principaux, les futurs occupants d’entrepôts se reportent vers des marchés secondaires disposant d’une réserve de terrains importants. Comme pour l’habitation, ils s’éloignent. Pour l’Ile-de-France, le report se fait en quatrième voire cinquième couronne : Compiègne, Beauvais, Orléans, Amiens… Pour Lyon, des solutions existent au nord, avec Chalon-sur-Saône ou Mâcon, et au sud vers Bollène. Pour Marseille, il y a Fos-sur-Mer, où nous venons de commercialiser 92 000m² pour le groupe Adeo (NDLR : Leroy Merlin, Bricoman…).
Quelle région se démarque en termes de potentiel de développement ?
Les Hauts-de-France ont le plus de solutions grâce aux friches notamment. Regardez E-Valley, une base militaire à Cambrai (Nord) transformée en plateforme logistique de 700 000m², pour différents prestataires. La région est aussi en fort développement car les élus locaux ont pensé la logistique, permettent de développer de grands sites comme la plateforme multimodale Delta 3 à Dourges (Pas-de-Calais). Ces opérations d’envergure voient le jour grâce au soutien des autorités. Il y a cinq ou six entrepôts de plus de 50 000m² actuellement en développement. Les autres régions ne sont pas intéressées et ne libèrent pas de terrains.
1,5 Md€ ont été investis au premier semestre 2021, contre 900 M€ sur la moyenne décennale. L’immobilier logistique attire de plus en plus investisseurs, qui boudent l’actif commercial, fragilisé par la crise sanitaire. Comment cet appétit croissant se traduit chez vous ?
A chaque fois que nous avons un actif à vendre, une quinzaine d’investisseurs se positionnent. Le nombre de candidats ne cesse d’augmenter. Ces nouveaux investisseurs nous appellent car ils veulent se diversifier. La valeur des actifs logistiques a doublé en huit ans.
Quel est leur profil ?
Ils sont de toutes sortes : des banques, des assurances, des fonds, français et étrangers. Les Américains regardent en Europe alors que la surchauffe est plus forte aux Etats-Unis. Les Asiatiques, eux, passent via des plateformes d’investissement implantées en Europe. Ces nouveaux entrants s’ajoutent aux pure players historiques comme la foncière cotée Argan et le leader mondial Prologis.
On vous sent confiant pour le secteur…
La préparation de commandes, destinée à se développer grâce au e-commerce, nécessite un triplement des mètres carrés complémentaires au retail traditionnel. La surface peut être jugulée par une mezzanine ou l’automatisation, ce qui permet de limiter l’emprise foncière. Le passage du commerce physique au e-commerce complexifie les opérations dans l’entrepôt. Cela suppose un investissement dans l’automatisation, qui est parfois presque équivalent au coût de l’immeuble lui-même. Il y a aussi de belles perspectives, notamment à Rome et à Milan, qui connaissent un rattrapage du déficit entre surfaces logistiques et population. En Ile-de-France, région mature, c’est grosso modo 12 millions de m² pour autant d’habitants.
L’appétence pour les entrepôts en périphérie est forte. Quid de la logistique urbaine ?
Les investisseurs adorent, achètent des friches aux portes des villes. Mais si les entrepôts de moyenne taille et XXL ont un modèle standard, la logistique urbaine n’a pas encore de modèle type. Entre le pied d’immeuble et la concession automobile à transformer, c’est tellement hétérogène... Il est donc difficile d’en faire une règle et de créer un pipe d’investissements. D’où le nombre peu élevé d’opérations. Celles-ci dépendent souvent d’appel d’offres. Des villes comme Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et Lyon consultent les investisseurs et cela peut prendre du temps. De notre côté, nous venons de vendre 4 000m² à Paris à Corsalis, un investisseur dédié à la logistique urbaine.
Ces quelques opérations ne sont pas suffisantes pour dresser un panorama de la logistique urbaine. Ce manque de lisibilité est-il responsable des tensions sur ce segment de marché ?
En effet, le taux de vacance est bas et les prix locatifs ont augmenté de 5 % en un an. Cette hausse s’explique par le manque d’offres mais aussi par les prix de construction qui ont pris plus de 10 % en un an, à cause de la crise des matières premières, le métal, le bois… A ce rythme, peut-être qu’un espace de logistique urbaine bien placé à Paris vaudra autant qu’un magasin.