Quels principaux constats tirez-vous de ce millésime 2018 de notre « Top 1000 » du BTP ?
Les 10 premiers groupes pèsent près de 80 % du chiffre d’affaires total du classement. Même s’il existe un nombre impressionnant d’entreprises de BTP en France, le secteur demeure relativement concentré autour de quelques leaders. Cela montre aussi à quel point les plus grands groupes savent rester agiles pour continuer à adresser leurs différents marchés, en France comme à l’international, en continuant de croître au même rythme que les autres acteurs du secteur.
D'autre part, la majorité des groupes figurant au classement enregistrent une croissance de leur chiffre d’affaires, parfois à deux chiffres. Le BTP, en 2017, a bien profité du rebond de l’économie et notamment, en France où se conjuguaient par ailleurs plusieurs opportunités : un redémarrage de l’immobilier porté par une clarification fiscale et des taux d’intérêt durablement bas, le début d’un cycle électoral favorable avec les élections municipales en 2020 mais, aussi, les premiers effets des grands projets de travaux publics comme le plan « fibre » et le plan de relance autoroutier dont les incidences se sont amplifiées en 2018 et continueront en 2019.
Quels effets produit le Grand Paris Express ?
Le constat est identique pour le Grand Paris Express : il a eu peu d’impact en 2017, il commencera à en avoir un peu en 2018 avec une montée en puissance jusqu’en 2024 voire même au-delà. Cette embellie ne concernera pas que le génie civil. Les travaux de réseaux vont se développer, tandis que la construction des futures gares va faire émerger des quartiers entiers. Ce dynamisme francilien attire et crée de la croissance chez des acteurs multi-régionaux, qui ont su prendre position en Ile de France, tout en profitant de leur assise régionale historique.
"Les groupes poursuivent leur diversification. La maîtrise des fluides et de l’énergie seront les principaux drivers des donneurs d’ordres et des investisseurs"
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) du BTP confirment-elles cette année encore leur dynamisme ?
Les ETI se montrent globalement toujours aussi dynamiques dans ce classement. Leur progression traduit la confiance que leur accordent les donneurs d’ordre. Elles accèdent ainsi, seules ou en groupement, à des marchés d’envergure plus importante. Certaines remportent ainsi des marchés de génie civil ou de systèmes ferroviaires sur le Grand Paris Express.
Autre constat : la diversification des portefeuilles d’offres continue d’être à l’œuvre dans ces entreprises, pour capter le maximum de valeur, et cette stratégie est récompensée, notamment la faculté à intégrer, en plus du gros œuvre, les corps d’état techniques, à plus forte valeur ajoutée, qui permettent de soigner les marges. Les filiales immobilières des ETI sont par ailleurs dynamiques, tandis que le focus sur les métiers de l’énergie, lui, s’accélère.
L'énergie est-elle toujours un axe privilégié de diversification pour les groupes de BTP ?
Les groupes ont pris conscience que parmi les enjeux de notre monde futur figuraient dans les premiers rangs l’énergie et l’eau. Nul doute que la maîtrise des fluides et de l’énergie seront les principaux drivers des donneurs d’ordres et des investisseurs, et ce, dans un contexte de promotion du renouvelable et des économies d’énergies.
Autres incitations à l’élargissement du panel de leurs activités, les entreprises souhaitent toutes capter plus de valeur autour de l’acte de construire. L’intégration des nouvelles technologies dans les infrastructures et les bâtiments dits « intelligents » augmente la valeur de l’ouvrage et représente un potentiel de marge que les acteurs du secteur ne veulent pas voir partir chez les GAFA [Google, Amazon, Facebook, Apple, NDLR] ou autres plateformes numériques, avec le risque de désintermédiation afférent. Les dernières opérations de croissance externe initiées par certaines entreprises témoignent de cette approche.
"La révolution numérique pourrait accélérer le mouvement de concentration au sein du secteur"
Quels effets produit la révolution numérique, à l'oeuvre dans le secteur du BTP ?
Plus globalement sur le plan de l’Innovation, il est vraisemblable que la révolution numérique pourrait accélérer le mouvement de concentration au sein du secteur. Elle induit, en effet un besoin en R&D important pour décliner les nouvelles technologies sur les chantiers tant en conception (le BIM) qu'en réalisation, à l’image des nouvelles techniques de construction ou du travail collaboratif embarqué sur applications numériques.
Ces investissements sont lourds, et il est probable qu’ils devront être partagés ou mutualisés pour demeurer supportables par les acteurs de tailles moyenne ou petite.
Quels sont vos pronostics pour le classement ces prochaines années ?
L’année 2018 étant quasiment terminée, on peut dire que ce millésime sera bon sur le plan du chiffre d’affaires et, vraisemblablement, des marges. Cette tendance pourrait se poursuivre en 2019, si l’on en croit les volumes des carnets de commandes toujours orientés à la hausse et le maintien ou l’amplification des investissements publics en Ile-de-France certes, mais aussi dans les territoires, avec le Plan France très haut débit et les élections municipales en 2020.
On voit par ailleurs une légère tendance à l’amélioration des prix, qui pourrait néanmoins être supérieure, au vu du déséquilibre entre la demande et l’offre.
